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27 avril 2017 4 27 /04 /avril /2017 14:52

L'élection présidentielle française débouche après le premier tour sur une impasse existentielle. Les Français sont enjoints soit de s'abandonner comme peuple et société dans la globalisation libérale des consommateurs commandés par la dette, soit de s'extraire du monde pour persévérer dans leur être commun, leur travail, leur vie propre et leurs lois. Cette impasse découle d'un point de départ flouté qui est la notion et l'expérience de la souveraineté. Cette notion est l'argument d'une guerre de religion qui dispense et les libéraux et les souverainistes d'expliciter la réalité collectivement désirable dans le débat politique.

L'économie incohérente d'un monde sans souveraineté

La souveraineté n'a pas de sens efficient dans nos réalités économiques et politiques si elle est enfermée dans la théorie du dépassement dialectique inéluctable des États-nations par la globalisation des échanges à l'échelle unique d'un monde sans frontières. Pour illustrer l'inconsistance d'une représentation du monde sans souveraineté, il suffit de regarder l'état actuel de la zone euro. Les États ont mutualisé leur pouvoir d'émission monétaire dans une BCE indépendante des pouvoirs politiques ainsi que leurs pouvoirs de législation économique dans une "Commission Européenne" indépendante des parlements nationaux.

Or la souveraineté se vit à l'échelle des peuples et des sociétés comme le contrôle des réalités objectives d'une même communauté d'intérêts par les lois, le pouvoir et la justice de cette communauté d'intérêts. Quels que soient la nature et l'expression des intérêts, ils ne sont pas représentables dans une politique du réel sans la médiation de communautés constituées. La transformation du réel implique forcément des coalitions d'intérêts pour coordonner des actions intéressées à un objectif commun. Quelle que soit la taille de la communauté constituée dans une politique d'action commune, que le sujet de l'action soit le clan, le village, l'association, le pays, la nation, l'empire, l'ONG ou l'humanité toute entière, il n'est pas de responsabilité ni de sens à l'action si la communauté n'est séparée et distincte des autres communautés posées comme étrangères dans un extérieur juridiquement défini.

De fait, la souveraineté se vit comme une appropriation d'un compartiment nominalement délimité de la réalité objective par une communauté de loi, de pouvoir et de justice entre des sujets solidaires par la loi, le pouvoir et la justice qu'ils ont mis en commun. Le point de départ de l'union politique des Européens et de la zone de monnaie unique sont les États-nations constitués en communautés nationales de loi, de pouvoir et de justice juxtaposées sur le territoire commun de l'Europe. Avant l'Union Européenne et avant l'euro, la souveraineté politique des sociétés humaines sur les choses matérielles s'exerce exclusivement mais concrètement par les États-nations.

Pour libérer les échanges et solidariser les Européens dans une chose commune, une république, l'Union et l'euro ont aboli les frontières qui résidaient dans le fait des lois nationales distinctes et des pouvoirs politiques identifiables. La direction d'un pouvoir politique par les lois de la communauté constituée dans ce pouvoir était distingués par une monnaie propre. La valeur relative de la production d'une communauté géopolitique aux autres communautés était exprimables par le prix fluctuant des parités de change des monnaies nationales. Les frontières juridiques matérialisées en unités de compte différentes rendaient factuelles des compensations monétaires de justice. La justice était concrètement différenciable et ajustée selon la domiciliation des sujets de droit impliqués dans les transactions litigieuses.

La dette incalculable de la non-souveraineté

La conséquence de l'effacement des frontières a bien été la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes dans un espace matériel unique. Mais cette unification de l'espace matériel a un prix moral et financier : l'accumulation de dettes non remboursables de l'Europe non germanique à l'égard de l'Europe germanique. Pour ralentir la croissance des dettes dans le contexte d'une monnaie unique à des communautés de droits différentes sans gouvernance commune, il n'est pas d'autre solution que de diminuer les revenus des communautés locales d'intérêts dont les représentations et l'activité ne sont pas visibles par la communauté globale.

L'unification physique des Européens n'est pas payée par une unification réelle, c'est à dire par une unification morale, politique et financière qui équilibre la matérialité des échanges. De fait, les souverainetés nationales ont disparu mais la vision que les Européens gardent de leur république commune reste structurée par le fait des nationalités. Il y a effectivement accumulation de dettes non remboursables des non-germains à l'égard des germains d'où découle une politique européenne empirique d'anéantissement des pouvoirs politiques locaux surendettés. La réduction forcée des revenus du travail dans les États déclarés en déficit public abroge les droits du travail et de la société qui sont préjudiciables à la rentabilité financière du capital qui garantit les dettes.

L'effacement des frontières politiques, judiciaires et économiques a débouché sur le mur de la dette contre lequel le droit, la vie et la solidarité des personnes physiques pauvres se désintègre mécaniquement. Les échanges dans l'espace physique ne peuvent plus s'équilibrer, donc se compenser dans un espace moral, politique et financier cohérent avec des communautés d'intérêts structurés lisibles. La souveraineté n'existe plus de fait. Il n'y a plus de responsabilité calculable, négociable et compensable des sujets de la plus-value sur les objets réalisables de la plus-value virtuelle financiarisée.

La Commission Européenne et la BCE indépendantes des États nationaux et non encadrées par un État européen de souveraineté mutualisée partageable, opèrent de fait une dissociation absolue entre la réalité économique objective des individus atomisés et la réalité politique subjective des citoyens solidaires par la démocratie sociale. Le néo-libéralisme totalitaire s'est imposé mécaniquement par négation de la souveraineté nécessaire. Toute délibération politique s'est évidée en opposition insoluble entre souverainisme collectiviste et liberté individuelle.

Dans le monde numérisé d'aujourd'hui, la virtualité financière est par construction subjective, donc commune à tout individu quelle que soit sa culture nationale. Mais la réalité objective des individus incarnés dans des sociétés réelles est dans les faits structurée par les lois, les pouvoirs et les jugements des acteurs réels de l'échange. Derrière les apparences et les idéologies, les États nationaux matérialisent dans la conscience subjective des individus globalisés ou européïsés, l'efficience possible et demandée des lois, des pouvoirs et de la justice factuelle.

Monnaie non gouvernée, conscience dévoyée

L'intérêt financier du détenteur libéral du capital est immédiat dans la négation de la souveraineté : il détermine mécaniquement le calcul des prix et des plus-values par une compensation bancaire mondiale privée factuellement exonérée des lois, des charges d'intérêt général et de tout critère public partageable de justice. Mieux encore, les sociétés politiques par qui la production de la plus-value réelle est effective, sont mécaniquement obligées de servir une plus-value sans contrepartie aux propriétaires individuels du capital pour pouvoir disposer d'une unité de compte de compensation universelle de leurs échanges réels de travail productif. Les dépôts bancaires des travailleurs domestiques sont à la merci du capital anonyme ubiquitaire libre de toute loi.

Nier la souveraineté et les États-nations qui en sont la condition de possibilité efficace, aboutit concrètement à neutraliser la loi. La responsabilité humaine objective du prix et de la plus-value n'est pas judicieusement compensable et liquidable entre les intérêts individuels inégaux. Récuser la souveraineté par le libéralisme est aussi le moyen d'interdire l'émergence d'une souveraineté monétaire et fiscale européenne légale et publique. L'exacerbation des visions nationalistes induites sur la réalisation possible d'un intérêt commun des Européens empêche objectivement d'organiser la solidarité fiscale opérative entre les démocraties. La régulation de la circulation du capital par les droits du travail, du citoyen et de la nature, factuellement différents selon les nations qui les expriment est rendue inintelligible dans la réalité.

L'économisme libéral focalise l'attention sur l'individu : l'altérité et la différence sont dissoutes dans le comptage ; la responsabilité de reconnaître le vrai se réduit au calcul monétaire ; le travail du réel est avalé dans la comptabilité des dettes ; la solidarité contractuelle se résout en propriété du capital financier. L'humain est de fait librement marchandisable de manière qu'il soit toujours possible aux forts de prendre possession des faibles par la dette et par l'exclusion des processus de valeur rentable. L'interdiction de la souveraineté par la globalisation au-dessus des États élimine du calcul de la plus-value du capital le prix des biens communs publics que sont l'existence et la solidarité de citoyens responsables de ce qu'ils produisent pour la satisfaction des besoins de tous.

L'affaire de la viande de cheval roumaine non déclarée dans les lasagnes françaises... avait révélé les ressorts de la rentabilité financière de la non-souveraineté. Les marchandises ainsi que les flux financiers étaient passés par plusieurs intermédiaires sous plusieurs juridictions non coordonnables du marché unique. Ainsi était-il possible de rompre la chaine d'information et de justification du prix final par le produit objectif réellement livré au consommateur et au citoyen. La réalité subjective matérialisée dans le prix réglé à la chaine des intermédiaires cachés par le secret bancaire des affaires, n'était pas vérifiable en réalité objective définie et contrôlée par la loi d'un seul et même État de droit, lequel soit représenté et efficient par la responsabilité de la monnaie propre dans laquelle il opère.

L'anti-souverainisme est rentable en créant les conditions pratiques de l'inégalité devant la loi et l'impôt. L'arbitrage réglementaire entre des juridictions faussement équivalentes est une source inépuisable de plus-value artificieuse prélevée par les forts transnationaux sur les faibles enclavés dans des États impuissants et divisés face aux intérêts privés dissimulés dans l'anonymat monétaire. La souveraineté est la responsabilité objective des prix de la réalité concrète délimitée par les frontières visibles de la loi. La loi sépare et relie les sujets différents et pluriels de la plus-value à la condition de la monnaie qui représente les sujets différentiables de la souveraineté. Les libéraux dénigrent la souveraineté parce qu'elle les obligerait à rendre des comptes réels sur la transformation de leurs discours en actes bénéfiques à toute humanité par une loi commune effective.

La monnaie qui gouverne le prix par la loi des citoyens

Répétons que la chambre keynésienne de compensation des dettes internationales par le bancor est depuis 1944 l'instrument financier efficient de la responsabilité calculable des souverainetés sur la réalité économique mondiale partageable dans la démocratie. Les libéraux ont noyé la proposition keynésienne dans des arguties d'impossibilité technique pour ne pas perdre le pouvoir de l'oligarchie et du nationalisme sur la majorité des citoyens du monde. Dans l'actuel Système Européen des Banques Centrales (SEBC), il suffit de mutualiser sous un État confédéral de l'euro les énormes soldes de compensation, créditeurs pour les germaniques et débiteurs pour les non-germaniques.

Au lieu d'utiliser les 800 milliards de liquidité inter-étatique gelée dans le SEBC à détruire la réalité des droits des peuples en garantie des pseudo-intérêts nationalistes de leurs créanciers, la balance des soldes de liquidité entre banques centrales de l'euro peut devenir le budget d'investissement de la Confédération de l'euro. L’État confédéral doté d'un gouvernement financier politiquement responsable devant un parlement de l'euro formé par les députés européens des États membres devient propriétaire public de l'emploi et du remboursement des soldes des banques centrales nationales à la BCE. Cela signifie que le gouvernement confédéral devient nu-propriétaire public des titres de dette publique et privée qui forment le collatéral de la masse monétaire centrale en euro.

La nu-propriété confédérale du collatéral en euro détermine un pouvoir souverain solidaire entre national et confédéral de contrôle juridique et politique des émetteurs de titres. La fiscalisation confédérale des acheteurs de titre assure la solvabilité des émetteurs. Le budget confédéral de l'euro devient assureur systémique de la solvabilité publique et privée dans le périmètre de souveraineté de l'euro. La fiscalisation des acheteurs de titres finance une politique eurozonale d'investissements publics dans la stabilité du crédit, dans la conformité des livrables aux droits du citoyen européen, dans l'efficacité des services publics, dans la transition énergétique et dans l'aide au développement extérieur.

L'euro devient inconvertible en devises extérieures à la souveraineté en euro sauf si le créancier ou le débiteur de la contrevaleur en euro est représenté par une personne morale dument capitalisée de droit eurozonal. Dans la compensation du SEBC, la représentation physique des étrangers dans la souveraineté de l'Eurozone garantit le respect universel de la loi et l'acquittement de la fiscalité en droit confédéral commun. La taxation confédérale des mouvements de capitaux entrant et sortant a pour but de garantir la solvabilité extérieure réelle des ressortissant de l'euro et la légalité sociale et environnementale des importations dans l'Eurozone.

Constitution économique de la politique de souveraineté européenne

L'entrée ou la sortie dans la souveraineté politique, juridique et financière de la Confédération de l'euro est par définition un acte de souveraineté nationale libre et réversible. Contradictoirement aux catéchismes libéral et nationaliste, le rétablissement du lien entre prix et souveraineté par la monnaie keynésienne politiquement compensée fonde la responsabilité des peuples sur leur liberté d'entreprendre. Intégrer la confédération de l'euro signifie acheter une prime d'assurance du crédit en droit européen moyennant : la participation des euro-députés nationaux au parlement de l'euro ; la renonciation à la propriété nationale du solde créditeur de la banque centrale nationale à la BCE ; l'acquittement de la TVA financière confédérale sur les crédits et débits interétatiques.

Sortir de la confédération de l'euro signifie la liquidation de la prime d'assurance du crédit national en droit européen. Cela revient concrètement : à ne pas bénéficier des investissements confédéraux ni de la garantie confédérale des dépôts que les investissements confédéraux rachètent ; à dévaluer ou réévaluer sa monnaie par rapport à l'euro selon la politique de change souveraine de la Confédération ; à s'acquitter de la fiscalité financière en euro dans les échanges avec l'Eurozone. Autrement dit, la compensation keynésienne publique du capital par le crédit confédéral en euro permet de donner un prix économique légal de souveraineté vérifiable au statut actuel du Royaume Uni que n'importe quel État-nation de l'Eurozone peut imiter selon sa vision libérale ou démocrate de ses intérêts nationaux et européens.

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Pierre Sarton du Jonchay
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