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20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 19:06

Un programme pour la présidence française du G20

Réponse aux commentaires déposés sur le Blog de Paul Jorion.


L'option : outil universel de mesure du risque de la valeur vraie

Paul Jorion fournit dans Comment la vérité et la réalité furent inventées, une explication de la structure logique de l'option. Page 217 :

Si la Réalité-objective est la manière dont l’Existence-empirique est représentée automatiquement par tout discours codifié selon les règles de la logique, alors le miracle de leur concordance s’explique aisément : la Réalité-objective est le discours sur l’Existence-empirique qu’engendre la logique grâce à la vertu qui lui est propre d’éliminer de son compte rendu l’illusion à laquelle est sujette la perception, prévenant ainsi l’apparition du paradoxe en son sein. Cette élimination est automatique, car fondée sur les trois termes du syllogisme : les deux extrêmes mis en communication par le moyen terme. [...] Le mystère de l’harmonie préétablie entre la logique et la réalité objective n’en est pas un, puisque c’est la première qui engendre la seconde, en la présupposant simplement conforme au principe de ses règles.[...] Aristote codifie cette structure [l'harmonie préétablie par le discours logique] d’une manière si complète que Hegel, à la suite de Kant, constate qu’il n’a pas été possible au cours de vingt siècles de parfaire sa tâche.

Le propos de Jorion n'est pas d'expliquer l’option mais de poser la différence entre ce que l'intelligence observe par la sensibilité et ce qu'elle en dit par le langage. En dépit de cette différence, la logique intrinsèque au langage assure une relation constante avec les éléments de la réalité observée découpés selon des règles contenues dans cette logique. L'adéquation de la réalité observée exprimée dans le langage à la réalité observable imposée par l'existence physique n'est nullement la preuve d'une logique intrinsèque à la matérialité physique ressentie. Elle révèle en fait la finalité de la logique du langage destiné à exprimer par l'intelligence ce qu'elle perçoit de la réalité.

La réalité-objective est la forme que l’intelligence humaine projette dans la matière, représentation formelle dans notre esprit de l’existence-empirique. Le discours (logos) contient en lui-même la logique par laquelle nous modélisons notre perception de l’existence-empirique et notre intuition de l’être-donné (« réalité ultime et irréductible ») ; parce que c’est la fin que tout homme sensé donne au discours d’exprimer son modèle de perception de l’existence-empirique qui est sa vie à lui. La finalité que tout sujet locuteur met dans le discours qu’il tient est de s’exprimer dans son existence-empirique et son être-donné subjectifs. Celui qui ne parle pas de ce qu’il veut croire qu’il comprend qu’il perçoit passe pour fou. Dans ce cas l’effet du discours est la folie, une situation sociale de rupture entre l’existence-empirique, la réalité-objective et l’être-donné (réalité ultime invisible du sujet et de l’objet). Paul Jorion est explicite sur le fait logique que la relation établie par le langage entre la réalité-objective et l’existence-empirique d’une part et la réalité objective et l’être-donné d’autre part est analytique. Ces relations sont des fictions produites par notre intelligence qui sépare ce qui nous vient exclusivement par la sensibilité avec des outils qu'elle élabore d'elle-même. Cela signifie que l’existence-empirique est dans le monde sensible, que la réalité-objective est dans notre intelligence et que l’une et l’autre sont reliées par notre jugement, vrai ou faux, et non par une mécanique immuable en soi. La codification aristotélicienne du discours logique repose sur l’enchainement réciproque de l’effet, de la fin, de la forme et de la matière.

L'apport fondamental du rappel de Paul Jorion est de rétablir la responsabilité du sujet dans toute connaissance scientifique. Le monde sensible ne peut être objectivement connu et fonder notre réalité que si l'intelligence est capable de séparer dans le langage qu'elle utilise ce qui se rapporte à l'objet distinctement  de ce qui se rapporte au sujet. L'intelligence doit armer la liberté du sujet à faire en lui-même le tri entre ce qui est de lui et ce qui n'est pas de lui. La connaissance objective, qui vient du sujet faute de quoi elle n'est pas connaissance, est objective si le sujet parvient à séparer sa subjectivité de ce qu'il connaît. La logique est le choix libre du sujet de se plier à ce qui n'est pas de lui. La logique est la condition de l'étude scientifique comme la condition de la compréhension de l'autre qui donne accès à la connaissance universelle dont la logique fait partie. L'abandon progressif depuis la Renaissance de l'exigence scientifique de reconnaissance de l'autre pour accéder à la connaissance objective du monde explique les errements de la science économique moderne et de ses applications par la finance dans le jeu politique mondialisé.

La crise actuelle est l'ultime étape du renfermement de l'individu sur lui-même construit par le capitalisme issu des Lumières, le régime politique de l'économie de promotion du raisonnement humain sans obligation d'accueillir l'altérité radicale à soi-même. L'extension de la logique à tous les champs de la connaissance humaine a laissé croire à ses acteurs sujets que la rigueur du raisonnement suffisait à garantir la conformité de la réalité objective construite à la réalité objective observable. L'illusion d'objectivité sans altérité s'est renforcée dans le monopole logique de la civilisation occidentale issue du moule de l'Antiquité méditéranéenne. A la fin du vingtième siècle, le monopole occidental de la logique est brisé par l'irruption de l'Orient asiatique et chinois dans l'économie mondiale de la connaissance. Deux logiques se confrontent dans un même système mondialisé d'échange. L'Occident découvre sans vraiment le réaliser dans les dérèglements de son économie matérielle qu'il a perdu le sens de l'altérité, le sens de la valeur de l'autre radicalement différent de sa personne dans une même humanité. Selon la même logique capitaliste que l'Occident, la Chine marginalise l'Occident dans son propre système par sa masse économique.

L'économie mondiale se dérègle par hétérogénéité des principes d'évaluation des limites de l'action humaine dans le monde physique. La déstabilisation des principes de la valeur s'exprime dans la guerre des monnaies visant à manipuler les prix internationaux par le taux de change des monnaies nationales. Les grandes puissances se battent sur des variations entre discours différents et non sur l'écart commun de l'équilibre international du discours avec la réalité objective. Tout le monde confond son propre discours avec la réalité et chaque individu forme des prix où l'autre quel que soit son statut social, politique ou national, ne peut plus trouver sa propre valeur. Le risque, écart entre la réalisation subjective du futur et sa réalité advenue objective au présent, est subverti par l'affrontement de discours sans signification partageable. Le risque du discours n'est plus le résultat incertain de la collaboration des sujets dans la réalité mais la guerre sans limite de chaque individu contre tous les autres. Evidemment la logique de la guerre recommande de se soumettre au plus fort hors de toute logique de valeur.

Le rappel de Paul Jorion sur la distinction logique entre réalité objective et réalité subjective réhabilite un très vieil instrument financier dévoyé par l'abandon de la structure de pensée aristotélicienne. Qu’est-ce que l’option dans la logique de la langue aristotélicienne ? D’abord un nominal, un morceau de discours sans verbe, nommé par un sujet pour désigner un élément de l’existence-empirique. Ensuite un prix qui ordonne l’objet formé par le sujet dans le nominal à d’autres nominaux qui représentent d’autres prix. Le nominal associé au prix (le strike dans le langage financier) qui désigne une matière réelle objectivée est rassemblé dans le terme de sous-jacent. Le sous-jacent nominal avec son prix contiennent une matière (l’objet futur auquel est attribué un prix), une forme (la relation anticipée entre l’objet et son prix) et une fin qui est l’objet réalisé au prix anticipé à l’échéance du nominal. Notons au passage que la réalité désignée dans le sous-jacent de l’option est un certain objet, à un certain prix, à un certain instant du temps pour un certain sujet qui nomme afin de réaliser l'écart possible entre la réalité future et la réalité qu'il pourra concrètement observer.

Le sous-jacent nominal d’une option est une fiction associant un sujet nommant, à une matière, une forme et une fin. Et l’effet ? A l’origine du sous-jacent nommé, l’effet se trouve uniquement dans le sujet qui nomme. La parole est la seule existence qui exprime l’objet évoqué dans le futur et le rend accessible aux sens avant l’échéance. A l’échéance du sous-jacent nommé, l’effet se trouve dans la livraison à l’acheteur de l’option au prix anticipé de l’objet nommé. L’effet de l’option est l’effet du temps pour l’acheteur et le vendeur. L’effet de l’option est de transférer l’incertitude réelle du prix de l’acheteur au vendeur, de transformer l’incertitude du vendeur en certitude pour l’acheteur. L’effet du temps de l’option est de transformer l’incertitude du prix d’origine en réalité certaine pour l’acheteur et en réalité incertaine pour le vendeur. L’effet de l’échéance du temps de l’option est de transformer l’incertitude du temps de l’option en certitude de la réalité pour le vendeur. La certitude de la réalité du prix nominal du sous-jacent de l’option est la prime. La prime est le prix de l’effet du nommage incertain de la réalité dans le temps.

La prime d’une option est l’effet de la réalité incertaine d’une réalité choisie certaine dans son prix à terme. La prime a un prix négociable de l’origine à l’échéance de l’option ; un prix qui résulte de la fixité du prix nominal sous-jacent à l’option ; d’une fixité en RÉALITÉ et non seulement nominale. Par quel miracle la nominalité (réalité-objective) se transforme-t-elle en réalité (existence-empirique) ? Par quel miracle encore la réalité incertaine de la prime et du nominal se transforme-t-elle en réalité et prix certain de cette réalité ? Par le miracle de la logique qui exprime la réalité-objective distincte de l’existence-empirique. Grâce à l’option dans la réalité-objective, l’acheteur et le vendeur anticipent la réalité avant qu’elle ne soit objectivement perceptible dans l’existence-empirique du sous-jacent.

Le miracle de la certitude de la réalité-objective hors de l’existence-empirique ne se produit qu’à certaines conditions dont on va voir qu’elles ne sont évidemment pas remplies dans l’existence-empirique actuelle de l’économie de marché sans loi réelle. Première condition : justement l’acceptation de la logique du langage. Un sujet parle pour être écouté par un autre sujet dans des termes (des formes) communs à une société de langage. Si un vendeur d’option attribue un prix nominal à un sous-jacent dont il achète la prime à l’acheteur de l’option, il faut que le nominal renvoie à une même réalité empirique pour l’acheteur et le vendeur. Une même réalité empirique nommée signifie qu’un tiers parlant la même langue désignera le sous-jacent de l’option selon les termes exacts employés par l’acheteur et le vendeur ; les mêmes termes entre trois sujets de l’origine à l’échéance de l’option.

Deuxième condition : la réalité du prix nominal. L’option certifie le prix à terme d’un objet qui ne peut être que réel c’est à dire distinct de l’existence-empirique mais néanmoins rattachable visuellement à l’existence-empirique, c’est à dire devant témoin à un instant défini du temps. Cela implique que pendant toute la durée d’une option pendant laquelle le sous-jacent est invisible en tant que tel puisque son existence est future, l’acheteur et le vendeur soient bien autonomes dans leur intelligence du nominal sous-jacent ; donc que leur autonomie soit constatée par un tiers qui nomme le sous-jacent par lui-même et distingue clairement l’acheteur et le vendeur qui le nomment identiquement. Cette deuxième condition signifie que l’option négociée sans intermédiaire entre l’acheteur et le vendeur n’est pas une réalité objective mais subjective manipulable de façon invisible par l’un ou par l’autre. Cette deuxième condition signifie aussi qu’il existe un garant de la production du sous-jacent (emprunteur du prix nominal) pour fournir quoiqu’il arrive la contre-réalité du prix nominal.

Troisième condition : la matérialité de la réalité. Un prix est un nombre d’une réalité quantifiable donc limitée par le temps et la physique (physis pour Aristote). Si le sous-jacent ne peut être compté dans l’existence-empirique et le nominal porté dans le temps par un intermédiaire métreur objectif du temps de l’acheteur et du vendeur, le prix ne peut pas exister hors de l’intelligence des négociateurs d’option. Alors en effet le prix ne dit rien à l’acheteur ou au vendeur de l’option, car au moment de la livraison du sous-jacent l’un ou l’autre n’a aucune certitude d’existence d’une relation entre le prix garanti et la chose livrée. Les trois conditions d’existence de l’option se résument dans l’existence d’un marché organisé où les objets et sujets engagés soient visibles et réunis par une même loi de correspondance entre la réalité-objective et l’existence-empirique.

L’option selon la causalité aristotélicienne n'a pas de sens pour un matérialiste qui s'enferme dans l’existence-empirique du monde financier actuel. Un monde qui confond par le langage la réalité-objective et l’existence-empirique, qui ne connaît pas dans l’effet la quatrième dimension de la réalité humaine, celle qui accepte une réalité humaine non réduite par la fin, la forme et la matière. La plupart des options (produits dérivés) négociées aujourd’hui (notamment option de change et CDS) sont des fictions absolues réconciliables avec aucune réalité faute d’un marché (chambre de compensation) où les contrats soient déposés chez un tiers indépendant des contractants. La plupart des produits dérivés ne peuvent pas être rapprochés d’un sous-jacent lui-même négociable en transparence. La terminologie contemporaine nominaliste des options est auto-référencée sans aucun rattachement à une quelconque réalité effectivement observable. Le choix du spéculateur acheteur ou vendeur de la prime d'option est rarement d'anticiper un écart de prix entre son anticipation nominale et la réalité mais de faire croire à une réalité par un prix d'un sous-jacent qui n'existe pas.

L'idéaliste est d’accord avec le matérialiste qui lui dit que le langage se suffit à lui-même. L'idéaliste n’a pas pour fin de mesurer un risque réel puisque l'existence-empirique est déjà la réalité-objective en soi. La perfection du Droit et du discours juridique est pour le nominalisme juridique contemporain de ne jamais être confronté aux faits, c’est à dire à des effets qui soient distincts et transcendant au discours qui les nomme. Discourir de la réalité-objective sans la distinguer de l’existence-empirique permet d’annuler soit les fins soit les effets. Ainsi les scientifiques et les financiers peuvent théoriser les effets sans s’occuper des fins (pourquoi discutez-vous ce prix ou cette réalité qui ne dépendent pas de vous ?) et les philosophes et juristes peuvent théoriser les fins sans s’occuper des effets (pourquoi discutez-vous de ce que je vous dis alors que vous ne connaissez rien aux fins que je théorise ?).

Confondre la fin et l’effet a pour conséquence concrète de supprimer le choix humain dans la réalité physique ou de supprimer la vie humaine personnelle subjective dans la discussion des fins. L’option est l’outil financier, juridique et scientifique qui garantit l’existence distincte de la fin et de l’effet en maintenant la cohérence dans le temps et entre des sujets libres, autonomes et responsables de leurs fins, de leurs formes et de leur matière commune d’humanité. Le vrai scientifique dans n’importe quel domaine considère toujours sa théorie comme l’option d’un nominal dont l’expérience lui donnera le prix réel. L’option scientifique produit en connaissance de la réalité la prime de confiance dans l’être-donné de l’homme toujours observé jamais asservi.

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Pierre Sarton du Jonchay
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