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4 décembre 2018 2 04 /12 /décembre /2018 09:24

Ce résumé des principes de la démocratie directe est encore trop déterminé par le contexte ultra-libéral où nous vivons depuis maintenant plus d'une génération. La référence aux états communautaires locaux du Moyen-Age est efficace à condition d'être pensée et analysée jusque dans sa réalité économique, marchande, monétaire et fiscale concrète.

La religion piétiste de l'individu libre

Notre système libéral d'économie politique est le pur produit de la sociologie protestante élaborée à partir de Luther et Calvin. Seule la foi détermine la valeur des actes humains ; la foi n'est pas désirée et élaborée par une volonté individuelle ou collective responsable mais reçue du Ciel ; la foi est reçue et interprétée individuellement indépendamment de la collectivité, de l'universalité ou d'un quelconque corps social ; la délibération communautaire est superfétatoire car la transcendance a déjà déterminé une dissociation entre une minorité d'élus et une majorité de damnés. Historiquement, les principautés et républiques protestantes ne sont pas fondées sur un projet d'égalité de nature et de condition entre tous leurs ressortissants.

L'individualisme libéral ne pense ni ne voit la réalité d'un corps social instaurant une solidarité d'existence entre un peuple et des élites. Il n'y a pas de communion des saints impliquant des œuvres dont le prix dépende de la réalisation universelle du salut. La monnaie qui quantifie les prix est émise indépendamment d'une loi commune obligeant autant et également les riches et les pauvres. Les prix sont calculables exclusivement par rapports à des intérêts individuels. Il n'y a pas besoin d'incarnation de l'intérêt général à un bien commun universellement bénéfique. Dans l'espace du marché, seuls les individus forts et les rapports de force matérielle déterminent l'équilibre des prix.

Si l'intérêt général à l'universalité des biens n'est pas incarné au cœur de la négociation des règlements de marché, seuls les forts et les riches obtiennent satisfaction de la confrontation "libre" de leurs offres et demandes dans l'espace public. Si les représentants de l'intérêt général ne sont pas économiquement désintéressés par des ressources fiscales non négociables dans les transactions entre individus, alors l'intérêt particulier corrompt la représentation de l'intérêt général. Si les représentants de l'intérêt général ne sont pas formés et élus par un vote indépendant et distinct du flux monétaire matériel, alors les œuvres d'intérêt général sont absorbées par la comptabilité fiduciaire des dettes et créances entre individus conjoncturellement forts et puissants.

Rendre la réalité objectivement analysable entre ses sujets

La démocratie directe n'est effectivement possible qu'en rupture pratique avec les irréalités financiaristes de l'individualisme libéral. La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. Mais le pouvoir n'a pas de réalité effective sans la séparation de son objet et de son sujet. Le sujet de la démocratie est le bien être de tous les citoyens. L'objet de la démocratie est la transformation de toutes les réalités propres à chaque citoyen dans sa singularité et propres à chacun des corps intermédiaires auxquels le citoyen participe pour s'intégrer dans l’œuvre commune d'un monde partageable.

L'irréalisme de l'individualisme libéral est de croire au prix d'objets absolus ou au crédit de sujets absolus. Le libéral professe que des objets ont un prix sans être effectivement engagés et produits par des sujets ; que certains sujets ont du crédit par le seul fait qu'ils affirment des prix sans avoir à livrer dans le temps et dans l'espace les objets véridiques correspondants. La réalité des biens objectifs par les prix subjectifs est rétablie à quatre conditions : que le marché soit garanti par un corps social délimité identifiable ; que le marché soit régulé par une autorité politique incarnée indépendante des intérêts privés ; que l'information de marché soit équitable sur les choses et sur les prix entre tout individu ; que l'existence de chaque citoyen sur le marché soit assurée sans condition par le corps social.

Aristote et Keynes ont montré que l'outil monétaire a potentiellement pour fonction de rendre identifiable, calculable et réglable par les prix les objets échangés comme biens dans la loi commune des membres d'un corps social. L'utilité monétaire superpose quatre plans de relation : l'existence du citoyen par les corps sociaux qui instaurent son travail ; la solidarité des citoyens par des objets appréciés en commun ; la collaboration des citoyens à la satisfaction de tous les besoins humains individuels et collectifs ; la liberté des citoyens à choisir les corps intermédiaires par lesquels ils contribuent à leur propre mesure aux biens communs.

Réinstituer la monnaie dans la démocratie des libertés

La monnaie est utile et efficace en attribuant à chaque référentiel étatique et social son unité de compte propre ; en interdisant l'engagement d'un prix sans la responsabilité des transacteurs par le corps social qui le garantit ; en instaurant la convertibilité des prix d'un marché à l'autre par la mutualisation fiscale des risques de change ; en finançant la régulation équitable du marché exclusivement par la ressource fiscale. Pour qu'il soit impossible de contourner une loi domestique par des signes monétaires détachés de ses propriétaires et garants offreurs ou demandeurs, il faut et il suffit que les paiements soient dématérialisés sous le contrôle exclusif du pouvoir judiciaire parfaitement séparé et distinct du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

La monnaie dématérialisée et fiscalisée par le pouvoir judiciaire rend les biens réels qui en sont la contrepartie inaccessible aux individus qui refusent de se soumettre à l'ensemble des règles et règlements qui en sont la condition du prix. De la même façon, tous les citoyens désireux de se mettre sous la protection d'un corps social le font en réglant leurs transactions par la monnaie propre à ce corps. La convertibilité des prix entre deux états réciproquement garantis par leur monnaie propre se fait par les personnes physiques engageant leur crédit dans les deux zones monétaires à la fois.

A partir de la différenciation monétaire de l'objet dans le sujet, et de la différentiation des sujets distincts dans un sujet commun, il devient également possible de différencier le calcul du crédit aux personnes du calcul du prix des choses. La garantie des droits de la personne se fait par une unité monétaire distincte et convertible en monnaie de propriété des choses. L'élection d'un représentant du corps social se règle par la monnaie qui attribue une et une seule voix à chaque personne physique. La liquidation de la fiscalité qui mesure le crédit d'un représentant élu se règle par une monnaie d'indexation du capital, du travail ou de la consommation.

Le bulletin de vote est une monnaie

La dématérialisation de la monnaie et la cambiarité des unités de compte dans une chambre de compensation et de règlement unique met en œuvre des mandats électoraux impératifs tout autant que des délégations dont les citoyens peuvent modifier les contours à tout instant. La délibération et l’exécution des décisions se règle par autant d'unités monétaires distinctes qu'il y a de référentiels de valeur nécessaires à la factorisation des prix et à la couverture de tous les risques politiques, juridiques et matériels par le travail personnel de description, d'intelligence et de fabrication.

La resocialisation de l'économie humaine n'est nullement dépendante d'un mouvement général uniforme et miraculeux d'une multitude d'individus. La variabilité des changes et des prix dans une chambre de compensation unique garantie par l’État de droit commun aux citoyens agissant par des corps intermédiaires peut intervenir à l'échelle d'une communauté locale comme des états actuels, de l'Union Européenne ou du monde entier. Les seules conditions pratiques sont la volonté de vivre ensemble par des biens communs et l'informatisation complète de la compensation keynésienne qui rende les transactions fluides et scalables quelle que soit le nombre d'acteurs engagés.

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Pierre Sarton du Jonchay
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Le Blog de Paul Jorion

 

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