Nous avions brièvement échangé par courriel autour de votre projet de monnaie compensatoire. Je me demandais simplement si vous aviez envisagé de le développer sur le réseau Bitcoin ?
Pour être précis, la monnaie compensatoire est totalement matériellement digitale comme le bitcoin. Mais elle ne circulera pas dans le réseau des titulaires de compte bitcoin car elle repose sur un principe d'identification réelle unique et physiquement vérifiable des déposants. L'identification physique est associée à une preuve de travail humain personnel et non à une dépense d'énergie dans une machine de calcul logique.
Le travail humain de certification du crédit en monnaie qui matérialise l'unité de compte est posé non comme un avoir du déposant mais comme une relation de confiance à double sens entre le créancier individuel du dépôt monétaire et le débiteur social des actifs mis en production. Les actifs sont transformés dans les personnes morales au bénéfice des personnes physiques.
La monnaie compensatoire est une monnaie véritable au sens où elle matérialise une valeur par un double flux informationnel : le titre et le prix de la chose nommée dans un sens contre la chose réelle entre un acheteur et un vendeur dans l'autre sens. La monnaie compensatoire digitale adosse la virtualité comptable et financière à la réalité objective des échanges entre des personnes physiques solidaires par les sociétés réelles effectives.
Techniquement, la monnaie compensatoire est un bitcoin en ce qu'elle fonctionne avec un registre virtuel délocalisé de structuration de l'information qui circule entre des déposants identifiés à partir d'un nœud de réseau particulier et spécifié.
Merci beaucoup pour votre réponse, c’est très intéressant de reprendre notre échange. Je vous posais la question car par sa conception même, Bitcoin est à la fois un protocole monétaire et un protocole de paiement. Il régit l’émission monétaire d’un jeton numérique le bitcoin, mais aussi ses échanges au sein du réseau. Aussi, il démontre chaque jour sa capacité de résilience, par ses évolutions techniques comme Lightning (scalabilité) mais surtout en terme de sécurité puisqu’il n’a jamais été corrompu.
Si ma compréhension est bonne, cette monnaie serait créée par preuve de travail au sens littéral du terme comme du crédit, pour venir équilibrer une autre personne qui serait dans une position de débit social. Mais alors comment définir cette qualité de débit ? Sur quels critères s’appuyer ?
La question de la justification et de la consistance du crédit digital est le point de départ de la possibilité d'une monnaie compensatoire. Concrètement, c'est un problème de cognitivité, de science sociale et de choix moral individuel et collectif. En fait, je retourne aux premières techniques juridiques de matérialisation du crédit entre les personnes physiques à l'intérieur d'une communauté sociale et étatique de valeur : par exemple la cité grecque, l'empire romain ou la principauté médiévale.
La technique juridique que je digitalise est celle de la lettre de crédit et de change. Concrètement, il s'agit d'une parole écrite circulant entre un prêteur de capital et un emprunteur du prix créditeur de ce capital. Le prêteur et l'emprunteur sont deux personnes physiques en rapport de confiance par 3 ordres sociaux de solidarité : une solidarité d'affaire dans la production et la vente d'un certain objet ; une solidarité juridique dans l'appartenance à une même souveraineté étatique ; une solidarité marchande par un même espace de calcul et de livraison de la réalité sous les prix réglés en signe monétaire.
En résumé, la monnaie compensatoire digitale a en plus de la fonction de paiement du bitcoin, la fonction de comptabilité du crédit par la loi ; et la fonction de réserve de valeur par la cambiarité du virtuel en réalité interpersonnelle sensible.
C’est attentivement lu ! Cette monnaie « médium d’échange » me fait penser à un système de crédit mutuel. Dans le sens où les unités monétaires se créent pour le niveau de transaction donné et où la monnaie est émise par l’échange lui-même (à l’inverse dans le système de monnaie traditionnelle, il faut toujours un niveau de monnaie minimum pour effectuer l’échange avec risque de défaut). Cela s’en rapproche d’après vous ?
Vous avez tout à fait saisi et compris : une mutualisation du crédit et une proportionnalisation exacte de la "création monétaire" à la vérification du crédit par l'échange interpersonnel réel. 😃
Vraiment captivant ! Cela exigerait de « contrôler » la politique monétaire par une chambre compensatoire (qui peut-être gérée par algorithmie) ?
Exactement ! La chambre de compensation inter-monétaire (donc internationale) a vocation a devenir l'instrument d'une banque centrale multinationale dont les États souverains soient les associés gérants solidaires en tant que personnes morales par un droit financier véritablement international et mondial. La compensation internationale utilisera une unité de compte convertible en dette publique de chaque personne morale étatique identifiée dans la socialité financière mondiale. Et chaque dette publique sera consolidée dans une balance internationale des crédits moyennant la parité de change variable des monnaies nationales localisées.
Dans cette algorithmie marchande et cambiaire, les prélèvements fiscaux sont des souscriptions citoyennes négociables de capital public d'une souveraineté particulière. Les dépenses publiques d'investissement ou de distribution de valeur publique sont les dividendes monétaires de la mutualisation du crédit par les nationalités et transnationalités.
C’est entendu. Mais puisque chaque personne morale est un État-associé de la banque centrale internationale, cette dernière émettra la monnaie compensatoire en tenant compte de la balance des paiements de chaque État ? Et on serait donc dans un système de change fixe à la manière de l’étalon-or ? J’avoue sécher sur la question des taux de change…
Non pas des changes fixes ; des changes ajustables en temps réel, transaction de crédit par transaction de crédit, sous l'assurance de primes de change qui soient des primes de crédit (CDS) entre zones monétaires érigées en personnes morales étatiques. C'est le système monétaire d'avant l'avènement des "changes flottants" imposés par les États-Unis de Nixon avec l'abandon de la parité en or du dollar le 15 aout 1971 ; mais la monnaie compensatoire n'est pas étalonnée par un poids d'or métal. La matière physique est remplacée par la matière logique : un étalon crédit international dont la parité de change en chaque monnaie étatique est algorithmisée dans la chambre de compensation internationale.
En fait, il s'agit de digitaliser la chambre de compensation proposée par Keynes en 1944. Donc effectivement, de faire un calcul central en temps réel du solde des paiements de chaque monnaie qui soit consolidable soit par ajustement de la parité nominale sur les paiements futurs, soit par achat ou vente des primes de change-crédit des banques centrales ; dont les personnes morales étatiques sont les associés-gérants ou les créanciers-débiteurs.
Entendu, je vais creuser davantage de mon côté. C’est bien son plan monétaire international appelé Bancor ?
Oui (le bancor sur le Blog de Paul Jorion).
Merci pour toutes ces explications. J’espère que les développements du projet avancent bien.
Oui, cela avance bien et les questions que vous me posez me font mesurer le degré de maturation du concept et de maîtrise opérationnelle du projet. Le défi du moment est l'algorithmisation transparente au sens commun du processus de formalisation des chaines de valeur, de calcul des prix et de réalisation des objets livrables contre monnaie.