La crise économique actuelle a ses racines dans la civilisation. La compréhension des phénomènes en cours exige une redéfinition de la monnaie, du crédit, du risque, du marché et de la responsabilité publique. La discussion est ouverte.
Commentaire déposé sur le Blog de Paul Jorion.
Il y a en fait deux types de vente à découvert ; le pari économique et le pari financier nu. Ces deux cas n’ont jamais été bien distingués ce qui brouille le débat sur la régulation de ces opérations. Le pari économique s’adosse à la réalité engagée par un acheteur ou un vendeur. Le pari financier nu est la promesse d’un prix sans obligation vérifiable d’en produire la contre-réalité à l’échéance.
Le pari économique contient l’anticipation d’une réalité future associée à un prix négocié au présent. Le pari économique peut être financé par une évaluation de la vente à terme réelle effectuée par un opérateur financier qui n’a pas d’intérêt dans la réalité vendue à terme mais uniquement dans son prix. Dans le cas du pari économique réel, l’anticipation de la réalité s’adosse à l’anticipation du prix. Cet adossement vaut si l’intérêt du financier est que son anticipation colle à la réalité sans que le financier puisse manipuler la réalité, c’est à dire laisser croire ce qui ne peut pas être et que personne ne peut voir. Pour que cet intérêt soit réel il faut que le financier soit obligé par la livraison de la réalité et que cette réalité ne dépende pas de lui. Ainsi le vendeur d’un prix à découvert doit être cautionné par un acheteur de la réalité qui fournira cette réalité si le vendeur du prix n’est pas capable de la livrer.
La création des agents de change en 1823 a eu pour but de vérifier systématiquement la provision ou la garantie des ventes à découvert des titres de dette publique. L’organisation d’un marché délimité garanti par des agents de change enregistrés a permis de signifier à tout acheteur à terme qu’en se portant contrepartie d’un vendeur à terme hors du marché réglementé, soit il se rendait complice d’une position nue destinée à être rachetée avant l’échéance juste pour produire une fiction d’intention, soit il s’exposait à ne pas recevoir les titres à l’échéance de la transaction découverte, c’est à dire non garantie par les agents de change.
Le métayage financier proposé par Paul est le moyen concret d’interdire les paris financiers nus. Un vendeur à découvert doit nécessairement être un métayeur du sous-jacent de la vente tandis que le métayé en garantit la réalité. Le métayeur vend un prix à découvert parce qu’il garantit le métayé qui en produit la contre-réalité. Le vendeur à découvert qui ne présente pas le métayé qu’il garantit se révèle explicitement comme manipulateur du marché et doit pouvoir être mis en cause devant un tribunal par n’importe quel intérêt public ou privé témoin ou victime de la manipulation.
Pour que le contrat de métayage financier (classiquement appelé option) produise le prix économique du risque de la réalité à terme par rapport au prix à terme, il faut que le contrat soit déposé afin d’être visible par n’importe quelle contrepartie potentielle de la vente à découvert. La part du métayeur sur le prix de la réalité à terme (adossée au prix financier vendu à terme) est la prime de risque de la vente à terme qui couvre la réalité de la transaction. Je n’ai pas fini de lire Le prix et parle donc sous le contrôle de Paul. Le métayage financier implique que le métayeur assume les défaillances du métayé à livrer la réalité.
Le principe actuel du marché déréglementé est de rendre les statuts de négociation non contrôlables et de les dissocier de leurs obligations de réalité. Les rapports de force sont arbitraires et dispensés de toute justification. La réalité est un alibi masqué dans des engagements verbaux non vérifiables par une activité tangible de production. La réglementation ne signifie pas qu’on décide à la place des gens mais que les décisions individuelles engagent une réalité tangible collectivement vérifiable. Ce billet de Paul montre la terrible régression cognitive dans laquelle nous sommes tombés par rapport au XIXème siècle.