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21 octobre 2019 1 21 /10 /octobre /2019 09:02

Publié sur le Blog de Paul Jorion le 24 juin 2014

Quand Stéphane Feunteum affirme que la monnaie est déjà indexée sur l’énergie, il a subjectivement raison mais objectivement tort. La nature et la réalité de la monnaie n’appartiennent pas au domaine de la physique. Subjectivement raison puisqu’il est logiquement visible que la masse monétaire en circulation varie avec la production et la consommation d’énergie. Objectivement tort puisque l’indexation de la monnaie sur l’énergie ou sur la biomasse n’est pas réellement exacte ni efficiente. Si cette indexation est rationnellement et scientifiquement plausible, elle n’est pas en l’occurrence satisfaisante pour tout le monde !

Convenons que notre système économique est en défaut parce qu’il détruit plus qu’il ne produit pour une majorité d’individus humains sur la terre. L’augmentation quantitative de la population nourrie et en bonne santé relative ne compense pas la dégénérescence du lien social. La concurrence « libre et non faussée » à l’accaparement privé du bien commun provoque une conflictualité sur le droit-même à vivre ensemble sur une seule et même planète.

L'humain en dénégation de lui-même

Nous, l’espèce humaine, avons un problème de subjectivité dans la prise en compte adéquate des réalités naturelles dont nous faisons partie et dont nous sommes les acteurs. Nous ne pouvons pas nier qu’il existe une nature objective indépendante de ce que nous voulons ou pouvons en comprendre. Nous ne pouvons pas nier non plus que nous avons une capacité subjective de choix et de décision à l’intérieur de la nature objective. Nous ne pouvons pas nier enfin que notre responsabilité humaine à nous imprimer dans la nature soit à la fois individuelle et collective, singulière et générale.

Nous ne pouvons pas nier notre nature mais le faisons quand même dans la phase critique du devenir humain que nous vivons. Nous consommons plus vite le milieu naturel que nous ne le régénérons. Nous professons des théories fumeuses pour nous persuader que nos problèmes se résolvent par eux-mêmes sans que nous ayons à vouloir quelque chose. Et nous transformons nos structures comme si nous n’étions pas le sujet et les sujets de notre humanité. Nous avons un problème avec notre subjectivité qui ne s’accepte pas en tant que telle et qui refuse de s’ordonner à la liberté d’être ce que nous désirons individuellement et collectivement.

Posons la monnaie comme l’outil de la liberté individuelle et collective de notre responsabilité dans la nature. La monnaie est un système d’indexation des réalités objectives naturelles par notre réalité subjective artificielle. Il y a monnaie dès que nous nommons des réalités objectives échangeables et que nous les ordonnons selon leur prix, c’est à dire selon la priorité que nous leur donnons dans notre travail de classification des objets de nos désirs. Par travail, il faut entendre classiquement la dépense physique d’énergie mais aussi l’information du réel.

Le réel est notre mode de représentation de la réalité. Le problème de notre nature subjective est que la nature brute ne nous intéresse pas. Notre humanité nous oblige à transformer la réalité pour qu’elle convienne à notre subjectivité individuelle et collective. Notre prise en compte des réalités naturelles par la monnaie est actuellement inadéquate car nous ne conservons pas la terre telle que notre subjectivité la désire. Car la concurrence monétaire des désirs individuels ne produit plus de désirs collectifs compatibles avec le bien commun objectif et subjectif. Car une minorité d’humains s’est arrogée le monopole de l’émission monétaire et de l’équilibre général des prix.

Consciemment ou non, volontairement ou pas, la minorité réduit la majorité à l’esclavage de ses intérêts privés exclusifs. L’économisme totalitaire des élites libérales consiste à répéter que la subjectivité ne peut être que la conceptualisation d’un rapport de force physique dont la seule résolution possible est le triomphe mécanique de la position rhétorique la plus forte.

La monnaie qui outille la démocratie

Si la monnaie est un outil de calcul économique, il est tout à fait logique et raisonnable d’en indexer objectivement l’émission sur la mesure de la biomasse et de la ressource énergétique. Mais la proposition ne dit rien de l’objectivité des définitions et des mesures de ces grandeurs utiles à ce que nous désirons.

L’oligarchie politico-financière est déjà constituée des plus grands experts en théorisation et mesure de tous les objets qui font la réalité. Et le choix oligarchique est justement de faire la réalité indiscutable et insaisissable au bien délibérablement commun de la démocratie. Le problème de l’objectivité de la monnaie et des prix est que le bien n’est pas seulement une question de réalité mais aussi de vérité.

Pour qu’une réalité soit objectivement économique, il faut un investissement de la subjectivité où tout individu se trouve représenté dans un bien commun qui est à la fois naturel et conforme à tous les degrés de la subjectivité des citoyens. Le démantèlement libéral de la civilisation est dans l’inadéquation systémique de l’objectivité économique à la subjectivité naturelle. Le système émet de la monnaie comme mesure de la richesse sans solliciter l’accord de la démocratie, sans objectiver l’application des lois politiques de règlement des échanges et sans intégrer le prix de la nature dans le travail de production.

Réintégrer la monnaie dans les lois de la nature implique de remettre la subjectivité au service de la nature objective, et de subordonner l’objectivité économique à la subjectivité de la démocratie. L’objectivité n’est pas une expertise de quelques individus mais une expérience collective. Les prêtres de la religion féroce du capital auto-référencé sont enfermés dans leur subjectivité et par conséquent déconnectés de toute réalité. Tout scientifique sérieux de n’importe quelle réalité sait que son expertise est sans objet hors de la communauté d’étude par laquelle il travaille. Pour qu’une communauté scientifique existe, elle doit singulariser son objet dans la réalité la plus générale qui soit de l’humanité, c’est à dire de la démocratie.

Une indexation de la masse monétaire sur la biomasse ou sur les réserves énergétiques renouvelables effectivement connues implique nécessairement une expertise bancaire. Laquelle ne doit plus se définir par rapport à elle-même mais par rapport à la réalité démocratique des communautés humaines effectivement constituées et distinguées par des frontières logiques. Une frontière logique de la réalité objective est justement franchissable par la monnaie à la condition de la souveraineté ; c’est à dire à la condition de la responsabilité subjective d’une communauté humaine objective sur son domaine de réalité.

Compenser la réalité objective en monnaie

Le problème scientifique de l’indexation de la monnaie sur la réalité n’est pas soluble hors du problème de la responsabilité politique dans la démocratie. Le libéralisme monétaire a purement et simplement supprimé la responsabilité politique en détachant les banques de la souveraineté. Comme la pseudo-science économique qui ignore la question de la subjectivité, le discours politique n’a plus d’objet dans la réalité à cause de la monnaie gérée dans la pure subjectivité des marchés financiers. La réalité politico-financière est purement virtuelle parce que détachée de toute objectivité discutable par la démocratie.

La restauration d’une objectivité de la réalité implique la refondation de la monnaie dans des communautés politiques objectivement identifiables par la réalité monétaire. Pour échanger des objets par des prix réels, il faut impérativement en rationalité objective rendre les communautés humaines, qui produisent la réalité des objets, interchangeables en monnaie.

On en revient toujours à la chambre de compensation multi-monnaies de Keynes où chaque communauté humaine d’intérêts est un État représenté par sa monnaie propre. Où chaque conversion d’une monnaie dans une autre induit le versement d’une prime de change à la communauté humaine constituée qui produit le plus de réalité objective bénéfique à l’humain et à l’humanité. Et où la variation des parités de change est l’équilibre objectif des contributions subjectives au bien commun de l’humanité.

Dans le schéma keynésien, il n’est aucune difficulté à matérialiser par une monnaie spécifique un État international de la biosphère. La finalité d’un tel État n’est pas l’application d’une loi politique générale mais la production de la mesure scientifique des ressources naturelles effectivement disponibles par la mise en œuvre des normes et techniques proposées par les citoyens de l’anthropocène. Emprunter cette monnaie dans la compensation keynésienne revient à acheter le travail de la communauté scientifique solidairement constituée ; prêter cette monnaie consiste à travailler effectivement aux objectifs de cette communauté scientifique dont les prix sont convertibles en n’importe quel autre objectif d’humanité par le marché des changes.

La création d’un marché des changes keynésien de convertibilité monétaire des objectifs humains de civilisation consiste à faire fonctionner les chambres financières actuelles de compensation avec des monnaies inconvertibles en non-droit ou en non-loi. C’est à dire inconvertibles dans les monnaies actuelles sauf à ce que ces monnaies soient effectivement réintégrées dans le système politique de la démocratie. Il faut que les monnaies irréelles soient convertibles en monnaies réelles moyennant le versement obligatoire à travers la prime de change d’une taxe de virtualité humainement bénéfique. La taxe automatiquement prélevée par le marché des changes serait versée par les acheteurs de bien-être objectif aux Etats de souveraineté qui en produisent le travail, les normes et les techniques.

La réalité objective convertible en réalité subjective

Le marché des changes est alors un marché de citoyenneté régulé par une chambre centrale de compensation où la monnaie est la personne physique elle-même qui s’engage dans des communautés politiques de connaissance de la réalité. Ce que le libéralisme empirico-matérialiste nous a fait oublier depuis les Lumières, c’est que la monnaie fondamentale de règlement de l’humain, c’est la personne du citoyen économiquement engagé dans une société de connaissance partageable du réel. Pour être solvable, c’est à dire constituer soi-même la solution à un problème du futur, et pour être liquide, c’est à dire contribuer actuellement à la résolution des problèmes humains, il faut et il suffit d’avoir une nationalité. Il faut adhérer à une société de responsabilité politique où l’on engage son travail personnel d’information humaine de la réalité.

N’importe quelle nation démocratique s’il en existe encore peut émettre une monnaie de citoyenneté par la technologie du réseau social numérique. Le numérique associé à une reconnaissance physique des corps par un service public d’État civil suffit à relier sans falsification possible les signes monétaires aux citoyens qui les engagent. Dès lors une chaine logique ininterrompue peut être construite en monnaie numérique entre n’importe quelle réalité objectivement mesurée et toutes les personnes informant moralement et physiquement les objets d’économie qui les engagent.

L’algorithmique de compensation de la réalité objective par la subjectivité politique engagée est de nature complexe : composée d’une causalité multiple entre le subjectif et l’objectif. Le calcul informatique sur les données numérisées de représentation subjective de la réalité permet un traitement économique d’un éventail virtuellement infini d’objets qui soient la cause des prix. Pour que la monétisation numérique du réel puisse effectivement produire de la réalité économique bénéficiaire, il va falloir que des communautés humaines se constituent dans les interstices des entreprises et des États ploutocratiques actuels ; lesquels sont construits sur le mythe libéral de l’infaillibilité monétaire mécanique.

Dès que la monnaie numérique compensée aura reconquis une aire de souveraineté suffisante, la kleptocratie reviendra dans les limites de l’humanité allergique au droit subjectif de la justice et de la responsabilité réelle.

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18 juillet 2019 4 18 /07 /juillet /2019 11:35
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17 janvier 2019 4 17 /01 /janvier /2019 11:51

L'insurrection des Gilets Jaunes révèle une opposition frontale entre les buts de la démocratie et les intérêts de l'économie libérale globalisée. Proposition est faite pour corriger la corruption de la démocratie représentative dans la compétition individualiste libre, d'instaurer le référendum d'initiative citoyenne. Cet instrument de démocratie directe donnerait au minimum aux citoyens un droit de véto sur les lois et les pouvoirs des personnes qui seraient jugées indignes de la démocratie. Le référendum introduit d'autres moyens de décompter les majorités de citoyens que la représentation par des élus. La possible mise sous contrôle de la démocratie représentative par la démocratie directe référendaire impose d'expliciter les postulats qui modélisent la responsabilité du prix, du règlement, du bien et du service donnant lieu à la compensation keynésienne multi-monétaire internationale.

Généraliser la séparation des pouvoirs

D'abord, le principe de séparation des pouvoirs de Montesquieu en législatif, exécutif et judiciaire doit se déployer dans la délibération-mise en œuvre des finalités politiques comme dans l'organisation-production de leurs réalisations économiques matérielles. A la séparation des pouvoirs en politique répond la séparation fonctionnelle des taches dans l'économie d'entreprise : organisation, comptabilité-finance, production-commerce.

La séparation des pouvoirs s'applique concrètement dans le contexte politique comme dans le contexte de la production matérielle par la responsabilité personnelle physique articulée entre individus par la responsabilité personnelle morale. Une même fonction de pouvoir n'est portée que par un seul individu par rapport à un même but ; les fonctions législatives, exécutives et judiciaires sont distinguées pour un même but par des personnes morales distinctes représentées par des personnes physiques distinctes. D'où l'on voit que le contrôle direct des réalités par les personnes physiques est inéquitable sans la représentation des personnes physiques par des personnes morales elles-mêmes différentiées et complémentaires par la séparation fonctionnelle entre les personnes.

Le crédit fondé sur la responsabilité personnelle

La séparation des pouvoirs dans la délibération comme dans la mise en œuvre, dans la réalité individuelle comme dans la réalité collective, n'est effective et efficiente que par une comptabilité du crédit qui intègre le qualitatif par le quantitatif et le quantitatif par le qualitatif. Autrement dit, la monnaie par quoi se calcule les prix doit renvoyer à des réalités physiques visibles donc vérifiables par un contexte social d'intelligibilité partagée des droits qui protègent les acteurs et transacteurs de la chose et du prix. L'unité monétaire est un bulletin de vote politique avant d'être un moyen de règlement économique. L'unité monétaire fonde le crédit entre les personnes physiques par quoi le prix devient calculable d'un bien identifié dans le droit commun des personnes à une même société politique.

L'emprise des mafias et des oligarchies cachées sur l'économie libérale en démocratie représentative est rendue insurmontable par l'impossibilité de relier concrètement le prix des choses à la responsabilité solidaire des personnes physiques réellement engagées dans la livraison à terme de la chose promise par des paroles politiques. Si chaque personne morale est matérialisable-palpable par son unité monétaire propre, si chaque pouvoir à l'intérieur d'une personne morale est représenté par une personne physique, et si chaque représentant d'un pouvoir ne peut agir que par la monnaie de ce pouvoir garantie par une personne morale tierce spécifique, alors la séparation des pouvoirs qui protège tous les droits de la personne, devient lisible et vérifiable par le règlement monétaire même.

La réalité représentée dans la délibération

La démocratie représentative institue le pouvoir direct équitable de toute personne physique sur ce qui lui appartient de droit à la condition de la multiplicité des unités monétaires selon la nature et l'espèce des droits par des sociétés intermédiaires spécialisées. Dans la société politique d'intérêt général, la valeur de l'unité monétaire est celle d'une voix référendaire unique par citoyen et par question posée. Dans la société économique d'intérêt particulier, la valeur de l'unité monétaire réglant la livraison effective d'un bien ou d'un service est la somme de toutes les primes de change du prix comptant et à terme de l'objet dans chacune des personnes morales assurant la réalité judiciaire du bien pour toute personne.

La démocratie représentative devient directe et non détournable en ploutocratie à la condition d'un marché des biens et services qui soit en même temps un marché du travail, un marché des capitaux et un marché des droits délibérables de la personne. En plus de la représentation de chaque personne morale nécessaire à la séparation des pouvoirs, par une monnaie et une personne physique incarnant le capital de la personne morale, il faut des sociétés politiques assurant en dernier ressort les droits de la personne physique ou morale par la gestion de sa parité monétaire en toute autre monnaie représentative de droits humains spécifiques.

Les droits matérialisables en monnaie

Une société politique agit comme état de droit à la condition de la convertibilité de sa parité de change spécifique en toute autre monnaie. Cela implique un marché des changes central public par état où la prime de change de la monnaie nationale est le prix de la garantie économique et juridique de toutes les personnes résidant dans son ressort. Autrement dit, la prime de crédit des représentants politiques d'une société et la fiscalité qui finance leurs actions sociales, devient une composante obligée de tout règlement monétaire juridiquement libératoire.

La démocratie représentative à pouvoir direct des personnes sur les choses revient à rétablir l'économie juridique et financière du bas moyen âge européen structurée par les villes franches de marché. Toutes les fonctions de souveraineté sont réunies en un même lieu marchand régies par une même république de façon à rendre accessible et vérifiable au calcul personnel toutes les composantes de la chose et du prix sous une même juridiction. La réalisation actuelle d'une telle économie de la responsabilité capitalisable en monnaie est une chambre de compensation keynésienne universelle inter-étatique numérique.

Monnaie numérique maintenant

La chambre de compensation universelle numérique consiste à monétiser les unités d’œuvre de la comptabilité analytique et budgétaire actuellement en vigueur par les systèmes d'information en réseaux. Mais la monétisation des unités d’œuvre est totalement intégrée dans un cadastre financier qui établit la multi-propriété personnelle de chaque donnée déterminant le prix de convertibilité des unités d’œuvre entre elles. Autrement dit la titrisation des actifs économiques en combinaison d'unités d’œuvre justifiant les prix de règlement en monnaie est intégralement garantie par le travail des personnes physiques assurées par du capital législatif, du capital exécutif et du capital judiciaire déposés dans des personnes morales distinctes à l'intérieur d'un même État de biens communs.

Notons que toute cette théorie est modélisable par les technologies informatiques réticulaires d'aujourd'hui. Notons ensuite que toute la pratique interprétative de ce modèle monétaire keynésien est conceptualisable dans la quadri-causalité aristotélicienne.

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6 décembre 2018 4 06 /12 /décembre /2018 10:11

La monarchie française du "coup d'état permanent" inverse en décembre 2018 la direction qu'elle avait prise en 1983 avec le "tournant de la rigueur" et la mise en construction de l'euro. Emmanuel Macron est de fait en sécession de l'oligarchie qui l'a désigné. Bercy va faire la guerre à Macron sous son masque bancaire et bruxellois ; les recettes fiscales vont s'effondrer grâce au verrou fiscal de Bercy et aux cabinets fiscaux internationaux qui vont accélérer l'évasion fiscale dans les paradis off shore installés au cœur de la zone euro.

C'est en décembre 2018 que l'administrateur gérant de la "start up nation" devient dans sa chair et par son corps physique Président de la République Française. Le roi est nu devant son peuple et devant l'oligarchie qui l'a désigné. La guerre froide de l'oligarchie contre le peuple va se livrer maintenant sur le terrain du système monétaire et le Président Macron en sera l'arbitre. Maintenant que l'option ordo-libérale est enterrée, l'alternative est simple : mise en place d'un régime de contrôle fiscal démocratique libéral de la circulation du capital ou mise en faillite rapide de L’État français suivi d'une mise sous tutelle de la BCE-Inspection Générale des Finances comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Italie...

Une politique écologique est une fiscalisation du capital

Le redressement financier des États ne peut plus se faire par la seule fiscalité sur la consommation. Il ne reste plus que la fiscalité du capital ce qui veut dire pour la zone euro l'adoption d'un ISF européen. Ce qui veut dire la mise en place d'un cadastre financier européen adossé à la politique monétaire de la BCE. Ce qui veut dire la mise en place d'un État fiscal confédéral de l'euro pour voter démocratiquement et appliquer légalement une fiscalité du capital aux frontières et entre les États de la zone euro.

Les États nationaux souverains deviennent alors le lieu de la délibération et de la mise en œuvre des politiques de transition énergétique à proximité des peuples, cultures et milieux naturels spécifiques et différents de l'Union Européenne.

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6 décembre 2018 4 06 /12 /décembre /2018 09:44

Ce n'est pas le principe de la démocratie représentative dans la 5ème République qui est fini, mais l'interprétation qu'en font tous nos présidents depuis Georges Pompidou. Disons que De Gaulle est le seul à avoir respecté l'esprit de notre monarchie républicaine : le monarque n'est légitime qu'à la condition de rallier la majorité absolue des suffrages populaires inscrits et non-inscrits. Le seul fait d'avoir dû lutter contre François Mitterrand au second tour de la première élection au suffrage universel de 1965, avait plongé De Gaulle dans un doute profond sur sa capacité à représenter le peuple français. La seule défaite au référendum de 1969 avait suffi à le faire démissionner alors que son gouvernement avait une majorité royale au Parlement.

Le Président garant de la Loi par les comptes

Le fondement constitutionnel de la 5ème République est la bicéphalie du pouvoir exécutif. Le Premier Ministre et son gouvernement soutenus par la majorité des députés gouvernent. Le Président ne gouverne pas : il préside le Conseil des Ministres et veille à la continuité des institutions démocratiques de l’État. Stricto sensu, le président ne fait pas de politique : son rôle est de choisir, de nommer et de surveiller les principales personnalités politiques qui gouvernent, légifèrent et jugent. Le président incarne l'unité du corps politique français entre le peuple et les élites, lesquelles sont fonctionnellement au service du peuple et de la solidarité nationale par la logique-même du régime républicain.

L'esprit de la 5ème République a été respecté par la force des choses lors des cohabitations où le Président a dû nommer un premier ministre n'entrant pas dans sa vision politique personnelle à cause d'une majorité parlementaire opposée à ses vues. Les cohabitations sous Mitterrand puis Chirac ont bien montré que le pouvoir du Président ne porte que sur le choix des personnes et sur la surveillance de leur honnêteté constitutionnelle et politique. C'est précisément cette fonction présidentielle de surveillance de la probité du personnel politique qui a été abolie de fait par le passage du septennat au quinquennat et par la réduction de l'élection législative à un troisième tour idéologique et technique de l'élection présidentielle.

L'élection d'Emmanuel Macron a été de fait la mise en liquidation constitutionnelle de la 5ème République dévoyée en démocrature. Après la disparition sous le second mandat de Chirac du Premier Ministre comme véritable responsable exécutif de la politique gouvernementale, l'instauration de la présidence jupitérienne en 2017 a été la seule manière de palier la dissolution d'une légitimité gouvernementale qui n'existe que par subordination à des débats parlementaires transparents et à un pouvoir législatif réellement autonome face au pouvoir exécutif. Non seulement Macron applique un programme politique à la place du Premier Ministre mais le Parlement élu comme le Président, par une fraction tout à fait minoritaire du corps national n'a aucune légitimité pour discuter ou contredire ce que décide le Président.

Les comptes monétaires et les comptes électoraux

La République demeure par une légalité constitutionnelle mais les représentants exécutifs, législatifs et judiciaires du peuple souverain ont perdu leur légitimité politique. Depuis la faillite financière et monétaire de 2008, ils ont également perdu leur crédibilité morale et leur liquidité financière. Les citoyens constatent que la politique gouvernementale est contraire à la conception majoritaire de leurs droits et de leurs intérêts économiques. L’État comme personne morale acteur et dépositaire des intérêts et de la cohésion de tous les citoyens n'est plus qu'un syndic de faillite de l'état-nation dont il faut extraire la "start-up nation". Personne n'a plus d'oreilles pour écouter les gilets jaunes sauf le Président qui est devenu la seule personne physique incarnant la réalité efficiente du pouvoir. Les élites entendent et même anticipent la révolution mais il n'existe plus de corps intermédiaires pour établir une cohérence réelle entre les attentes du peuple et les actes de décision politique gouvernementale.

Une autre transformation a vidé le pouvoir politique de sa substance depuis 1983 en France : la libre circulation monétaire du capital adopté par les gouvernements libéraux du Président Mitterrand et de ses successeurs. Les élites françaises ont mis à profit l'échec de la politique socialiste de relance budgétaire de l'économie pour achever l'intégration du marché français dans la globalisation libérale. Pour ne pas avoir à payer par la dévaluation du franc les échecs possibles de la politique économique nationale, le choix a été imposé au peuple français de ne plus financer les dépenses publiques par la seule ressource fiscale nationale mais aussi par la dérégulation financière. La dénationalisation des monnaies permettait un recours à l'endettement étranger sous le seul contrôle des intérêts financiers privés hors de la loi des États et de la souveraineté nationale.

Depuis 1983, les gouvernements français sont libres de promettre n'importe quoi au peuple français sans jamais parler du règlement à terme du prix de leurs programmes. Non seulement les gouvernements français ont pu librement acheté leurs électeurs avec l'augmentation des emprunts à l'étranger qui ne paie pas d'impôts en France ; mais ils sont entrés dans la zone euro qui interdisait de dévaluer les dettes françaises proportionnellement à la probabilité de leur remboursement par les excédents de la balance commerciale des biens et services. Depuis 1983, les Français ont été mis au chômage par l'impossibilité de dévaluer le prix du travail français en fonction des déficits de croissance et de compétitivité du marché français par rapport à ses concurrents internationaux.

L'argent qui compte hors de la Loi

Depuis la dérégulation libérale des années 80, c'est à dire depuis la déconnexion totale entre la politique monétaire française et l'équilibre de ses finances publiques, les Français les plus riches peuvent sans limite ni contrôle public exporter leurs revenus hors de la souveraineté nationale qui les fait travailler. Afin de ne pas payer les impôts et contributions sociales qui font réellement la rentabilité du capital, le capital est financièrement déclaré à l'extérieur de la juridiction domestique. Au-delà d'un certain niveau d'accumulation et de concentration du capital entre les mains oligarchiques, toute la plus-value est délocalisée sans le moindre coût social et réglementaire afin d'être reprêté au gouvernement français sous forme de dette extérieure de l’État français.

Cette irresponsabilité financièrement et fiscalement institutionnalisée de l’État national a dévasté la démocratie représentative. D'une part la fiscalité n'a plus reposé que sur les moins riches et les activités économiques domestiques non délocalisables ; d'autre part l'explosion de la dette publique extérieure et intérieure a rendu le service de la dette extravagant dans les budgets publics. Les bases fiscales domestiques se sont rétrécies par la délocalisation massive du capital industriel ; mais infiniment plus grave : les représentants de la nation sont devenus les représentants des intérêts des créanciers étrangers et des émigrés fiscaux par la force financière des choses comptables.

De fait le Président Macron n'a pas été élu par les citoyens français mais par l'oligarchie financière globalisée. Emmanuel Macron a financé sa campagne avec des fonds absolument invisibles au citoyen, au législateur et au juge français et sa feuille de route politique est impérative : alourdir la fiscalité domestique et réduire les dépenses sociales et investissements publics afin de freiner la croissance comptable de la dette extérieure. En termes techniques : stabiliser la dette publique à 100% du PIB par la taxation de la consommation et la réduction des investissements publics. Si le Président Macron ne remplit pas les objectifs qu'il a vendu aux créanciers de la France représentés par le Système Européen des Banques Centrales et la Commission Européenne, les banques françaises et a fortiori les banques étrangères accroitrons l'évasion fiscale des Français riches afin d'interdire sa réélection voir de le forcer à démissionner.

La monnaie reliée au bien commun par le corps d'un président

Mais la perversité du système libéral de liquidité absolue du capital par dessus la Loi des États peut dans le cas particulier de la 5ème République française déboucher sur une révolution... financière. Au delà de son pouvoir de travailler les rapport de force politique par la révocation des ministres ou la dissolution de l'Assemblée Nationale, le Président Français est un chef d'état constitutionnellement puissant. Garant de l'unité de la nation et de l'ordre républicain, le Président peut par l'article 16 instaurer une dictature provisoire pour restaurer un État de droit menacé par la rue et ou par la fuite des capitaux. La révolte des gilets jaunes a un impact capitalistique international considérable. Si l’État français vacille, les banques françaises maintenues à flot par la garantie sans condition des finances publiques françaises peuvent faire faillite en quelques secondes.

Si les banques françaises font faillite, le marché mondial de la liquidité des banques centrales se gèle instantanément. Le sauvetage coordonné entre banquiers centraux qui avait renfloué les marchés financiers après la faillite de Lehman n'est plus crédible à cause de l'énormité avérée de la dette publique mondiale. Il n'y a donc que le rétablissement des frontières monétaires et la taxation des flux financiers qui permettent de sauver la liquidité du système bancaire mondial.

L'incarnation et le pouvoir du chef de l’État français font de la France la seule puissance planétaire où le démantèlement financier de la démocratie peut se retourner par la dictature du peuple physiquement et nommément représenté par le président. Comme l'armée et la police font partie du peuple depuis 1848, le chef de l’État ne peut sauver l'épargne et le capital des riches qu'en rétablissant la solvabilité de L’État par la taxation de la liquidité monétaire entrante du capital aux frontières de la souveraineté nationale.

En 1958, le Général de Gaulle a sauvé la République en redéfinissant les frontières de la souveraineté nationale à l'intérieur de laquelle se déployait la véritable responsabilité politique, sociale, juridique et financière du peuple et des élites solidaires d'un même État de droit. La condition sine qua non de la démocratie représentative est la responsabilité personnelle physique et patrimoniale de tout emprunteur de capital politique ou économique. Le libéralisme économique qui détache la plus-value du vrai travail est cliniquement mort avec les gilets jaunes.

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19 septembre 2018 3 19 /09 /septembre /2018 15:11
La décision privée emboitée dans la responsabilité publique

Une réalité n’est jamais mentionnée à propos de la capabilité chinoise à mettre en œuvre une politique nécessaire et nominalement profitable à toute une société comptant 19% des 7,2 milliards d’humains. La monnaie des Chinois compte et représente exclusivement les intérêts matériels de la société nationale chinoise. Les Chinois sont effectivement capables d’interpréter rationnellement les politiques qu’ils mettent en œuvre par la masse comptable des crédits en monnaie déposés au nom de chaque centre de décision et d’action économiques. L’émission des signes monétaires est exclusivement contrôlée par le pouvoir politique de l’État chinois à travers la cascade des crédits prenant sa source dans les budgets publics de l’état central puis des collectivités publiques locales et irrigant ensuite toute la micro-économie des entreprises et des personnes physiques privées.

Tout paiement, toute dépense et tout crédit s’inscrit en Chine dans un emboitement des décisions privées particulières dans des politiques et des cadres explicitement intégrés dans un état central unique régi par un même corps de lois, règlements et intérêts. La tutelle nominale du Parti Communiste Chinois sur la société et l’économie pose un cadre unique commun d’interprétation et d’évaluation de toutes les dépenses engagées dans la monnaie commune entre les particuliers et l’état central. Tous les prix s’inscrivent dans un même référentiel de souveraineté où chaque engagement de dépense est associé à un nom d’institution publique et à l’individu qui l’incarne par les écritures bancaires. La représentation des acteurs économiques par des personnes physiques identifiées exclusivement responsables par la monnaie utilisée devant la république des Chinois, fait que le gouvernement est obligé d’assumer effectivement son rôle de régulateur économique et ne peut pas ne pas en rendre compte à son opinion publique.

En-dehors et en-dedans de la souveraineté monétaire

La circulation du capital par la liquidité monétaire entre l’en-dedans et l’en-dehors de la souveraineté chinoise est sous le contrôle des pouvoirs publics, donc de la responsabilité politique par ses instruments monétaires d’arbitrage public. La convertibilité de la monnaie donc des prix chinois entre l’intérieur et l’extérieur de la Chine n’est pas fixée par un marché « auto-régulé » d’intérêts privés mais dans un marché public régi par des banques publiques inféodées au pouvoir politique. La monnaie chinoise a explicitement deux figures : intérieure nommée « yuan » et extérieure nommée « renminbi ». Payer en yuan signifie se conformer à la loi et à l’ordre économico-politique chinois. Payer en renminbi signifie se conformer aux rapports de force et à la concurrence internationaux pour fixer le prix de ses engagements et de ses créances et en obtenir la liquidité. La parité entre yuan et renminbi n’est ni unique, ni universelle : elle est fixée au cas par cas par la puissance publique bancaire chinoise en fonction des individus et des institutions concernés.

Techniquement, la distinction juridique et pratique entre yuan intérieur et renminbi extérieur crée la réalité d’une politique de change chinoise dans l’intérêt explicitable de l’État et de la société chinois. Les primes de change captées par les banques entre les dépôts à terme en yuan et les dépôts à terme en renminbi sont juridiquement des éléments de fiscalité qui alimentent les budgets publics, donc la dépense commune des Chinois intérieurs. Le système financier chinois est isolé de la finance globale anonyme hors sol de sorte que les Chinois gardent quoiqu’il arrive la maîtrise de la mesure, selon leur propre système politique et juridique, de leurs dettes, créances et prix dans leur réalité économique différentiable et séparable du reste du monde. La réalité chinoise peut être pensée, appréciée et activée dans une relative autonomie par rapport au reste du monde ; les intérêts économiques, politiques et culturels chinois sont différentiables des intérêts non chinois.

Monnaie de responsabilité économique contre monnaie de cupidité spéculative

Le système monétaire chinois, qui était aussi celui de l’Occident avant la révolution industrielle libérale des deux derniers siècles, instaure la condition de possibilité d’une réalité objective circonscrite par une subjectivité incarnée, identifiable donc matériellement responsable. La transformation du réel désirable ou constaté n’est donc pas le fait comme en Occident de forces surnaturelles virtuelles seulement décryptables par des génies ou des sur-hommes mais une chose commune portée par une société physiquement constituée qui élabore son gouvernement réel dans l’espace et la durée. Les Chinois parlent et délibèrent moins que les Occidentaux mais ils se gardent la faculté de transformer leurs décisions en actes effectifs sur une réalité subjectivement circonscrite. La monnaie occidentale politiquement et socialement neutre fabrique le chaos individualiste ; la monnaie chinoise instaure une société et une politique qui fait une subjectivité chinoise agissante.

Reste en Chine la question non résolue de la liberté individuelle à avoir un jugement complexe propre, un rôle spécifique complémentaire et une participation négociable à l’œuvre commune du monde réel partagé. Sur ce sujet, les Chinois dépendent de la notion et de l’expérience occidentales de la personne. La personne est l’unicité de l’individu à la fois subjective et objective qui est, qui existe et qui agit par relation avec autrui distinct de soi dans d’autres personnes de même nature et de même statut avec qui la personne fait sociétés pour rendre les réalités transformables à son bénéfice collectif. L’existence effective de la personne physique et morale rend la réalité discutable, donc intelligible, donc transformable, donc adaptable à la vie de toutes les personnes dans les sociétés. La survie de l’espèce humaine exige désormais que le travail de recherche, d’intelligence, de décision et d’action mobilise toute la diversité des personnes dans une même direction acceptable par tous aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières monétaires de la Chine.

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7 septembre 2018 5 07 /09 /septembre /2018 08:34

La crise mondiale du crédit dont la prime ne peut plus être réellement positive : dixième année

Ce texte a été publié par Paul Jorion le 26 septembre 2015.

Partons des faits. Le 17 septembre 2008, la banque étatsunienne Lehman Brothers est déclarée en faillite. La Réserve Fédérale des États-Unis s’est refusée à prêter de la liquidité centrale à un repreneur éventuel qui aurait garanti le remboursement des dettes de la banque d’affaire. Les paiements quotidiens sur les engagements de Lehman sont donc suspendus à partir du 18 septembre 2008. Des milliers de banques dans le monde ayant prêté directement ou indirectement se précipitent dans leurs livres comptables pour évaluer les créances qu’elles ont sur Lehman en risque de ne jamais être remboursées.

En quelques heures, la panique financière envahit le monde. La réalité saute aux yeux qu’on s’était convaincu d’ignorer : dans le régime de libre circulation du capital financier, il n’existe aucun mécanisme ni aucune règle qui permette de calculer précisément qui doit quoi à qui. Une grande banque internationale a fait faillite et aucun banquier, même pas la moindre banque centrale, n’est capable de garantir qu’il dispose de suffisamment de capital pour couvrir la perte possiblement encourue. La faillite de Lehman est un cataclysme mental et cognitif pour toutes les banques et assurances qui sont branchées sur le marché mondial de la liquidité monétaire en dollar.

Dans la confusion générale, les banques se mettent immédiatement à solliciter les opérateurs financiers qui leur ont vendu des assurances sur leurs crédits potentiellement impayés par Lehman. Très vite, la menace systémique se profile de la concentration des risques sur quelques opérateurs spécialisés dans l’assurance du crédit, dont l’assureur AIG qui essuiera officiellement 100 milliards de perte au 31 décembre 2008. En dépit de leur finalité originelle de répartition et de division du risque, tous les appels en garantie convergent sur les mêmes acteurs. Les réserves financières constituées pour couvrir les risques de crédit du système bancaire mondial se révèlent brusquement radicalement insuffisantes. La Réserve Fédérale des États-Unis se trouve instantanément obligée d’accorder des milliers de milliards de crédits relais pour empêcher la suspension de tous les paiements interbancaires entre des institutions qualifiées ultérieurement de « systémiques » qui ne savent plus réellement si elles sont objectivement et véritablement liquides.

La Loi mise en faillite par la finance

En réalité, les lois nationales et les réglementations internationales interdisent aux banques centrales de consentir des crédits illimités aux banques privées. Les banquiers centraux ont donc dû dans l’urgence et la précipitation, téléphoner aux ministres du budget pour ne pas être déférés devant les tribunaux quand viendrait le moment de mesurer les responsabilités. L’acquiescement général du pouvoir politique à la suspension de tout régime de légalité dans le monde financier a été immédiat quand il est apparu que les déposants de l’économie réelle pouvaient perdre instantanément tout ou partie du prix de leurs dépôts et de leur épargne déposée dans les banques.

La faillite de Lehman n’a donc pas mis fin au régime du capitalisme libéral par le fait para-normal que les grands États ont foulé aux pieds la légalité qui définit juridiquement le capital comme couverture du crédit. Contre la souveraineté, contre leur constitution, contre le principe de la propriété et de la responsabilité, les États dits de droit se sont portés garants collectivement et sans limite du système bancaire mondial piloté par la Réserve Fédérale des États-Unis. D’institution centrale du système de crédit international, la banque centrale des États-Unis est passée au statut transcendant de deus ex machina de la liquidité bancaire internationale. Toutes les banques centrales du monde sont devenues de fait par des autorisations de découvert à la Réserve Fédérale, des filiales du gouvernement mondial de la monnaie au dessus des lois civiles. La banque centrale du dollar est devenue de fait le prêteur universel en dernier recours de toute économie mondiale.

Derrière l’escroquerie cognitive des subprimes qui a servi de catalyseur, et derrière ce qui nous est aujourd’hui gentiment présenté comme l’effacement inéluctable et nécessaire du pouvoir politique en économie, il faut mesurer l’ampleur de la révolution qui s’est accomplie. Depuis la faillite de Lehman, le crédit des banques centrales aux banques privées n’est plus régi par la loi des personnes et de la souverainetés des nations constituées en États. Le crédit central qui fait exister la monnaie par quoi sont réglés les échanges entre les hommes est une pure technique qu’aucun législateur, aucun pouvoir politique, aucun juge ne peut discuter ni modifier. Ce que les hommes produisent et achètent concrètement n’est plus le critère de calibrage de l’émission monétaire. La finalité première du capital comptabilisé en monnaie n’est plus de financer les activités qui répondent à des besoins humains délibérables.

Escroquerie à l’assurance par les dérivés de crédit

Une fois que le système bancaire mondial en dollar à obtenu la garantie sans limite de tous les États pour que les déposants et créanciers des banques ne subissent aucune perte comptable, un calcul approximatif des pertes assurées par les « dérivés de crédit » a pu se faire dans les mois qui ont suivi la faillite de Lehman. Les dérivés de crédit sont des assurances que les banques se vendent et s’achètent sur les pertes comptables qu’elles peuvent subir du fait de crédits non remboursables pour une quelconque raison. Des milliers de milliards de pertes comptables pouvaient être envisagées par les banques du fait de la mise en faillite de Lehman. Mais par les contrats d’assurance du crédit, les pertes réelles pouvaient être moindre, à la condition que les banques en position d’assurance disposent de suffisamment de réserves en capital pour verser tous les dédommagements dus et réclamés.

Le doute général sur la fiabilité du système financier ne pouvait être levé que si le total des pertes réelles sur les crédits effectivement non remboursables restait inférieur au total des fonds propres disponibles dans l’ensemble des banques. Le calcul des pertes effectives engendrées par les faillites bancaires précédant et succédant à celle de Lehman s’est révélé long, complexe et irrémédiablement approximatif. Pourquoi ? Parce que la monnaie et le crédit déconnectés d’une loi commune entre tout ceux qui achètent, vendent, doivent et paient, n’ont aucun fondement objectif quant à ce qui a de la valeur ou n’en a pas. Quand les banques ont confronté entre elles l’évaluation du solde de leurs créances réciproques après la banqueroute des subprimes, elles n’ont pu que constater la non concordance de leurs évaluations de ce qui était réellement perdu ou pas perdu.

En l’absence de critère objectif commun à un même marché, les dettes remboursables des uns sont des dettes non-remboursables pour les autres ; des dettes bien assurées pour les uns ne sont pas réellement assurées pour les autres. L’effondrement de la confiance sur le marché interbancaire du crédit n’a pu être évité que par l’engagement des banques centrales à faire crédit sans limite aux banques qui n’avaient pas été officiellement mises en faillite. « Sans limite » a explicitement signifié à tout esprit financier libéral : hors des limites d’une légalité commune, délibérée et partagée. Tous les banquiers ont alors consciemment réalisé que la détention d’une masse critique de dépôts des entreprises et des particuliers représentait un droit de tirage quantitativement illimité sur la liquidité des banques centrales.

En même temps que les pertes de crédit et que la solvabilité effective des assureurs du crédit ont été laborieusement évaluées pendant l’année 2009, les modèles de prix financier des dérivés de crédit ont été recalibrés afin d’intégrer l’élément systémique nouveau de la garantie étatique illimitée des dépôts bancaires. Miraculeusement, les banquiers sont alors parvenus à démontrer que l’ensemble des fonds propres des banques étaient suffisants pour faire face aux conséquences d’un nouveau krach type Lehman. Qu’avaient réalisé les banquiers au plan technique ? Que la détention des dépôts et de l’épargne des personnes physiques qui élisent les gouvernements, représentait un capital gratuit sans limite légale. Ainsi avaient-ils le moyen d’assurer n’importe quelle politique de spéculation sur la mesure du prix du crédit. La technique financière avait réalisé la dissociation absolue du droit et du bien commun.

Anéantissement financier de l’intérêt général

Depuis le krach des subprimes, il est devenu tout à fait inutile de produire de savants calculs juridiques et mathématiques pour « saucissonner le risque » de manière à le rendre invisible aux épargnants. Quand un banquier « too big to fail » a réalisé trop de pertes sur des opérations d’assurance du risque de crédit sur le faux marché mondial de la liquidité en dollar et en monnaies dérivées du dollar, il lui suffit de montrer ses dépôts pour menacer les pouvoirs publics de sa propre faillite. Autrement dit, il suffit de fabriquer des bombes logiques avec la théorie mathématique des jeux et des options ; puis de vendre ces bombes logiques contre monnaie à des « investisseurs » ; et enfin de présenter la facture aux États quant la bulle spéculative se désintègre. Pour être bien sûr de se faire comprendre par les politiques, on finance leurs campagnes électorales et on provoque des fuites de capitaux chez ceux qui hésitent à puiser dans les finances publiques.

Depuis 2010, les pouvoirs politiques ont cessé de parler du renforcement des règles prudentielles de couverture du crédit par le capital et de la surveillance publique des banques. Officiellement, les nouvelles règles et nouveaux dispositifs mis en place sont incontournables. Officiellement, aucun opérateur financier ne peut plus échapper au contrôle de la loi commune ni à la pénalisation de ses erreurs d’interprétation. Insensiblement, la spéculation bancaire libre sur l’indéfinition du crédit est devenue la crise du surendettement des États. Les banques centrales n’ont jamais pu revenir au régime légal de limitation centrale de la masse des crédits accordée à la liquidité interbancaire.

Les autorisations de découvert des banques auprès du banquier central sont bien revenues dans des limites d’utilisation plus décentes par rapport à la production réelle de richesse. Mais les conditions de couverture des crédits centraux par des actifs réels déposés dans les banques ont dû être assouplies davantage qu’au lendemain de la faillite de Lehman. Et surtout, les primes de crédit payées par les banques aux banques centrales sont devenues quasi nulles. En 2015, sept ans après la faillite de Lehman, les banques centrales prêtent gratuitement aux banques. De toute évidence, il est manifestement impossible de rehausser le prix qualitatif et quantitatif de la liquidité achetée aux banques centrales sans provoquer une cascade non mesurable de faillites financières.

Non seulement la matière première de la comptabilité bancaire ne coûte plus rien, mais cette liquidité n’est plus engagée dans l’économie réelle du risque d’entreprise. Toutes les pertes de l’économie réelle sur les investissements insuffisamment rentables sont prises en charge par le patrimoine et le travail des entrepreneurs réels et par la puissance publique hors des marchés financiers officiels. Entre les banquiers et les États, les pertes réelles de crédit restent non mesurables en capital financier effectivement constitué et disponible dans les banques. De fait, les bénéfices affichés par la finance ne sont plus constitués que du contre-prix des pertes mesurées dans les entreprises publiques et privées de l’économie réelle. A partir de son extra-territorialité, la finance retourne les lois politiques de souveraineté nécessaires à l’économie réelle, pour se faire rémunérer le service de la calculabilité économique qu’elle ne rend plus du tout.

Sophisme intéressé de la neutralité monétaire

Dans l’univers de la financiarisation totalitaire libérale, les flux monétaires de règlement des transactions réelles sont grevés d’un prélèvement libre sans contrepartie réelle. La masse des intérêts réglés sur les emprunts aux non-résidents des zones monétaires territorialisées, ne correspond à aucun service ni public, ni privé. Les intérêts versés par l’économie réelle sur ses besoins de financement ont pour seul contrepartie le risque systémique engendré ex nihilo par le postulat libéral de la monnaie exonérée de la Loi. Le système financier post Lehman réalise absolument le postulat libéral de la neutralité économique morale intrinsèque de la monnaie. Le sophisme de la neutralité monétaire repose sur un postulat juridique arbitraire du capital réel infini des banques centrales.

Le capital réel infini des banques centrales consiste à déclarer leur infaillibilité par une dispense de comptabilisation des pertes de crédit sur les banques privées. L’infaillibilité des banques centrales fait l’infaillibilité des banques en général puisque la banque centrale n’a pas à rendre de comptes sur la qualité de ses crédits. L’infaillibilité des banques centrales étant crée par la Loi, les gouvernements libéraux des États les plus puissants achètent par là un droit de prélèvement infini sur l’épargne mondiale réelle sans avoir à rendre compte du service de l’intérêt général à un bien commun universel. Quand le prélèvement financier oligarchique devient trop visible à partir du krach des subprimes, les « marchés » accusent les citoyens de trop dépenser et d’oublier de payer les impôts qui remboursent les dettes publiques. L’infaillibilité des banques fait la toute puissance des oligarchies.

L’anéantissement de la Grèce dans la zone euro est ainsi absolument nécessaire parce que la BCE ne peut pas comptabiliser la moindre perte sur les banques installées en Grèce ; et parce que les banques ne veulent pas compromettre, dans leur mauvaise appréciation de la solvabilité des États, les intérêts perçus sur les titres de dette publique. La déréglementation financière des années quatre-vingt actuellement en vigueur, a été construite sur la fiction du risque nul des titres publics. Les banques peuvent réallouer sans limite l’épargne de l’économie réelle au rachat des titres publics et peuvent reverser immédiatement et intégralement, la marge d’intérêt qu’elles perçoivent à leurs dirigeants et leurs actionnaires. Les politiques sont incités à endetter leur pays sans limite afin de financer leur story telling électoral qui n’a plus de rapport avec la réalité des citoyens contribuables.

Les portefeuilles de crédits des banques centrales aux banques privées sont devenus gigantesques. Les anciennes règles de proportionnalité quantitative du crédit central aux besoins de paiement quotidiens de l’économie réelle tombent dans l’oubli. La monnaie est désormais émise principalement pour que les banques puissent compenser la fraction de la dette interbancaire qui reste inscrite comme active mais ne pourra jamais être remboursée. Les banques ont vendu à leurs filiales logées dans les paradis fiscaux, tous leurs crédits qui ne leur rapportent plus rien. Les paradis fiscaux sont des trous noirs comptables qu’aucune autorité publique souveraine n’a le pouvoir de regarder. Les banques y sont totalement maîtres des principes de réalité et de légalité qu’elles appliquent aux crédits qu’elles y enregistrent : l’existence d’emprunteurs réels produisant des richesses effectives y est légalement invérifiable.

Utilité du paradis dans la religion féroce

Les paradis fiscaux créés aux XIXème siècle sont le socle du capitalisme financier libéral. Pour concentrer la richesse et les bénéfices de l’esprit d’entreprise aux dépens du travail réel, il faut soustraire à la Justice et au contrôle des citoyens les activités contraires à l’équité et à l’égalité des droits. Au moment du « scandale de Panama » en 1888, Panama était déjà un paradis fiscal parmi tant d’autres. Outre l’évitement de l’impôt, la paradis fiscal est une machine à produire des histoires publiques invérifiables : pas d’identification physique des contreparties engagées, pas de formalisation contractuelle objective, pas d’arbitre public impartial. La mutation qui s’opère effectivement par le krach des subprimes est la levée pour les banques et leurs dirigeants des derniers obstacles institutionnels à l’utilisation des paradis fiscaux.

A l’opposé exacte de ce qu’ils affirment, les gouvernements légaux recourent eux-mêmes aux paradis fiscaux pour ne pas inscrire dans les budgets nationaux présentés aux parlements les dépenses et les défiscalisations financières, dépenses fiscales destinées à solvabiliser le régime de l’anarchie financière absolue. Le symptôme financier de l’insolvabilité du système bancaire et monétaire est la croissance inexorable des dettes publiques officielles et officieuses comptabilisées ou non dans les comptes des États. Malgré les politiques d’austérité consistant à tailler dans les dépenses publiques de justice, d’investissement et de solidarité, et à alourdir la fiscalité, les déficits publics ne se résorbent nulle part. Les États sont contraints de prendre à leur charge par des ressources empruntées le financement de l’économie réelle abandonné par les banques.

Les paradis fiscaux qui masquent les pertes des banques masquent également les bénéfices des activités rentables. Les États payent des intérêts sur leurs emprunts sans pouvoir taxer toute la valeur ajoutée qu’ils ont pu préserver par leurs dépenses. Les dettes publiques s’alimentent d’elles-mêmes par les seuls versements d’intérêt, qui non seulement sont supérieurs à la croissance nette de la valeur ajoutée, mais qui ne sont pas taxables car versés à des faux non-résidents logés dans les paradis fiscaux.

La libre circulation du capital, la mondialisation de la finance hors des souverainetés politiques et la libre production bancaire de crédits hors des réalités objectivement mesurables, sont une machine infernale ontologique. L’économie réelle humaine est détruite par une insurmontable asymétrie d’information entre des oligarques politiques et financiers propriétaires d’une vision générale et des esclaves enfermés dans leur réalité particulière. Le vrai prix des choses entre ce qu’on sait coopérativement produire et la somme des besoins exprimés par les individus est réservé à une minorité d’initiés. La répartition des revenus rémunère la concentration du capital aux dépens du travail réel de transformation de la matière en biens effectifs. Le calcul économique falsifié par l’anarchie financière ne dit plus rien de ce que les hommes demandent ni de ce qu’ils offrent de produire par leur facultés de travail.

Épistémologie de l’escroquerie libérale

Devant l’évidence des destructions opérées par le non-système actuel de la prédation financière libre, la question se pose du mode cognitif par lequel les gens de pouvoir ont perdu à ce point le sens des responsabilités et de la mesure d’une réalité véritable. Si l’on pose que la destruction du monde par la cupidité ou la bêtise n’est pas une fatalité, il y a certainement une erreur cognitive dans le raisonnement libéral. La falsification libérale du réel consiste donc à tout hiérarchiser par les prix sans adosser la monnaie qui compte les prix à la Loi qui réunit les acheteurs et les vendeurs par des biens réels. La réalité libérale est juste quantifiée par des prix qui tombent de la loi surnaturelle de l’offre et de la demande. Les riches sont riches parce qu’ils offrent plus qu’ils ne demandent. Les pauvres payent des intérêts parce qu’ils ne sont pas capables de demander moins que ce qu’ils offrent.

L’intérêt cognitif de la crise des subprimes transformée en crise des dettes publiques est d’avoir mis à nu les dissimulations du paradigme libéral. L’outil financier qui contient cet impensé est justement le dérivé de crédit, dont la version à prix réel négatif s’appelle le « subprime ». Un dérivé de crédit est une prime d’assurance sur le bien fondé d’une décision de crédit. Il s’agit de mettre un prix sur la réalité subjective issue d’une décision qui peut objectivement ne pas atteindre son but dans le futur. Le prix garanti par le dérivé de crédit n’est versé par l’acheteur de la prime que si le remboursement du crédit ne se passe pas exactement comme prévu dans le contrat entre le prêteur et l’emprunteur. Si l’une des conditions du crédit qui détermine son remboursement, ne se passe pas comme prévu, le vendeur du dérivé de crédit se substitue à l’emprunteur défaillant. Une prime de crédit coûte moins cher que le crédit lui-même du fait que statistiquement, parce que tous les emprunteurs ne sont pas impotents, irresponsables ou voleurs, une fraction seulement des contrats de crédit effectifs débouchent sur un défaut total ou partiel.

La valeur primaire, donc le prix, d’un dérivé de crédit est fondé sur l’hypothèse d’un engagement des emprunteurs et prêteurs à respecter les lois civiles et les règles légales du crédit. Un dérivé de crédit est donc une assurance sur les résultats matériels de la subjectivité humaine, laquelle est plus ou moins intelligente, plus ou moins responsable et plus ou moins honnête. Le paradigme libéral pose que la réalité ne contient aucune distinction possible de la responsabilité subjective dans la définition de l’objet sous le prix qu’on lui donne. Un prix n’est pas discutable. Il découle mécaniquement de la définition de l’objet nommé sous le prix. Il est impossible de considérer qu’un acheteur et un vendeur voient un même objet sous leurs subjectivités distinctes. Il n’y a donc pas de rapport de force entre un acheteur et un vendeur, ni aucune nécessité de réguler ce rapport de force par une loi de nature morale qui soit plus qu’une loi physique.

L’économie libérale est intrinsèquement rentable parce qu’irréductiblement simple. Celui qui offre a raison parce qu’il a ; le vrai prix ne peut pas être autre chose que le prix de ce qu’il a. Celui qui demande a tort parce qu’il n’a pas l’objet du prix. Donc la loi de l’offre et de la demande est mécaniquement vérifiée par l’offre de prix de celui qui prétend posséder la chose. Il n’y a plus aucun désaccord raisonnable possible puisque celui qui demande n’a par définition rien de ce qu’il demande. L’économisme libéral élimine le problème de la valeur discutable du fait de la différence des subjectivités. Comme il n’y a plus de discussion, on comprend que l’équilibre de la dignité, des droits et des devoirs des acteurs réduits à la condition d’agents, ne fait plus partie de la problématisation du prix. L’économie n’a plus besoin de politique. Le calcul des prix n’est plus pollué par la finalité d’une demande humaine à satisfaire des besoins subjectifs.

L’être réduit à la matière de l’avoir

Le libéral n’a rien d’inhumain. Il ne voit juste pas du tout pourquoi le prix de ce qu’il a et de ce qu’il offre pourrait s’établir selon un point de vue différent du sien. Il en découle que celui qui demande et va régler son achat en monnaie n’a aucune raison de mettre son jugement personnel dans la balance du prix ; ni dans la balance du crédit que le système bancaire va mobiliser pour mesurer son pouvoir d’achat en offre future. Le postulat libéral de la primauté de l’offre implique la primauté du capital sur le travail. Le capital devient une réalité présente d’un ordre supérieur à la réalité future de ce que le travail produira. Celui qui offre de travailler pour compenser le prix de l’emprunt qu’il contracte, doit forcément être aux ordres du propriétaire immédiat du capital offert. Le capital n’est pas l’acquisition possible de biens futurs aussi réels que le prix actuel.

La vision libérale fait l’économie de la loi et de la définition contractualisée des biens qui déterminent la demande de travail. Le prix possible des biens n’est plus subordonné à la condition politique commune du bien. N’accorder de réalité qu’à l’offre de ce qui existe déjà, a pour avantage d’exclure du débat public, donc du processus de négociation des prix sur le marché, la question de ce qui doit exister et de la nature du travail qui est à l’origine de la production. La politique de la demande et de la rémunération du travail engagé dans la production ne sont plus négociables par le droit applicable à l’économie. Le propriétaire du capital se trouve de fait propriétaire de la définition des droits reconnus au travail. Il devient logique d’attribuer à l’entrepreneur le droit de racheter par la diminution de la rémunération du travail les coûts qu’il supporte sur les droits servis aux travailleurs.

L’explication par le coût excessif du travail de la décroissance post subprimes est irréfutable dans le paradigme libéral. La vraie valeur étant dans le prix de ce qu’on possède déjà et non dans le prix anticipé par le crédit de ce qu’on va produire par le travail, il faut forcément abaisser la rémunération du travail en droits et en salaires pour avoir une chance de revenir à une proportionnalité plus acceptable entre le prix du capital disponible et le prix de la production future. Aucun politique ou économiste libéral, ne peut imaginer que le rapport de prix de l’unité de capital à l’unité de travail puisse être ajusté par une politique monétaire délibérée du bien commun. Comme la monnaie libérale n’est qu’un instrument et non la mesure normative du capital par les droits du travail du citoyen, il est impossible de concevoir la proposition keynésienne de revalorisation du capital en crédit par la resolvabilisation de la demande en droits monétaires servis au travail.

L’incurie libérale s’écroule si la croissance de la dette est indexée par la valeur ajoutée objective du travail. Si la monnaie redevient l’expression de la souveraineté politique sur l’équilibre des échanges dans le temps entre les personnes, c’est à dire du travail par le capital, alors le crédit devient le prix actuel de la richesse véritable. Après avoir observé l’effondrement économique du paradigme libéral dans l’entre deux guerres, Keynes a implicitement défini l’instrument monétaire comme l’outil politique de proportionnalisation du prix du travail au prix de capitalisation en crédit bancaire de la production future. La monnaie est de nature politique parce qu’elle résulte du crédit issu de l’État de droit adopté par les sociétés politiques. L’État de droit keynésien n’est naturellement pas cantonné à l’intériorité des États souverains puisqu’il est international par la monétisation des échanges.

Substance monétaire de l’économie du vivre ensemble

L’outil d’internationalisation du droit entre des souverainetés différentes est la monnaie ; parce que la monnaie est une fonction de souveraineté, en l’occurrence celle de l’indexation des prix par la justice des contrats ; mais aussi parce que la monnaie est un instrument commun à tous les États par quoi les nations peuvent rationnellement négocier leurs rapports de prix en capital. La théorisation keynésienne de la monnaie revient à l’étymologie du capital : prix d’échange de la richesse globale d’une société humaine gouverné par une « tête » incarnant une communauté de normes partagées de transformation des biens. Le capital keynésien n’est donc pas dissociable ni de la tête qui le gouverne ni des têtes qui le travaillent. Le capital est donc le prix relatif d’une politique de production identifiable par une société incarnée.

Si deux sociétés sont en relation d’échange dans la durée, elles peuvent régler leurs échanges par le crédit qu’elles se font réciproquement. Le crédit intersocial est comptabilisé en prix unitaire du capital commun qu’elles constituent. Dans la chambre de compensation internationale que Keynes avait proposé à Bretton Woods, l’unité de compte des dettes internationales est de fait étalonnée sur le capital commun de tous les États engagés dans le commerce international. Un État en excédent commercial se retrouve créancier de la société des États en unité du capital nominal commun. Les créances ne sont pas garanties par chacun des États débiteurs mais bien par la communauté des nations propriétaires du capital international en « bancors ».

Si un État à la tête de sa propre zone monétaire vient à accumuler trop de créances sur ses partenaires par rapport au capital monétaire international qui le garantit, alors la prime de crédit de l’actif monétaire étatique créditeur est dépréciée par la réévaluation de la parité de change de la monnaie nationale en monnaie internationale. En contrepartie et afin de maîtriser la croissance de la masse monétaire internationale en proportion de la croissance mondiale réelle, les monnaies des zones excessivement déficitaires et excessivement endettées par rapport au capital international, sont dévaluées. La dévaluation d’une parité de change nationale revient à revaloriser la prime de crédit de la dette zonale en monnaie internationale. La compensation keynésienne est un système de garantie internationale du crédit.

La compensation en monnaie de capital étatique international a pour conséquence de distinguer le prix national et le prix international du capital. La contre-révolution libérale des subprimes serait renversée dans ses conséquences quant à la rémunération du travail. Le prix du travail à l’intérieur des zones monétaires n’est plus calculable directement dans les monnaies des autres zones monétaire. Pour négocier une compétence de travail d’une zone monétaire à l’autre, il faut passer par la parité internationale publique de la monnaie nationale, laquelle n’est calculable qu’à l’échelle de la souveraineté juridique donc en incluant le prix du droit et des services publics de la zone où le travail est effectué.

La monnaie keynésienne réintègre la finance du crédit dans les droits du travail en incluant le prix du droit effectif dans les parités de change. La rupture est systémique par rapport à la barbarie libérale : restaurée comme instrument financier de la responsabilité politique des États de droit, la monnaie contient la calculabilité du prix des primes d’assurance des droits du travailleur. Les États et les gouvernements ne sont plus obligés de servir exclusivement les intérêts financiers anonymes mais peuvent s’engager financièrement dans une politique de promotion du travail et de la productivité réelle du citoyen qui travaille. Si les droits et les investissements accordés au travail coûtent cher aux entreprises exposées au marché international, les surcoûts sociaux sont financés par la solidarité monétaire étatale induite par la dévaluation de la parité internationale concertée. Le financement de la croissance par une politique de la demande retrouve du sens.

Scientologie libérale du nominalisme quantitatif

Pourquoi les politiques et les entrepreneurs de bonne volonté n’ont-ils pas adopté et promu le système de la monnaie keynésienne ? La première raison est historique. La République fédérale des États-Unis victorieuse de la deuxième guerre mondiale est restée sur le plan économique dans l’état de guerre internationale qui l’a fondée en 1783. Elle a fermé les robinets de la liquidité internationale en dollar à tous les pays qui ont cherché à recouvrer leur souveraineté économique et financière. Elle a acheté la politique dans toutes les démocraties libérales où les « souverainistes » peuvent parler. Même après la chute de l’empire communiste, la guerre civile financière en dollar est demeurée impitoyable et mondiale. Le fisc étatsunien et ses alliés industriels branchés sur les réseaux d’espionnage numérique du gouvernement fédéral frappent où il veulent pour des bonnes raisons autant que pour des mauvaises.

Le coup de maître du libéralisme anglo-étatsunien a été la création de la zone euro sans création d’une gouvernementalité confédérale responsable devant les États nationaux et devant la société politique européenne. L’emprise des libéraux est absolue dans la zone euro ; les États nationaux ont perdu leurs moyens concrets d’action au profit d’une administration financiariste déterritorialisée constituée dans le marbre de traités supranationaux. Les partisans d’une vraie Europe politique fondée sur des gouvernements responsables, locaux, nationaux et fédéral, sont rendus inaudibles par la désertification conceptuelle de l’ordo-libéralisme franco-allemand. L’écrasement explicite de l’État de droit en Grèce laisse les opinions publiques sans voix ni conscience.

La deuxième raison à l’ingénuité monétaire est l’illusion cognitive scientifiquement fabriquée par le nominalisme quantitatif. La civilisation de la consommation libre maximale focalise toute la capacité de cognition humaine sur l’objet détaché du sujet qui produit. Seuls comptent les prix en monnaie neutre des achats qui font exister l’individu pour lui-même. Alors, la rationalité juridique et morale du prix par le travail de la personne préalable à une quelconque consommation ne peut pas être pensée. Le citoyen résumé par son pouvoir d’achat en monnaie n’a plus d’accès à la causalité de l’économie des biens dans la politique de l’intérêt général. L’hypnose libérale repose sur l’annulation du prix des socialités intermédiaires entre l’individu et l’État. Par le monopole du crédit légal accordé à un système bancaire hors la Loi, les solidarités sociales ne sont plus le substrat de la valeur ajoutée.

Le capital libéral réduit la réalité à des marges virtuelles issues de modèles de prix mathématisés. Pour abolir le temps de l’intelligible, les modèles ont été informatisés. Les sociétés intermédiaires durables et réelles est exactement ce que le libéralisme anéantit. Si les citoyens ne se réunissent plus par des personnalités morales librement constituables dans le temps, la transformation de la matière physique par les prix n’a plus de substance. La restauration par la monnaie des conditions de possibilité d’existence libre des sociétés intermédiaires est précisément le chemin d’invalidation du nihilisme libéral. Or il se trouve que tous les outils d’indexation de la monnaie par la multiplicité libre des sociétés intermédiaires sont déjà utilisés dans l’actuelle compensation planétaire des échanges.

Inverser le sens de la compensation financière internationale

Les outils cachés de la finance globalisée sont : la propriété personnelle des données informatisées de mesure du crédit ; le langage informatique hypertexte qui transforme la parole en nombre et réciproquement ; le marché des changes qui rend négociable les primes de change entre des discours politiques différents ; le marché interbancaire mondial qui produit des parités de change nominal variables selon un équilibre unique des rapports de force internationaux.

La monnaie de compensation multinationale proposée en 1944 par Keynes dans la négociation des accords de Bretton Woods existe matériellement et politiquement depuis le krach de 2008. Mais au lieu d’avoir été utilisée pour répartir les pertes de crédit sur les détenteurs de capital réel, la monnaie internationale de fait a servi à comptabiliser un accroissement fictif des dettes publiques ; afin de faire payer par les contribuables nationaux le capital virtuel amassé par les oligarchies financières « non-résidentes ». Le capital réel est la compétence de travail achetée par la demande sociale à l’offre sociale. Le crédit réel est l’anticipation politique comptable des revenus du travail par les sociétés qui en ont acheté les productions. Enfin la monnaie internationale est l’unité de compte implicite qui a réalisé l’égalité du prix de toutes les dettes au prix de toutes les créances à l’échelle de la société mondiale.

Pour sortir du virtualisme financier libéral, il faut et il suffit que la propriété personnelle des données du crédit soit publique et socialisée. C’est à dire : qu’il soit impossible de comptabiliser un crédit au nom d’une société dont la réalité n’est pas identifiable dans des personnes physiques nommées ; donc que toute société débitrice ou créditrice en monnaie soit mesurable par l’identité vérifiable de chaque personne physique qui en fasse partie ; donc que la fonction d’une banque soit de garantir l’indexation de tout actif par les personnes morales qui en assurent le prix, et par les personnes physiques qui en réalisent le prix ; donc que la fonction d’un État soit pour chaque société déposée par son capital en monnaie, de garantir la justice entre les citoyens actionnaires solidaires.

La subversion de la virtualité libérale par les sociétés réelles n’est rien d’autre que le régime politique de la démocratie libérale ; mais libérale parce qu’économiquement et financièrement juste. Dans le régime de la démocratie véritable, il n’existe pas de capital sans une société de citoyens coopérant à la réalisation du crédit sur un ensemble commun d’objets moraux. Et il n’existe pas de société financièrement solvable sans la caution d’une société de droits par qui les personnes physiques sont assurées de leur intégrité dans les activités des sociétés intermédiaires. La loi et le budget communs d’assurance mutuelle sont nécessairement le fait d’une société politique intermédiaire ; intermédiaire dans la société humaine une. L’économie de la liberté est la délibération socialisée des biens sous le prix négociable des choses concrètes.

Application pratique à l’Union de l’euro

Si les Européens veulent revenir sur le chemin de la démocratie par la monnaie unique dont ils se sont dotés, ils ne peuvent pas éviter de fonder une société politique, financière, intermédiaire, commune. Donc un État confédéral de leur monnaie commune. Il ne faut pas penser l’État confédéral de l’euro comme une réplique de la république fédérale impériale étatsunienne ou des métropoles impériales romaine, britannique, française et allemande. La Confédération de l’euro est une société politique de compensation financière entre des souverainetés nationales pleinement libres et responsables. Les règles économiques et financières de fonctionnement des nations et de la confédération sont de même nature, mais ordonnées séparément dans des personnes morales instituées et distinctes.

Si les contrats politiques internationaux sont inscrits dans la chambre de compensation de l’euro et si l’armée et la police restent dans les mains nationales, le pouvoir politique confédéral ne peut plus être capté par des intérêts nationaux ou étrangers. Évidemment, le prix de conversion de l’euro entre les souverainetés internes et dans les devises étrangères, doit devenir un monopole du marché monétaire public confédéral. Il devient impossible à un intérêt financier en dollar ou en livre sterling de prêter ou d’emprunter des euros sans être représenté par des personnes physiques citoyennes de la Confédération de l’euro. L’appartenance à la zone euro implique par conséquent une administration douanière confédérale capable de filtrer tous les flux de capitaux réels, donc des personnes et des biens, aux frontières du territoire de l’euro.

Pour que le contrôle confédéral des personnes et des biens soient l’application concrète de la loi commune, il faut que le gouvernement de la confédération soit incarné par des représentants législatifs et exécutifs élus par les citoyens de l’euro. Les juges indépendants y sont rémunérés par une taxation confédérale de la valeur ajoutée. Dans une compensation publique organisée par l’actuel Système Européen des Banques Centrales, il n’est aucun obstacle à l’enregistrement unique et exhaustif des personnes physiques. Chaque citoyen inscrit dans le SEBC, peut disposer d’une voix en euro pour désigner le président, les ministres, les députés et les juges confédéraux qui capitalisent objectivement son suffrage. Pour qu’un citoyen européen soit investi de l’une de ses fonctions, il faut et il suffit qu’il réunisse la majorité des suffrages sur son nom par rapport à tous les autres candidats reconnus éligibles par l’assemblée législative de la Confédération.

L’intégration du capital, du crédit et de la monnaie dans la démocratie réelle des biens personnalisés par les sociétés intermédiaires revient à organiser un marché central public des dérivés de crédit. La prime de crédit fondamentale est la personne. Elle est figurée activement par le corps physique et passivement par la socialité morale intermédiaire libre. Le prix réel de toute personne physique ou morale est par définition unitaire et égal au prix nominal. Le prix unitaire de toute personne est l’essence quantitative de la monnaie : sa condition d’existence dans la réalité. Le prix des choses se déduit alors du prix des personnes par décomposition analytique des biens dans la subjectivité des personnes. La décomposition financière analytique d’un objet de bien est le titre négociable d’un actif. Le prix d’un titre est le prix en crédit qui fait accord entre acheteurs et vendeurs effectifs solidaires par la même loi. Pour que le prix d’un actif financier soit la mesure d’un bien réel, il faut qu’il soit garanti par le capital d’une société intermédiaire.

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29 mai 2018 2 29 /05 /mai /2018 10:05

Le platonisme libéral fait semblant d'ignorer la distinction entre la personne et les idées qu'elle défend. Ainsi fait-on disparaître toute la souplesse ontologique que les relations entre personnes apportent à la mise en oeuvre des idées dans la réalité des sociétés politiques. La proposition de Savona d'instituer une monnaie de solidarité italienne à l'intérieur du nominalisme ordo-libéral de l'euro aurait détruit les droits d'usure du capital en euro sur le travail et l'existence des peuples et des personnes dans la zone euro. Le droit libéral s'applique dans sa littéralité abstraite afin que le bien commun des personnes, c'est à dire des citoyens, n'engendre de bénéfices que nominaux pour les seuls titulaires de droits privés de propriété ou de créance.

Un exemple de cette allergie extrême-centriste à la démocratie est le mot "populiste". Le concept lié à la notion de peuple se substitue à la réalité politiquement pensable du peuple afin de vider la délibération politique de toute capacité à transformer la réalité par la vérité d'une démocratie efficiente.

C'est la monstration totalitaire de l'absurde entre un modèle idéologique de lecture politique et une réalité économique qui n'a plus aucun rapport intelligible avec les discours qui prétendent la diriger. La démonstration du nihilisme ordolibéral est effectivement faite par une communication politique de la démocratie procédurale que le système monétaire déconnecte structurellement de toute réalité sociale, populaire et relationnelle concrète. La décorrélation est une nécessité cardinale de l'efficience des modèles financiers de "couverture" du risque dans le système mondialisé de la monnaie libérale neutre.

Techniquement, Mattarella constate qu'une politique de la République au service du peuple italien est radicalement incompatible avec le système monétaire multinational de gouvernance des échanges économiques par les prix et par les dettes en euro germanique. Comme il n'y a actuellement pas de politique italienne possible du peuple italien responsable de lui-même par la monnaie de son propre État de droit, Mattarella met la République italienne en veilleuse jusqu'à ce qu'elle retrouve par une monnaie italienne de la démocratie le pouvoir d'émission et de régulation monétaire sans quoi l'auto-gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple est impensable.

Le robinet du gaz reste grand ouvert dans la chambre à gaz hermétiquement fermée des peuples de l'Eurozone jusqu'à ce que les peuples meurent, se révoltent ou se construisent des chambres de décontamination isolées de la toxicité financière libérale.

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21 avril 2018 6 21 /04 /avril /2018 09:07

Par Alexis Toulet

Il y a une manière de résumer la vie politique française de ces quarante dernières années qui est certes simplificatrice voire lapidaire, mais pas fondamentalement fausse. Depuis 1974, Giscard d'Estaing a toujours été président.

C'est en effet bien lui qui a défini les bases fondamentales de la politique générale du pays, c'est-à-dire les orientations pro-européenne, économiquement libérale, libérale aussi en matière de mœurs.

Paroles intraduisibles en fait ou...

Ces orientations ne déterminaient sans doute pas tout, et les dirigeants ultérieurs et autres forces politiques ont aussi eu leur influence. Mais ils n'ont jamais pu durablement remettre en cause ces orientations, et c'est bien Giscard qui les avait sinon définies, du moins implémentées :

- François Mitterrand n'a pas su, ou voulu, ou osé, maintenir la politique sur laquelle il avait été élu, d'où le « tournant de la rigueur » en 1983, deux ans plus tard.

- Jacques Chirac lui aussi choisit de revenir sur ses promesses sociales de campagne en 1995 et ne parla plus des « technocrates de Bruxelles » ; lui aura tenu quelques mois.

- Lionel Jospin arrivant aux commandes en 1997 tiendra quelques semaines avant d'ordonner une nouvelle vague de privatisations

- François Hollande, dont l' « adversaire » était « la finance », tiendra quant à lui quelques mois, un peu plus honorable que Jospin, grossièrement à égalité avec Chirac qui d'ailleurs l'avait soutenu

Tous ont du en revenir aux orientations définies par le Président majuscule, le « Président éternel » pourrait-on dire peut-être comme on appelle Kim Il-Sung en Corée du Nord ?

Emmanuel Macron, comme Nicolas Sarkozy avant lui, est arrivé au pouvoir avec une orientation libérale et pro-européenne claire. Il est difficile de lui reprocher de céder voire d'avoir volontairement trompé, comme aux Mitterrand, Chirac, Jospin ou Hollande. Il est tout à fait possible de lui reprocher d'avoir de vieilles idées, en effet - contrastant avec son âge, puisqu'il n'était pas né quand Giscard fut élu !

... Faits non-transformables par la parole

Mais depuis plus de quarante ans qu'il est au pouvoir, après moult tentatives avortées de le remettre en cause, les partisans de ce qu'Alain Minc appela « le cercle de la raison » ont bien des raisons de penser qu'en vérité « il n'y a pas d'alternative » (TINA). Même si un Mélenchon ou une Le Pen parvenait un jour au pouvoir, pensent-ils sans doute, il ou elle ne pourrait faire que des dégâts, pas définir une alternative opérationnelle, et après les ravages d'un dirigeant de ce type l'on ne pourrait que reprendre le même chemin. Puisqu'il est unique !

Sont-ils en train de faire erreur, comme la dinde que l'on prépare pour Thanksgiving qui a de plus en plus confiance dans ce gentil être humain qui vient quotidiennement la nourrir - jusqu'au jour où il arrive le couteau en main ? En d'autres termes, la longue série des présidents qui promettent "une autre politique" puis se découragent voire tombent le masque tout juste élus peut-elle connaître une vraie fin, au-delà d'un possible "accident" type dirigeant populiste ?

Un dirigeant qualifié de "populiste" mais qui réussirait, ou bien un dirigeant qui de l'intérieur du Cercle le réorienterait dans une nouvelle direction ?

L'avenir le dira. Le financier, statisticien et essayiste Nassim Nicholas Taleb a popularisé le concept du "cygne noir", c'est-à-dire l'événement qu'on n'avait pas conçu comme improbable : on le pensait impossible, au point que la possibilité-même qu'il advienne n'avait pas été aperçue.

Un mouvement politique et un dirigeant qui mettrait en pratique pour la France un autre modèle et qui réussirait, voilà qui serait un cygne noir, du moins pour les tenants du Cercle.

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21 mars 2018 3 21 /03 /mars /2018 13:17

L’histoire des traités irréformables est une prophétie auto-réalisatrice construite sur l’annihilation du réel par les mots. Ce que Paul Jorion nomme justement la religion féroce : les humains ne sont pas liés entre eux par une reconnaissance libre, réciproque et consentie de ce qu’ils sont effectivement individuellement et collectivement mais par un dogme écrit sur un papier hors de toute expérience vécue par les personnes physiques assemblées en peuples, nations et États. L’Oumma issue du Coran incréé qui est parole divine inintelligible aux créatures.

Pour s’émanciper de la prophétie, il suffit de ne pas croire et de ne pas faire ce qu’elle dit. D’ailleurs la réalité derrière les mots d’“union”, de “démocratie”, de “droits”, de “paix” et de “solidarité” n’est que trop visible. Il y a belle lurette que les traités européens n’engagent réellement personne. Les Allemands ont toujours dit que le juge en dernier ressort de leur politique européenne est la court constitutionnelle de Karlsruhe. Et le Royaume-Uni n’a tellement jamais adhéré aux traités européens qu’il a fini par déclarer formellement le brexit. La seule utilité pratique de l’“Union Européenne” est d’asséner aux peuples le catéchisme féroce de l’obéissance aux puissants et du devoir absolu de rembourser les dettes dictées ex nihilo par les sachants de la finance libérale.

L’État impotent et impuissant

L’article 63 du TFUE (Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne) nécessite-t-il une quelconque exégèse ?

Article 63 du TFUE (ex-article 56 TCE)

1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

A lui seul, l’article 63 institue l’aporie d’un traité qui affirme l’existence de quelque chose en niant ce par quoi ce quelque chose existe et fonctionne dans la réalité. Le mot d’“État” est prononcé pour interdire la réalité pour laquelle et par laquelle il existe. La réalité du capital est ainsi “libérée” de la Loi, du droit et de la responsabilité qui sont la condition de son efficience à représenter et économiser l’activité humaine civilisée de la Loi, du droit et de la responsabilité. L’article 63 fait partie du chapitre des “services”. Or comment s’assure-t-on qu’un service rendu à une personne par une autre personne est bien un service conforme à la loi qui relie en droit la responsabilité des contractants ?

La fonction de l’État est d’instituer une personne morale active pour juger du lien de responsabilité réciproque conforme au droit des personnes entre l’acheteur et le vendeur d’un service. L’efficience de l’État est de restreindre par le jugement de licéité, de légalité et de légitimité le mouvement de capital entre l’acheteur et le vendeur selon l’effectivité mesurable et appréciée du bien commun échangé par le service.

Réintégrer le capital dans la souveraineté

Sans un État au service du vendeur, un autre État au service de l’acheteur et un tiers État au service du bien commun de l’acheteur, du vendeur et de leur société commune, il n’y a plus de loi, de droit et de responsabilité positive concrète vérifiable dans les mouvements de capitaux. Le capital est par l’article 63 autocrate. L’Union Européenne instituée par le TFUE est juste un empire de la rationalité monétaire autocratique.

Pour rétablir l’état de droit et la possibilité de la justice selon un loi commune entre Européens, il faut soit abroger l’article 63 soit constituer un État européen pour restreindre les mouvements de capitaux au nom d’une loi efficiente active commune à tous les États membres. Autrement dit, il faut réintégrer le capital et la liquidité dans la souveraineté des peuples et des nations à l’échelle d’un État confédéral européen ou à défaut des États existants.

En tout état de cause, la monnaie qui est mesure positive concrète de la responsabilité politique des sociétés et des entreprises doit être renationalisée et ré-étatisée : la BCE doit être administrée par une commission du Parlement Européen ; les banques centrales nationales doivent être garanties par les budgets et les fiscalités nationales ; le marché des changes et de la liquidité bancaire en Europe doit être intégralement contrôlé par des magistrats banquiers du pouvoir judiciaire de nationalité européenne exclusivement rémunérés par la fiscalité nationale ou confédérale.

Pour que l’Europe soit un État d’États de droit et de justice, « on la change ou on la quitte »… Où est le risque à sortir du nihilisme ? N’avons-nous pas encore des élections et des candidats qui nous proposent de rétablir la souveraineté des citoyens par la société européenne des nations ?

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Pierre Sarton du Jonchay
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Le Blog de Paul Jorion

 

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