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8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 11:30

Epistémologie de la civilisation en crise


Réponse à Jean Peyrelevade quant à la classification financière des risques qui doit présider à la régulation du système financier.

Des principes de réglementation en échec

Dans ma discussion avec Habsb, j’ai tenu pour acquis que risque et crédit ne sont pas la même chose bien qu’également échangeables contre monnaie liquide sur les marchés. La distinction est formellement de plus en plus clair depuis longtemps dans les bilans bancaires et les politiques de régulation et de réglementation du risque. Le problème massif auquel nous sommes confrontés par cette crise est l’absence de motif économique à une distinction matérielle effective du risque et du crédit.

En l’absence de marché financier organisé sur la distinction des négociateurs de la matière risquée et des négociateurs de la matière non risquée, il est économiquement absurde pour une entreprise financière de ne pas construire sa rentabilité sur la subjectivité de la distinction entre flux financiers certains et flux incertains. Nous en avons vu la conséquence dans la mise en péril des dépôts monétaires par des chaines de transformation financière réversible de la monnaie en risque. Le jeu des acteurs financiers est excessivement simple et rentable : acheter de la liquidité en vendant du crédit qui est en réalité du risque et vendre de la liquidité en achetant du risque qui est en réalité du crédit.

Toute activité financière étant nommage d’une mesure économique d’une valeur à exister physiquement dans le futur, l’asymétrie de connaissance d’un marché seulement virtuel et non réel entre les acteurs financiers et les acteurs non financiers autorise les parties financières à qualifier unilatéralement la nature risquée ou non risquée de leurs opérations. Les réglementations extrêmement développées en vigueur ne changent rien à l’état d’initiation des acteurs financièrement puissants face aux acteurs moins puissants.

Instaurer le marché de la responsabilité

La hiérarchisation que vous proposez des activités financière par degré d’exposition au risque ne me paraît pas contestable ; elle s’inscrit dans la logique des recommandations du Comité de Bâle. Mais les faillites de 2008 ont montré que la rationalité financière formelle est matériellement inopérante : la mesure du levier des actifs par les fonds propres peut s’afficher parfaitement conforme aux réglementations en cachant une surexposition réelle au risque, surexposition nécessaire à dégager les rentabilités financières non mesurées par la réalité rendue invisible. Le marché est fictif qui masque la réalité par l’indifférenciation engagée du risque et du crédit.

L’efficacité de la régulation par le marché n’est pas mécanique mais dialectique. Elle passe par l’identification des acteurs à des intérêts séparables pour être intelligibles. La distinction entre le risque et le crédit n’est pas physique mais logique : elle n’est opératoire que par les opérateurs et non par les opérations. L’opérateur du risque ne travaille que le risque et ses fonds propres sont la mesure-même de son risque. L’opérateur du crédit ne travaille que le crédit et ses fonds propres sont la mesure-même du risque de déséquilibre dans le temps de l’épargne et du crédit. Le risque de transformation mesuré dans le capital des banques de crédit est porté par les banques d’investissement. Des banques d’investissement distinctes des actionnaires du crédit portent le risque de crédit en achetant des CDS. Toute perte de crédit pour quelque motif que ce soit est portée par des investisseurs qui engagent le crédit dans les limites du capital dont ils disposent. Il ne s’agit pas d’une mécanique physique mais de la responsabilité d’intelligibilité du calcul économique sur le futur.

Le risque systémique est bien porté quoiqu’il arrive par la puissance publique et la collectivité. Mais avant que la responsabilité publique puisse être engagée dans un déséquilibre macro-économique, la responsabilité privée s’est totalement engagée dans les micro-équilibres de la liquidité, du crédit et du risque. C’est le marché transparent et régulé par le bien public qui articule l’intérêt privé à l’intérêt public, la responsabilité privée au bien commun. Les réformes financières actuellement en discussion sont gelées par une fiction culturelle et conceptuelle du monde occidental : l’opposition radicale de l’intérêt public à l’intérêt privé. Nous sommes égarés dans une philosophie matérialiste de négation de notre responsabilité des formes de la valeur des objets physiques. Nous ne voyons que de la matière à compter sans nous demander pour qui elle compte. Nous croyons que l’objectivité est la négation du sujet ; nous ne savons plus ce qu’est la responsabilité ni privée ni publique.

C’est le mérite de ce blog d’aborder ce débat de fond.

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 12:30


Réponse à habsb quant à ses remarques à une contribution précédente de ma part sur le blog de Jean Peyrelevade. Les remarques de habsb font suite à un précédent échange sur la même page.

Des prix distincts pour le crédit et les risques

Vous avez bien compris la différence de nature et donc de mesure entre le risque et le crédit. Si une anticipation financière est à la fois certaine et incertaine, cela signifie que son financement en crédit qu’on promet de rembourser doit se limiter à la mesure de la valeur certaine de l’objet anticipé. Cela signifie par conséquent que la part incertaine de l’anticipation doit être financée par du non-crédit en quantité suffisante pour que la probabilité que le crédit soit remboursé tende vers 1. Ce non-crédit est soit le capital de la banque qui finance, soit le capital de l’emprunteur. La contrepartie de ce non-crédit qui garantit la valeur nominale du crédit jusqu’à son remboursement est une prime d’option dont le sous-jacent est le remboursement du crédit à l’échéance par la réalisation effective de l’objet du crédit.

La séparation du risque et du crédit consiste à transcrire dans le droit et dans l’organisation du système financier le raisonnement analytique des opérateurs financiers. Au lieu de laisser les banques calculer dans leur gestion interne la couverture en fonds propres de l’ensemble de leurs risques et de découvrir subitement à l’occasion d’une crise qu’elles commettent des erreurs de calcul, il faut externaliser par le marché la couverture de tout risque de crédit par des investisseurs identifiés responsables sur leur patrimoine personnel de leurs erreurs de calcul. La régulation financière consistant à ce qu’un crédit soit vraiment la contrepartie indubitable d’une valeur réelle en cours de production s’effectue par un marché conceptuellement et pratiquement divisé en deux compartiments complémentaires : le marché du risque et le marché de la liquidité du crédit. Deux compartiments produisant de toute anticipation financière le prix de sa liquidité et le prix de son risque.

L’intérêt financier se définit alors comme combinaison du prix unique de la liquidité dans une même monnaie à une même échéance et prime de risque propre à chaque emprunteur-investisseur selon le risque spécifique à l’objet financé. Avec la distinction impérative en droit du vendeur de liquidité et de l’acheteur du risque, qui implique que l’acheteur de liquidité soit vendeur du risque de l’objet qu’il finance, la régulation financière s’opère par le marché : la production de crédit est limitée en permanence par la capacité du marché du risque à acheter tout le risque vendus par les emprunteurs. Une banque d’investissement acheteuse de risque n’a pas le droit d’acheter de la liquidité par le crédit : on se retrouve sinon dans le schéma de Lehman Brothers qui peut du jour au lendemain suspendre le service de sa dette à cause d’une accumulation d’erreurs d’anticipation.

Briser la martingale infernale

Une banque d’investissement se finance exclusivement par de l’émission de capital. Les souscripteurs sont des acheteurs délibérés du risque qui recherchent explicitement la plus-value en risquant de perdre la totalité de la valeur investie. L’investissement ne peut plus être un achat d’option avec espérance de gain potentiellement illimité contre paiement d’une prime. Une banque d’investissement doit impérativement se mettre contrepartie vendeuse de l’option et assumer sur son propre capital l’espérance de perte potentiellement illimitée consubstantielle à l’espérance de gain.

La distinction notionnelle du risque et du crédit est pratiquée par tous les opérateurs financiers qui veulent limiter leur probabilité de faire faillite. Mais en l’absence d’obligation légale organisée par les États, toute banque ou hedge fund intervenant à la fois sur l’investissement et le crédit n’a aucune difficulté à minorer le prix de la liquidité achetée en majorant unilatéralement le prix du risque de son vendeur ou bien encore à majorer le prix du risque vendu pour majorer le prix de la liquidité vendue : pile je gagne, face tu perds… Tous les grands groupes financiers internationaux pratiquent cette mécanique à grande échelle en achetant de la liquidité quasiment gratuite aux grandes banques centrales pour acheter des risques en dessous de leur prix réel et les revendre au-dessus de leur prix réel. Le champion emblématique de cette martingale est Goldman Sachs ; mais ses compétiteurs ne manquent pas ! Y compris chez les très régulées et très vertueuses banques françaises et allemandes.

Votre exemple grec n’est pas ce qui pourrait survenir d’une séparation des marchés du risque et de la liquidité, mais bien ce qui se passe actuellement. La BCE et la Fed impriment de l’argent sans limite pour permettre au système bancaire et financier d’acheter à un prix artificiellement bas du risque grec, espagnol, irlandais, français, anglais, étatsunien ainsi que son propre risque. Nous sommes bien sous la République de Weimar à l’échelle du monde. La sur-liquidité par rapport au prix réel du risque n’est pas mesurable du fait que les taux d’intérêt payés par l’économie réelle contiennent les primes de risque des États et banques insolvables.

Allons-nous attendre le krach ?

Nous sommes entre 1929 et 1932. Le krach boursier a anticipé l’effondrement monétaire. Le système financier s’autodétruit par incapacité à mesurer le risque de ses anticipations. Après 1932, c’est à dire deux années d’atonie économique, tout s’effondre. Comme dans la grande crise, nous sommes dans une situation de totale disparition de la mesure du risque jusque et y compris à l’intérieur des banques. Mais en position inversée par rapport à 1932. Au lieu d’avoir une pénurie matérielle de liquidité (c’était encore le règne de l’étalon-or) nous baignons dans la liquidité virtuelle en apesanteur financière. Dans quelques semaines ou quelques mois, nous aurons un krach obligataire mondial. Les États en dépression fiscale, ne pourront redonner de la confiance aux marchés qu’en taxant leurs importations. Les processus internationaux de valeur seront disloqués et le PIB mondial reculera cette fois de 10, 20 ou 30% en quelques semaines.

Si vous voulez comprendre comment nous pouvons ne pas choisir le pire, lisez Aristote oublié, un nouveau monde à portée de main. Merci de votre compréhension.

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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 12:24

Ce post fait écho aux réflexions de François Lenglet sur la position financière des Etats de la zone euro face à la Grèce et aux marchés financiers.

Les États sont-ils réguliers ?

Oui, la finalité des marchés est de scruter la réalité pour lui donner un prix. Une réalité financière à deux faces : d'un coté la probabilité que les dettes soient effectivement remboursées dans le futur, que la production de valeur s'accroisse, que les entreprises fassent des bénéfices et que les hommes travaillent selon leur demande ; de l'autre les modèles de raisonnement et d'analyse pour anticiper les équilibres économiques qui n'ont de prix que par les outils créés à cette fin par l'intelligence humaine.

Qui veut mettre la Grèce en faillite ? Personne ; et c'est d'ailleurs impossible en droit. La faillite ne peut être que morale. Soit les Grecs proclament à un moment donné qu'ils ne paieront pas ce qu'ils avaient promis ; soit les marchés financiers affirment dans les prix qu'ils produisent que la probabilité de remboursement de la dette grecque est nulle, impossible dans leur modèle de rationalité. Ils ne s'agit que de jugements que les uns ou les autres peuvent commettre par rapport à une réalité économique future qui n'existe pas encore ; des jugements qui auront sûrement un impact sur cette réalité, un impact qu'en réalité personne ne connaît encore.

Là est l'évidence que la crise grecque fait surgir. Le jugement humain précède la réalité tout en faisant partie de l'anticipation financière qui la détermine. Le débat porte donc sur le jugement à tenir et le modèle de rationalité appliqué à la réalité. Et l'on arrive au cœur de la grande crise : qui impose et selon quelle légitimité le modèle d'analyse de la réalité financière qui détermine la réalité économique ? Les opérateurs financiers privilégient par fonction la plus-value ; c'est à dire le gain à terme sur la valeur prêtée. Leur raison d'être est la mesure de la volatilité des crédits : plus la mesure du crédit est instable meilleure est leur performance. Le jugement financier est comme tout jugement dicté par sa raison d'être.

Si la finance n'avait pas le choix de sa raison d'être il faudrait qu'elle lui soi imposée par un autre : l'État de droit qui définit la raison d'être des sociétés et de leur jeu économique. A quoi servent donc l'État grec, les États européens et tous les États du monde dans le problème grec ? S'ils choisissent que la raison d'être de chacun est le problème de chacun, alors les opérateurs financiers font ce qu'ils veulent et chaque État est en concurrence avec tous les autres. Tous les coups sont permis pour tous. Et la faillite de la Grèce éclaircira le paysage et les spéculateurs internationaux ont beaucoup d'argent à gagner sur le prix du risque grec.

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12 septembre 2009 6 12 /09 /septembre /2009 10:38

Principe de régulation financière

La finance travaille-t-elle pour elle-même et la réélection des responsables politiques ou pour l'enrichissement de tous les membres de la société ?


Trader en herbe

Un élève très intelligent avait reçu pour sa rentrée une paire de ciseaux très efficace emballée dans un plastique transparent indestructible. Il aurait fallu pour ouvrir l'emballage accéder à la paire de ciseaux. Notre élève organisa dans sa classe le concours de l'élève le plus intelligent : celui qui parviendrait à ouvrir l'emballage des ciseaux très efficaces qu'il exhibait. Aussitôt plusieurs élèves comprirent que les ciseaux pourraient ouvrir l'emballage. L'un d'eux proposa à l'élève très intelligent d'échanger sa paire de ciseaux communs contre la paire très efficace. L'échange conclu, l'élève très intelligent se saisit des ciseaux très efficaces et ouvrit l'emballage avec la paire de ciseaux communs. Il se déclara gagnant de son concours, suscita l'admiration de tous ses camarades et constata en lui-même que sa seule intelligence avait transformé des ciseaux virtuels en ciseaux réels. Sa maîtresse très intuitive lui promit qu'il ferait un bon trader.

Crise de système

Le système financier ne reconnaît pas sa fin hors de lui-même ; il est autonome sans principe de régulation. Cette crise comme les précédentes provient d'une prise de conscience brutale au sein du système financier d'une divergence de ses orientations avec celles de l'économie réelle. Le système financier fait partie de l'économie réelle dans la mesure où il alloue dans le temps et dans l'espace les ressources nécessaires à la production des richesses. Sont de l'économie réelle les richesses matérielles qui satisfont en elles-mêmes les besoins humains. Pour faire circuler la richesse de l'offre à la demande dans le temps et dans l'espace, le système financier offre à l'économie réelle la mesure dans le temps et dans l'espace des richesses qu'elle produit.

Le système financier répond à la demande de calcul économique de l'économie réelle qui lui permette de produire effectivement plus de richesse qu'elle n'en consomme. La finance mesure la rentabilité de l'activité économique par laquelle les hommes apprécient s'ils enrichissent ou s'appauvrissent de leurs activités. La finance ne satisfait pas des besoins réels mais l'intelligence de ces besoins sans laquelle ils ne s'expriment ni ne peuvent se satisfaire. Travail sur la réalité de la réalité, la finance pose la question du statut de l'intelligence dans la réalité et du statut du sujet de l'intelligence dans l'objet de l'intelligence réelle.

Finance au service de soi-même

Le système financier est le déploiement de l'intelligence économique à l'intérieur de l'économie réelle. Dans le régime de la dérégulation néo-libérale, les acteurs financiers choisissent librement leurs objectifs. Rien ne délimite l'introduction dans les mesures des prix d'équilibre de l'offre et de la demande de toute richesse la demande spécifiquement financière qui opère un prélèvement sur l'offre réelle. S'il est nécessaire que la fonction économique de la finance soit rémunérée en richesse réelle, la dérégulation ne prévoit aucun moyen de mesurer la part du coût du risque, du crédit ou de la liquidité pesant sur l'économie réelle qui revient effectivement au système financier. Ainsi se développe-t-il sans règle de proportionnalité à la contribution réelle qu'il apporte à la production de richesses.

L'équilibre réel de l'offre et de la demande est livré à la subjectivité financière pendant que le prélèvement financier sur l'économie réelle croît sans contrôle réel. Le cancer financier est admis par le pouvoir politique qui accroît en contrepartie sa capacité d'endettement sans justifier de l'efficacité de son action. Avec la complicité du pouvoir politique, le système financier masque la réalité des prix dans le calcul économique. Régulièrement le soupçon explose sur les marchés financiers d'un décrochage de l'économie réelle par rapport aux directions prises unilatéralement dans son intérêt propre par la finance.

Principe de régulation

La crise actuelle est vraisemblablement l'agonie de la finance dérégulée. Trop d'opérateurs financiers ont compris que la croissance irréversible de l'endettement public et privé ne reflète plus une anticipation réaliste de la croissance à venir. La sur-liquidité monétaire induit une volatilité des prix financièrement ininterprétable ; elle interdit toute anticipation rationnelle du risque et du crédit de la richesse à produire. L'impossibilité de justifier économiquement le prélèvement financier dans l'économie réelle va déboucher sur la mise sous tutelle autoritaire de l'activité financière. L'administration publique reprend la gestion de la croissance économique devenue impossible.

Aucune réforme financière ne restaurera la croissance économique qui ne garantisse à l'économie réelle la subordination de la mesure financière aux besoins et capacités du réel. L'économie a besoin d'anticiper la richesse future certaine pour se financer par le crédit et la richesse future incertaine pour se financer par le capital. Pour empêcher le système financier de produire artificiellement du risque par le crédit et le crédit par le risque, les activités de crédit, de risque et d'assurance doivent être exercées par des institutions financières distinctes. La séparation est mise en oeuvre par l'activité de marché qui supervise tout le processus d'accumulation, de certification et d'engagement de l'information financière dans les prix.

Gouvernance monétaire mondiale

Le principe de la séparation des pouvoirs financiers instaure ipso facto l'étalon universel de la valeur économique réelle. La liquidité issue du crédit intégralement garanti par le capital et l'impartialité financière du marché constitue une monnaie parfaitement stable. L'adoption par quelques grands pays démocratiques du principe de la responsabilité financière différenciée pose les bases d'un système financier transnational parfaitement équitable et efficace à réguler la croissance mondiale. Un système de régulation financière de l'économie mondiale émerge fondé sur la responsabilité personnelle extra-nationale de toute richesse produite ou à produire.

Le basculement dans la finance régulée est un choix éthique donc politique. La finance travaille-t-elle pour elle-même et la réélection des responsables politiques ou pour l'enrichissement de tous les membres de la société ?


Le principe de régulation financière synthétisé ici est développé dans le document suivant (20 pages) :

Système de responsabilité de la valeur, agonie de la finance totalitaire

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8 juin 2009 1 08 /06 /juin /2009 06:24

Une réglementation ancrée dans les objectifs de la politique économique, une clé


La réalité peut échapper aux modèles financiers

La crise actuelle s'est manifestée dans sa spécificité à l'été 2007 par l'illiquidité de fonds de placement. Contrairement à ce qui en avait été vendu aux porteurs, les titres de propriété des fonds illiquides n'avaient pas un profil de risque et de rendement parfaitement anticipé. La valeur des actifs pouvait tomber en dessous des seuils annoncés ; il pouvait survenir des événements sur cette valeur qui la rendait illiquide. Il était impossible d'en annoncer un prix qui permette à un acheteur et un vendeur de négocier un transfert de propriété sans que l'une ou l'autre des contreparties soit gravement lésée. Le doute n'était pas sur la mesure de la valeur mais sur l'existence de la valeur.

Acheteurs, vendeurs et teneurs de marché se sont trouvés dans l'impossibilité d'interpréter l'impact sur leurs actifs du surendettement des ménages américains dans l'immobilier. Il est apparu progressivement que le problème n'était pas ponctuel sur une classe d'actif spécifique mais systémique. Les acteurs impliqués dans la négociation des titres subprime étaient théoriquement des professionnels avertis du calcul financier. Certains d'entre eux engagés dans la valeur des actifs comme acheteurs de risque et vendeur de crédit se retrouvaient en faillite, dans l'incapacité de tenir leurs engagements de crédit à leurs contreparties.

L'insolvabilité ponctuelle d'un secteur de l'économie réelle se révélait insolvabilité potentielle de tout le système financier : il fonctionnait sur des modèles de calcul non réconciliables avec la réalité économique. Le hiatus avec la réalité est l'illiquidité : la valeur n'est pas non mesurable mais invisible. La disparition de la liquidité sur les marchés financiers est montée sournoisement de l'été 2007 à la faillite de Lehman Brothers. Sournoisement parce qu'incompréhensible dans sa gravité par des acteurs financiers dont le métier est de négocier leur compréhension de la valeur pour lui donner le prix nécessaire au calcul économique.

Dissimulation du risque dans le crédit

Le modèle en défaut internationalement diffusé était celui de la titrisation synthétique de risque et de crédit. Les titres subprime ainsi qu'une foultitude d'autres modèles financiers créés avec la révolution financière du dernier quart de siècle reposent sur l'hypothèse de la modélisation de la valeur du risque par la valeur du crédit. L'hypothèse est la possibilité de conceptualiser la valeur incertaine du futur comme ce qui en est annoncé valeur certaine : le crédit. Par le truchement des probabilités, l'incertain est assimilé au certain, mélangé au certain et négocié comme s'il ne s'agissait que de valeur certaine.

Les financiers font très bien la différence entre valeur certaine en crédit et valeur incertaine en risque. Mais qui est bon financier ? Quand des titres synthétiques de crédit et de risque sont vendus pour une seule valeur sans décomposition de la connaissance des causes de certitude et des causes d'incertitude, qui en refait l'analyse probabiliste ? A partir de l'été 2007, le système financier redécouvre progressivement que la valeur d'un engagement nommé par un contrat ou par un titre dépend des contrats et titres qu'il contient lui-même. Et que la valeur des contrats et des titres dépend de l'identification des personnes engagées par les contrats et des personnes originatrices du titre.

La crise systémique est le constat de l'ignorance massive de la solvabilité-même des personnes engagées dans les contrats financiers : la finance déconnectée de l'économie réelle. Elle est aussi la découverte de la méconnaissance d'une cause fondamentale de la valeur financière : l'origination. L'origination est justement la production de modèles de la valeur financière qui lui donne un prix et la rende négociable, liquide. L'originateur n'est pas le propriétaire ou le prêteur de la valeur ; il la définit pour qu'elle puisse avoir un propriétaire, qu'elle revête un intérêt à être détenue en propriété et que cet intérêt ait un prix sur le marché financier.

Origination financière et mystificationn

Les 20 propositions pour réformer le capitalisme analysent finement le problème de l'origination et démontrent à quel point ces fondations de la valeur financière ont été préemptées par les acteurs les plus compétents et soustraits à l'attention des régulateurs. L'origination initie l'anticipation de la valeur. Elle décortique les projets, mesure les parts certaine et incertaine de leur valeur future, mobilise l'épargne pour financer le crédit, attribue l'anticipation du risque à des acteurs intéressés et capables à en maximiser la valeur incertaine.

La valeur financière anticipation du futur n'existe pas de manière palpable mesurable indépendamment de celui qui l'origine. L'origination, c'est à dire la délimitation par rapport à des acheteurs ou vendeurs de crédit et de risque, précède nécessairement la mesure qui va déboucher sur un prix d'échange. L'absence de régulation est l'impossibilité de fait pour tout acheteur ou vendeur de la valeur financière de s'approprier les constituants de la valeur financière à son origine. L'originateur est seul maître de la définition même de la valeur échangée. Tant qu'il existe une offre et une demande pour un prix dont personne ne doute, les négociateurs de la valeur financière ne voient que le résultat probable de l'anticipation.

Mais quand le contexte de la valeur change substantiellement, insolvabilité de certaines catégories de débiteurs, incertitude majorée du prix futur de certains actifs, l'originateur est interrogé sur la fidélité de son modèle à la nouvelle réalité. Les acheteurs et vendeurs ont besoin de vérifier que la part risquée des actifs financiers n'est pas sous-estimée par rapport à la part non risquée due à des emprunteurs. Si l'origination a sous-estimé la valeur en risque, cela signifie que la valeur en crédit devient une anticipation incertaine. Tout créancier n'a peut-être pas entre les mains la valeur que le décompte financier lui accorde.

Fiction réglementaire

L'origination est la part non physique de la valeur ; celle dont la cause est dans la nature des engagements pris indépendamment de leur objet. Celle qui relie les conditions objectives de la valeur à la responsabilité des hommes qui l'engagent. Si la valeur est un crédit, il existe quelqu'un pour la rembourser et quelqu'un pour garantir le risque de crédit, pour pallier la possible défaillance du débiteur de quelque montant qu'elle soit. Si la valeur est un risque, il existe quelqu'un pour l'assumer que son résultat soit positif ou négatif à l'échéance. Le résultat négatif de la valeur en risque est la réduction possible d'un patrimoine réel identifiable. Une personne financièrement responsable assume tout l'écart que la réalité révèle à une échéance donnée entre la valeur anticipée à l'origine et la valeur effectivement réalisée.

La deuxième réglementation du Comité de Bâle actuellement en vigueur impose aux acteurs financiers des règles d'origination. Les institutions financières par elles-mêmes matrice d'origination sont invitées à un strict départ dans leurs comptes de la valeur en risque et de la valeur en crédit. Leur valeur en risque ne peut dépasser la perte maximale envisageable sur la durée nécessaire à une possible recapitalisation. Tous les risques doivent être évalués et couvert par un montant de fonds propres qui exclut toute imputation des pertes possibles à des créanciers.

Si les contraintes identifiées par Bâle II d'une origination conforme à ses finalités ne sont pas discutables, la crise a démontré qu'elles ne font pas système. Les opérations non conformes à la réglementation ont été domiciliées en dehors du périmètre réglementé chez des acteurs non soumis à la réglementation ou hors du périmètre de contrôle des autorités de régulation. L'intérêt a produire des modèles pleinement réalistes de la valeur s'est révélé partout trop faible. L'intérêt a surestimer le crédit pour maximiser les anticipations de bénéfice s'est révélé partout trop fort. Le système financier mondial n'a pas trouvé par lui-même un niveau maîtrisable de levier du risque par le crédit.

Pas d'intérêt à la stabilité

Dans son organisation actuelle, le système financier n'a pas en lui-même d'étalon objectif de mesure du risque. Le risque est à la fois un bénéfice et un coût, bénéfice quand les anticipations se réalisent au niveau fixé, coût quand les bénéfices réalisés sont inférieurs au seuil de rentabilité. Les acteurs financiers rentables sont nécessairement ceux qui mentent sur la réalité de leurs risques. La mesure réaliste des risques est nécessairement trop coûteuse dans un contexte de concurrence : pour être compétitif et garder une chance d'être rentable, il faut nécessairement se penser a priori plus apte que les autres à réduire le risque à son coût minimal. Donc à travailler avec moins de fonds propres que les autres pour une même niveau de risque.

Le succès financier des activités d'origination a provoqué le désastre. Il a reposé sur la spécialisation de quelques acteurs dans la vente de modèles reportant le risque sur des opérateurs non informé. Contre commissions acquises définitivement à l'origine, des montages financiers ont été vendus comme générateurs de bénéfices pour une mise de départ moins élevée que dans la moyenne du marché pour des risques prétendus équivalents. Ces modèles ont stimulé les anticipations financières en crédit et en risque au-delà de ce que la réalité permettait vraiment. Aussi justifiée et pertinente soit-elle, la réglementation de Bâle n'a pas de motif d'être appliquée parce que contraire aux intérêts intrinsèques des opérateurs financiers.

La norme de couverture des risques par les fonds propres des acteurs financiers n'a de sens que non originée par l'origination des risques. Elle doit bien être dynamique, auto-ajustée à la mesure variable des risques au fil du temps. En confier la modulation aux banques centrales et derrière elles aux autorités publiques est bien ce qui a été fait depuis octobre 2008. Les financements publics se substituent au financement des risques par le marché. Les opérateurs sont garantis quelle que soit l'évolution de leurs risques. La puissance publique n'a pas d'outil de mesure du risque plus efficace que le marché. Elle ignore tout autant que le marché le niveau d'incertitude des anticipations que les opérateurs se dissimulent entre eux pour se remettre en certitude.

D'anciens principes de prudence

Risque et crédit puisent leur valeur à la même source : l'anticipation du futur. Si les mêmes anticipent le futur certain de la valeur en crédit et le futur incertain de la valeur en risque, ils ne peuvent pas manquer de forcer leur certitude en minimisant nominalement l'incertitude tout en la maximisant réellement. Si le régulateur prend sur lui d'encadrer la psychologie naturelle du marché, il devient lui-même facteur de risque en imposant une contrainte imprévisible sans fondement objectif. Odilon Maucour suggère la solution du dilemme dans sa conclusion. Le marché doit devenir son propre régulateur en s'organisant selon cette fin.

Les opérateurs de crédit ne peuvent pas opérer le risque. Les opérateurs de risque ne peuvent pas opérer le crédit. Les opérateurs de marché n'opèrent ni le risque ni le crédit. Ils pèsent le risque et le crédit offerts séparément sur le marché pour établir un prix d'équilibre avec la demande. L'offre de risque est limitée par la demande de risque et réciproquement. L'offre de crédit est limitée par la demande de crédit et réciproquement. Le crédit n'est pas le risque et le risque garantit le crédit. Tout crédit est couvert par un opérateur de risque qui vend sa couverture au prix du risque de contrepartie. Le marché distinct des opérateurs de crédit et de risque régule le crédit et le risque. Le régulateur public régule la distinction et la complémentarité des opérateurs de marché, de crédit et de risque.

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15 mai 2009 5 15 /05 /mai /2009 09:18
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United States must support international currency for its own welfare. Currency is material representation of people right, of value coming from human desire. If we haven't international currency, we haven't international recognition of foreign value. So international trade and financial commitments are risky. Value sold or bought in dollar by United States is uncertain for the rest of the world, so uncertain for United States. Because dollar is representation of american people rights to value, not of Chinese, Indian, African or European right.

Without international currency representing international common right to value, United States cannot measure the real value of its economy. If each person is single all over the world, for the place where it lives, the language it speakes, the people it likes, it is not realistic to make it use a currency of another country in its international relations. That's why American economy became unstable and so on world economy. IMF must become international central bank for international recognition of world common value. That's what Keynes recommended in Bretton Woods.

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Pierre Sarton du Jonchay
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Le Blog de Paul Jorion

 

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