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6 décembre 2018 4 06 /12 /décembre /2018 09:44

Ce n'est pas le principe de la démocratie représentative dans la 5ème République qui est fini, mais l'interprétation qu'en font tous nos présidents depuis Georges Pompidou. Disons que De Gaulle est le seul à avoir respecté l'esprit de notre monarchie républicaine : le monarque n'est légitime qu'à la condition de rallier la majorité absolue des suffrages populaires inscrits et non-inscrits. Le seul fait d'avoir dû lutter contre François Mitterrand au second tour de la première élection au suffrage universel de 1965, avait plongé De Gaulle dans un doute profond sur sa capacité à représenter le peuple français. La seule défaite au référendum de 1969 avait suffi à le faire démissionner alors que son gouvernement avait une majorité royale au Parlement.

Le Président garant de la Loi par les comptes

Le fondement constitutionnel de la 5ème République est la bicéphalie du pouvoir exécutif. Le Premier Ministre et son gouvernement soutenus par la majorité des députés gouvernent. Le Président ne gouverne pas : il préside le Conseil des Ministres et veille à la continuité des institutions démocratiques de l’État. Stricto sensu, le président ne fait pas de politique : son rôle est de choisir, de nommer et de surveiller les principales personnalités politiques qui gouvernent, légifèrent et jugent. Le président incarne l'unité du corps politique français entre le peuple et les élites, lesquelles sont fonctionnellement au service du peuple et de la solidarité nationale par la logique-même du régime républicain.

L'esprit de la 5ème République a été respecté par la force des choses lors des cohabitations où le Président a dû nommer un premier ministre n'entrant pas dans sa vision politique personnelle à cause d'une majorité parlementaire opposée à ses vues. Les cohabitations sous Mitterrand puis Chirac ont bien montré que le pouvoir du Président ne porte que sur le choix des personnes et sur la surveillance de leur honnêteté constitutionnelle et politique. C'est précisément cette fonction présidentielle de surveillance de la probité du personnel politique qui a été abolie de fait par le passage du septennat au quinquennat et par la réduction de l'élection législative à un troisième tour idéologique et technique de l'élection présidentielle.

L'élection d'Emmanuel Macron a été de fait la mise en liquidation constitutionnelle de la 5ème République dévoyée en démocrature. Après la disparition sous le second mandat de Chirac du Premier Ministre comme véritable responsable exécutif de la politique gouvernementale, l'instauration de la présidence jupitérienne en 2017 a été la seule manière de palier la dissolution d'une légitimité gouvernementale qui n'existe que par subordination à des débats parlementaires transparents et à un pouvoir législatif réellement autonome face au pouvoir exécutif. Non seulement Macron applique un programme politique à la place du Premier Ministre mais le Parlement élu comme le Président, par une fraction tout à fait minoritaire du corps national n'a aucune légitimité pour discuter ou contredire ce que décide le Président.

Les comptes monétaires et les comptes électoraux

La République demeure par une légalité constitutionnelle mais les représentants exécutifs, législatifs et judiciaires du peuple souverain ont perdu leur légitimité politique. Depuis la faillite financière et monétaire de 2008, ils ont également perdu leur crédibilité morale et leur liquidité financière. Les citoyens constatent que la politique gouvernementale est contraire à la conception majoritaire de leurs droits et de leurs intérêts économiques. L’État comme personne morale acteur et dépositaire des intérêts et de la cohésion de tous les citoyens n'est plus qu'un syndic de faillite de l'état-nation dont il faut extraire la "start-up nation". Personne n'a plus d'oreilles pour écouter les gilets jaunes sauf le Président qui est devenu la seule personne physique incarnant la réalité efficiente du pouvoir. Les élites entendent et même anticipent la révolution mais il n'existe plus de corps intermédiaires pour établir une cohérence réelle entre les attentes du peuple et les actes de décision politique gouvernementale.

Une autre transformation a vidé le pouvoir politique de sa substance depuis 1983 en France : la libre circulation monétaire du capital adopté par les gouvernements libéraux du Président Mitterrand et de ses successeurs. Les élites françaises ont mis à profit l'échec de la politique socialiste de relance budgétaire de l'économie pour achever l'intégration du marché français dans la globalisation libérale. Pour ne pas avoir à payer par la dévaluation du franc les échecs possibles de la politique économique nationale, le choix a été imposé au peuple français de ne plus financer les dépenses publiques par la seule ressource fiscale nationale mais aussi par la dérégulation financière. La dénationalisation des monnaies permettait un recours à l'endettement étranger sous le seul contrôle des intérêts financiers privés hors de la loi des États et de la souveraineté nationale.

Depuis 1983, les gouvernements français sont libres de promettre n'importe quoi au peuple français sans jamais parler du règlement à terme du prix de leurs programmes. Non seulement les gouvernements français ont pu librement acheté leurs électeurs avec l'augmentation des emprunts à l'étranger qui ne paie pas d'impôts en France ; mais ils sont entrés dans la zone euro qui interdisait de dévaluer les dettes françaises proportionnellement à la probabilité de leur remboursement par les excédents de la balance commerciale des biens et services. Depuis 1983, les Français ont été mis au chômage par l'impossibilité de dévaluer le prix du travail français en fonction des déficits de croissance et de compétitivité du marché français par rapport à ses concurrents internationaux.

L'argent qui compte hors de la Loi

Depuis la dérégulation libérale des années 80, c'est à dire depuis la déconnexion totale entre la politique monétaire française et l'équilibre de ses finances publiques, les Français les plus riches peuvent sans limite ni contrôle public exporter leurs revenus hors de la souveraineté nationale qui les fait travailler. Afin de ne pas payer les impôts et contributions sociales qui font réellement la rentabilité du capital, le capital est financièrement déclaré à l'extérieur de la juridiction domestique. Au-delà d'un certain niveau d'accumulation et de concentration du capital entre les mains oligarchiques, toute la plus-value est délocalisée sans le moindre coût social et réglementaire afin d'être reprêté au gouvernement français sous forme de dette extérieure de l’État français.

Cette irresponsabilité financièrement et fiscalement institutionnalisée de l’État national a dévasté la démocratie représentative. D'une part la fiscalité n'a plus reposé que sur les moins riches et les activités économiques domestiques non délocalisables ; d'autre part l'explosion de la dette publique extérieure et intérieure a rendu le service de la dette extravagant dans les budgets publics. Les bases fiscales domestiques se sont rétrécies par la délocalisation massive du capital industriel ; mais infiniment plus grave : les représentants de la nation sont devenus les représentants des intérêts des créanciers étrangers et des émigrés fiscaux par la force financière des choses comptables.

De fait le Président Macron n'a pas été élu par les citoyens français mais par l'oligarchie financière globalisée. Emmanuel Macron a financé sa campagne avec des fonds absolument invisibles au citoyen, au législateur et au juge français et sa feuille de route politique est impérative : alourdir la fiscalité domestique et réduire les dépenses sociales et investissements publics afin de freiner la croissance comptable de la dette extérieure. En termes techniques : stabiliser la dette publique à 100% du PIB par la taxation de la consommation et la réduction des investissements publics. Si le Président Macron ne remplit pas les objectifs qu'il a vendu aux créanciers de la France représentés par le Système Européen des Banques Centrales et la Commission Européenne, les banques françaises et a fortiori les banques étrangères accroitrons l'évasion fiscale des Français riches afin d'interdire sa réélection voir de le forcer à démissionner.

La monnaie reliée au bien commun par le corps d'un président

Mais la perversité du système libéral de liquidité absolue du capital par dessus la Loi des États peut dans le cas particulier de la 5ème République française déboucher sur une révolution... financière. Au delà de son pouvoir de travailler les rapport de force politique par la révocation des ministres ou la dissolution de l'Assemblée Nationale, le Président Français est un chef d'état constitutionnellement puissant. Garant de l'unité de la nation et de l'ordre républicain, le Président peut par l'article 16 instaurer une dictature provisoire pour restaurer un État de droit menacé par la rue et ou par la fuite des capitaux. La révolte des gilets jaunes a un impact capitalistique international considérable. Si l’État français vacille, les banques françaises maintenues à flot par la garantie sans condition des finances publiques françaises peuvent faire faillite en quelques secondes.

Si les banques françaises font faillite, le marché mondial de la liquidité des banques centrales se gèle instantanément. Le sauvetage coordonné entre banquiers centraux qui avait renfloué les marchés financiers après la faillite de Lehman n'est plus crédible à cause de l'énormité avérée de la dette publique mondiale. Il n'y a donc que le rétablissement des frontières monétaires et la taxation des flux financiers qui permettent de sauver la liquidité du système bancaire mondial.

L'incarnation et le pouvoir du chef de l’État français font de la France la seule puissance planétaire où le démantèlement financier de la démocratie peut se retourner par la dictature du peuple physiquement et nommément représenté par le président. Comme l'armée et la police font partie du peuple depuis 1848, le chef de l’État ne peut sauver l'épargne et le capital des riches qu'en rétablissant la solvabilité de L’État par la taxation de la liquidité monétaire entrante du capital aux frontières de la souveraineté nationale.

En 1958, le Général de Gaulle a sauvé la République en redéfinissant les frontières de la souveraineté nationale à l'intérieur de laquelle se déployait la véritable responsabilité politique, sociale, juridique et financière du peuple et des élites solidaires d'un même État de droit. La condition sine qua non de la démocratie représentative est la responsabilité personnelle physique et patrimoniale de tout emprunteur de capital politique ou économique. Le libéralisme économique qui détache la plus-value du vrai travail est cliniquement mort avec les gilets jaunes.

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commentaires

E
Toujours tres complets tes artcles! A lire et relire pour bien comprendre mais "a chaud " je dirais que ca ferait un excellent scenario de film ......<br /> A bientot !
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P
Un film dont nous sommes déjà les acteurs mais dont le scénario n'est pas tout à fait écrit... ;-)

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Pierre Sarton du Jonchay
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Le Blog de Paul Jorion

 

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