La crise économique actuelle a ses racines dans la civilisation. La compréhension des phénomènes en cours exige une redéfinition de la monnaie, du crédit, du risque, du marché et de la responsabilité publique. La discussion est ouverte.
Commentaire déposé sur le Blog de Paul Jorion.
Le juriste cherchant à cerner les limites de l’entreprise par la notion de société et de personne morale ressent le même flottement que l’économiste ou le financier. La société rassemble des personnes physiques qui notionnellement unifient leur décision et leur responsabilité par rapport à d’autres personnes. Mais à part les dirigeants qui incarnent l’unité de décision et de responsabilité de la personne morale, on a bien du mal à dire s’il faut voir les apporteurs de capitaux, les différentes institutions intéressées au fonctionnement de l’entreprise et les salariés qui produisent ce que l’entreprise vend comme intégrés ou différents de la personne morale.
La schématisation de la personne morale d’entreprise par trois natures de contrat répondrait à la lisibilité juridique du risque de la personne morale. Les trois natures explicitées dans la Loi seraient :
Dans le contrat de capital exécutable dans une durée et indissociable de la tête des contractants entrent le contrat de travail et le contrat de société ou d’association.
Le contrat de capital aurait pour propriété de créer un espace de légalité propre aux contractants. Avec cette typologie des contrats, le contrat constitutionnel vient chapeauter la loi d’un pays ce qui suppose que le contrat organise la discussion de la Loi entre les citoyens. La loi constitutionnelle instaure le contrat général et le contrat particulier dans lequel se trouve le contrat de capital qui implique donc l’organisation de la discussion d’une loi particulière et spécifique entre les contractants selon l’objet commun de leur contrat. Le contrat de capital est nécessairement licite par rapport à la loi générale puisque les personnes physiques sont elles-mêmes dans leur être public la représentation authentique du contrat.
Le contrat de capital se pose alors comme contrat de gouvernement de la valeur à l’intérieur de l’objet qu’il attribue à l’entreprise. Ce contrat doit nécessairement définir l’organisation des relations des dirigeants avec le travail et avec le capital financier de garantie. Ces définitions spécifient la nature financière des prix associés aux contrats de travail et aux contrats de financement en capital financier. Les conditions définies dans le contrat social dans lesquelles les contrats de travail sont rompus entre la société d’entreprise et ses membres salariés déterminent en effet le risque économique encouru par les salariés, dirigeants, actionnaires, créanciers et partenaires (stakeholders). Idem pour les conditions définies de désignation des dirigeants, de leur contrôle par les apporteurs de capital financier et de prise en charge sur ce capital des pertes sur les contrats de crédit.
Le financement du contrat de capital fondateur d’une société d’entreprise détermine le mode de valorisation de l’entreprise en fonction des prérogatives qu’il accorde aux « capitalistes », aux dirigeants et aux salariés. Précisément il détermine la part de risque que contient la mesure financière du capital. Si l’apport en capital financier limite la responsabilité des capitalistes, les pertes de l’entreprises résultant de la possible incompétence des dirigeants retombent sur les créanciers et sur les salariés. Il en doit découler des pouvoirs de contrôle renforcés des créanciers comparables à ceux des actionnaires. Si l’apport en capital financier ne limite pas la responsabilité des capitalistes, l’incompétence des dirigeants pèse en priorité sur les actionnaires qui doivent combler les pertes sur le prix de l’entreprise par des apports nouveaux en capital. Le prix en capital de la responsabilité dirigeante est de nature illimitée comme dans les sociétés civiles et en commandite actuelles.
La différenciation explicite du contrat de capital par rapport au contrat de cession et au contrat de crédit pose une obligation de rationalité de la responsabilité dirigeante par la loi interne de la société d’entreprise. Le prix de l’entreprise mesuré dans le capital versé ou accumulé par l’activité sociale s’articule explicitement avec les règles de gouvernance du risque économique et avec la capacité personnelle des dirigeants à les mettre en œuvre sous le contrôle du capital. Il en résulte une rationalisation du risque de crédit financier par la loi générale et les lois spécifiques adoptées par les entreprises. La responsabilité définie des dirigeants explicite la propriété du risque économique, donc des profits et pertes qu’il entraîne, entre les actionnaires, les dirigeants, les créanciers et les salariés.
La classification financière des contrats en trois degrés de réalité et de certitude est de nature à mettre fin au « pile je gagne, face tu perds » que capitalistes et dirigeants de sociétés anonymes font peser sur la société civile, les créanciers et les salariés.