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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 07:57

Titriser le travail par la monnaie, indexer la monnaie par le prix du travail

Je crois que s'il y a erreur elle n'est pas initiale mais actuelle. Elle consiste à ne pas faire la différence entre le sujet et l'objet du travail. Le libéralisme absorbe la personne sujet du travail dans son objet afin de contraindre la liberté du sujet. Grammaticalement, l'objet du travail est la conjugaison du verbe dans la réalité produite à partir du sujet mais bien hors du sujet, en altérité du sujet. Si l'objet du travail n'est pas séparable de son sujet alors le travail disparaît comme bien et comme source de bien. Le matérialisme libéral oublie que le travail a un sujet pour traiter la source du travail comme une machine ou un automate ; et donc pour acheter le travail dans les mêmes conditions qu'un simple objet matériel.

Si nous montons à la vision aristotélicienne de notre réalité platonisée, le travail est analysable dans sa matière par la forme, la finalité et l'effet. L'effet de la matière travail est alors l'effort délibéré (forme finaliste) d'un sujet vers sa fin objective (finalité matérielle). Le travail ne peut pas être une matière passive sans sujet mais un acte originé dans le sujet et finalisé dans l'objet. Comme une origine contient sa fin et qu'un objet n'existe pas finalement sans avoir d'origine, le travail ne doit pas être considéré sans la finalité qui est nécessairement dans le sujet libre et dans l'objet matériel.

Le travail réel, qui est d'un autre ordre que le travail matérialiste idéalisé dont parle le libéralisme idéologue, est un sujet pour son acheteur autant que pour son vendeur. Autrement dit, le travail est la manifestation économique du vivre ensemble dans l'intersubjectivité démocratique. Dans le régime politique de la démocratie, acheter le travail d'un autre n'a de sens que par la vente de son propre travail. Le travail échangé est la manifestation matérielle de l'éthique et de la philia qui sont la condition d'un bien commun objectivement matérialisé et subjectivement finalisé. Dans le marché aritotélicien il n'y a de prix que dans la finalisation de l'objet et dans la subjectivation de la matière par le travail.

La cause du prix est dans le travail. Acheter le travail signifie investir sa fin propre dans l'objet. Vendre le travail signifie matérialiser l'objet dans la forme de l'acheteur. Rémunérer le travail signifie échanger des fins objectives par la subectivation commune d'une matière formellement différentiable dans des objets distincts. Ces trois affirmations sont réalisées dans la monnaie qui matérialise le vivre ensemble dans une loi commune d'interdépendance subjective. Titriser le travail revient à proportionner l'émission monétaire dans une communauté de biens objectifs par le prix liquide au présent de tous les échanges de paroles, d'actes et de réalités que les acteurs citoyens jugent équivalents.

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 20:35

Par Johann-Ewald Kraemer

Dette, 5000 ans d'histoire de David Graeber

La fiche de lecture de Johann-Ewald Kraemer a fourni le matériau du billet publié sur le Blog de Paul Jorion : Sortir de l'esclavage financier par la compensation publique de l'intérêt

Fiche de lecture

Le livre de David Graeber, Dette 5000 ans d'histoire (en anglais, Debt, the first 5000 years) est un best-seller aux Etats-Unis, où il a été vendu à 100.000 exemplaires ; C'est une prouesse pour un ouvrage universitaire, issu de notes de cours préparées par cet ancien professeur à Yale qui enseigne aujourd'hui à l'Université de Londres (université de gauche). David Graeber est un militant anarchiste et prétend être l'un des instigateurs des manifestations de Seattle de 2001 et fondateur du mouvement Occupy Wall-Street . Les 10 premières pages et les 10 dernières pages de son livre s'en font l'écho.

Néanmoins, les 480 pages restantes sont d'une haute tenue et méritent l'attention, car elles touchent au coeur de la crise actuelle : faut-il toujours payer ses dettes ? Notamment quand ces dettes sont nées dans le cadre de rapports d'échange pervertis ? Et ce, même si on a soi-même contribué à pervertir ces rapports ? Les deux parties n'ont-elles pas quelque fois intérêt à remettre les compteurs à zéro ? Mais plus fondamentalement, qu'est-ce qui pervertit le système de la dette aujourd'hui ? N'est-ce pas le recours généralisé à l'intérêt imposé depuis 30 ans par les monétaristes comme index du coût de l'argent et plus généralement comme moteur de la croissance économique ?

La thèse est autant une thèse d'histoire et d'anthropologie que d'économie. Elle est développée sur 500 pages denses, suivies de 100 pages de bibliographie. La Bibliographie à elle seule présente de nombreuses sources anglo-saxonnes, mais aussi européennes et françaises concernant la réflexion sur la dette, la monnaie et l'intérêt, par des économistes, des historiens et des anthropologues qui ont analysé les mécanismes de paiement dans les sociétés traditionnelles et modernes.

Graeber, présente un intérêt dans nos débats actuels à trois titres :

1) Il relativise le rôle du taux d'intérêt comme parangon de l'efficacité économique dans les économies nationales.

2) Il éclaire le rôle du taux d'intérêt comme puissant facteur d'internationalisation des économies.

3) Il montre que l'homo economicus est une création du taux d'intérêt.

4) il esquisse un certain nombre de débats sur les rapports entre taux d'intérêt, morale et efficacité économique.

1. Le taux d'intérêt un usage limité dans les économies nationales

Le premier mérite de Graeber est de montrer que le recours au taux d'intérêt a été un phénomène mineur dans les relations nationales et en particulier dans le vie quotidienne des particuliers jusque à la fin du XXème siècle.

Graeber n'est pas contre le principe de la dette, bien au contraire. En tant qu'anthropologue, il voit dans la dette une des bases des relations sociales. «Tenir la porte à quelqu'un après que celui-ci l'ait tenue pour vous, c'est la façon la plus banale de s'acquitter d'une dette». Ce à quoi Graeber s'oppose, c'est la tendance croissante à chiffrer et donc à monétiser cette dette. La monétisation généralisée a pour corrolaire l'application réciproque de taux d'intérêts réputés maintenir créanciers et débiteurs dans un état d'émulation permanente.

Selon Graeber, le chiffrage des dettes n'est nullement motivé par la volonté de mesurer les apports réciproques dans la vie sociale ou commerciale, mais par la volonté d'appliquer un intérêt qui mesure le temps mis pour s'acquitter d'une dette. Graeber montre ainsi que monnaie comme instrument de compte, les taux d'intérêts sont apparus en même temps, vers le VIIème siècle avant JC dans le cadre de relations de violence et de défiance et principalement à des fins de partage du butin et de taxation des vaincus. Cette invention de la monnaie et de l'intérêt n'a nullement été précédée par le troc, contrairement à ce qu'expliquait Adam Smith au XVIIIème siècle et à ce que continuent de prétendre beaucoup d'économistes pour expliquer qu'en dehors de la monnaie il n'existe point de salut (cf. le manuel d'économie de Dornbush et Fisher).

Graeber rappelle ainsi que longtemps avant la monnaie, les scribes savaient tenir des comptes courants dans lesquels les biens et les services échangés étaient tracés en "comptabilité matière" : X a crédité sur le compte de Y, 30 vaches, tandis que Y créditera sur le compte de X, 30 quintaux de luzerne qui nourriront 30 vaches supplémentaires à remettre l'année prochaine, qui permettront de nourrir 30 vaches supplémentaires à fournir l'année prochaine contre la remise de la même quantité de luzerne et ainsi de suite. Lorsque X et Y décèderont dans 20 ou 30 ans, leurs descendants continueront ces échanges et c'est seulement en l'absence de descendant que l'un ou l'autre réglera la différence éventuelle sous la forme d'un bien fongible tel que du sel, du fer ou de l'or. Avec la comptabilité matière, il n'est donc nul besoin de monnaie. Il suffit d'entretenir des relations de long terme avec ses partenaires, ce qui correspond à ce qu'ont pratiqué la plupart des sociétés traditionnelles jusqu'il y a 50 ans, et ce qu'ont pratiqué jusqu'à aujourd'hui la plupart des sociétés dirigistes, y compris dans les économies keynésiennes ou plannistes des trente glorieuses.

En renfort de Graeber, on peut ajouter que la comptabilité matière continue d'être abondamment utilisée par les entreprises dans ce qu'on appelle la comptabilité auxiliaire : environ 90% des écritures comptables enregistrent au quotidien, en les quantifiant sans les valoriser immédiatement, les mouvements de stocks, de services, et même de titres financiers. Pour la grande majorité des PME aujourd'hui, la valorisation n'intervient que dans un deuxième temps et est effectuée, en vertu du PCG au coût dit "historique" . C'est une des grandes ambitions des normes IAS/IFRS que de mettre progressivement fin à cette comptabilité matière avec valorisation reportée en imposant une valorisation immédiate de tous les biens échangés et, si possible, une valorisation en temps réel dite "mark to market" indexée sur les multiples bourses qui valorisent les biens et services échangés aux quatre coins de la planète.

La raison d'être d'une telle valorisation immédiate est qu'elle fait prendre conscience aux gestionnaires que le temps c'est de l'argent, et qu'un stock de matière première ou une action sur une filiale ne doivent pas traîner dans un dépôt ou dans un tiroir si il y a une possibilité de les céder très rapidement à un prix supérieur au gain escompté par un investissement à long terme de ces actifs. Or, pour mesurer rapidement la différence de prix entre la valeur mark to market attendue d'une cession immédiate et la valeur attendue d'une utilisation à long terme, le meilleur moyen selon la doctrine monétariste est de comparer son prix de cession à terme avec le prix d'aujourd'hui (mark to market) actualisé au taux d'intérêt de référence (celui de la banque centrale), voire avec la courbe des taux qui ajoute aux taux de référence de la banque centrale les taux à plus long terme pratiqués entre banques ou ceux offerts par les grands emprunteurs tel que l'Etat. Un investisseur recourant à la valorisation mark to market préfèrera vendre ses stocks immédiatement pour acheter des obligations rémunérées à des taux d'intérêt définis.

Longtemps limité aux relations avec des étrangers, le recours systématique au taux d'intérêt ne s'est développé qu'à l'occasion de la mondialisation des dernières décennies. Certes, dans les relations entre banques et grandes entreprises la pratique de l'intérêt remonte au XVIème siècle et n'a cessé de s'accélérer depuis. En revanche, les particuliers n'y ont été soumis que sporadiquement, surtout à l'occasion de changements sociaux où les usuriers et les agioteurs faisaient la loi, comme dans l'Angleterre du XVIIIème siècle. L'endettement des particuliers connait même un fort recul pendant la plus grande partie du XXème siècle, lorsque l'Etat providence se substitue aux usuriers. Ainsi, en Europe, jusque dans les années 1980, prendre un crédit était mal vu et était perçu comme le signe d'une mauvaise intégration dans la société. La société était alors indexée sur les subventions publiques (parfois sous forme de prêts "bonifiés" ou à taux zéro) lesquelles étaient elles-mêmes indexées sur le taux d'inflation.

Seuls les Etats-Unis ont développé précocement une tradition de l'endettement des ménages dès la fin du XIXème siècle et qui a explosé dans les années 60 avec le développement de la carte de crédit. A partir des années 80, à la faveur des idées monétaristes, le crédit aux particuliers est réhabilité en Europe, confié à des professionnels, les banques, et non plus à des usuriers. A l'inverse, les subventions publiques sont de plus en plus réservées aux classes défavorisées. A partir des années 80, à la faveur du thatchérisme, on assiste en Europe à une forte progression de l'endettement des ménages, tant sous la forme du crédit à la consommation (cartes de crédit) que sous la forme du crédit immobilier (emprunts). Le taux d'intérêt devient alors le nouveau paradigme économique, tandis que l'inflation (qui rogne les taux d'intérêts perçus par les créanciers) est considérée comme l'ennemi public numéro 1.

2. Le taux d'intérêt, moteur du commerce international

Le second mérite de Graeber est d'offrir à ses lecteurs une trame de l'Histoire du commerce international assez séduisante, un fil de lecture facile à suivre qui est le rôle de l'intérêt comme mécanisme incitateur du progrès, pour le meilleur et pour le pire. Pour Graeber, contredisant Smith, le commerce international ne s'est pas développé sous l'impulsion de la spécialisation internationale mais sur celle du taux d'intérêt comme moyen de masquer des rapports d'échange défavorables, que ce soit sous la forme du pillage ou du transfert de prix.

Graeber montre ainsi que la principale caractéristique du capitalisme moderne, qu'il fait remonter au XVème siècle est le retour à la pratique du taux d'intérêt. Le prêt à intérêt, inventé peut-être par les soldats de Crésus vers 650 avant JC (à l'origine sous forme d'une astreinte imposée aux populations conquises), avait connu une longue éclipse entre 600 avant JC et 1400 de notre ère. Les réformes de Solon d'Athènes avaient condamné la pratique de l'intérêt qui commençait alors à se répandre dans toute la Grèce. Le droit romain avait quelque peu rétabli le recours à l'intérêt, mais les débats philosophiques de la Grèce antique opposés à la prison et à l'esclavage pour dettes avaient fortement réduit les droits des usuriers. Le néo-platonisme des Pères de l'Eglise, poursuivi par toutes les églises chrétiennes au Nord et à l'est de la Méditerranée, et par l'Islam au Sud, a interdit strictement le prêt à intérêt pratiqué envers des coreligionnaires, tant chez les Chrétiens que chez les Musulmans. D'où la fonction de prêteur sur gage réservée, voire imposée aux juifs par des féodaux ou des cheiks soucieux d'accélérer la collecte de l'impôt.

Le prêt à intérêt serait réapparu dans la sphère chrétienne au XVème siècle avec les banques génoises. Un mouvement de "tolérance" illustré par les indulgences tout comme par la redécouverte du droit romain a permis de compléter la comptabilité auxiliaire matière par une comptabilité générale en partie double exprimée en unités monétaires. Cette comptabilité générale vise à valoriser l'entreprise dans son ensemble pour permettre l'émission d'obligations rémunérées contre intérêt et théoriquement gagées contre la valeur actualisée de l'entreprise.

Graeber montre en particulier comment le système de prêt à intérêt à la génoise s'est propagé comme une trainée de poudre à la faveur de la conquête de l'Amérique. Selon Graeber, le recours à l'intérêt explique les audaces militaires des conquistadors endettés jusqu'au cou et incités à piller les amérindiens pour se délivrer de leurs propres créanciers génois. Il explique dans un chapitre entier la traite des noirs, alimentée par l'esclavage pour dettes pratiqué par les royaumes africains soucieux de commercer avec les nouveaux partenaires portugais et anglais. Il explique également la cruauté des guerres de religion en Allemagne financées par les banques Fugger et Walser. Il montre comment Luther a été contraint par ses protecteurs d'enjoindre les paysans allemands à se résigner à l'impératif absolu (avant Kant) de payer leurs dettes ; comment Calvin a poussé le bouchon plus loin en enjoignant les Suisses et les Hollandais à mesurer la faveur divine en pourcentage d'intérêts et donc à se transformer en banquiers.

Il montre enfin comment le philosophe Locke, conseiller du premier Gouverneur de la banque d'Angleterre (le physicien Isaac newton), lui a proposé de mettre en place un système bancaire dans lequel tous les anglais seraient incités à travailler et à rapporter à l'économie un rendement d'au moins 5% en étant eux-mêmes endettés à un "taux raisonnable" de 5% (à l'époque les taux de croissance durant les années fastes n'étaient guère supérieurs à 1%). Ce système calviniste ou Lockien de l'endettement permanent des ménages n'a pas été suivi immédiatement en Angleterre, mais a été repris aux Etats-Unis où il fait partie de la culture américaine depuis la fin du XIXème siècle. Aux Etats-Unis, les ménages sont incités à prendre des crédits à des taux élevés dès le plus jeune âge, afin de démontrer leur capacité précoce à rembourser leurs dettes et donc à améliorer leur "credit history". Ce système est en train de prendre une forme extrême avec la réforme mise en place par Bush-fils en 2005 qui impose aux étudiants américains de financer leurs études par l'emprunt, afin de les rendre plus âpres au gain au cours de leur vie active, au besoin en les transformant en des recouvreurs d'impayés implacables : «si je paye mes dettes, les autres doivent en faire de même».

L'utilisation du prêt à intérêt comme une forme de virus vertueux qui favoriserait les comportements vindicatifs — et donc créateurs — des acteurs économiques peut paraître séduisante. Elle expliquerait la promptitude des Etats-Unis et de ses imitateurs à se rétablir des crises financières les plus violentes. Mais elle explique aussi la vulnérabilité de ces mêmes pays aux crises de la dette. L'interdépendance financière obligatoire des individus ne leur permet de se sortir de l'esclavage à vie qu'en se prêtant à des stratégies de "quitte ou double" : soit on crée sa startup avant 30 ans, parfois dans des conditions frisant l'escroquerie, soit on accumule les contrats de salarié précaires et les divorces pour rembourser ses études et la maison le restant de ses jours. Les ménages américains sont à la fois les plus endettés du monde (130% du PIB, auxquels il faut ajouter les 150% de PIB de dette publique) et les moins épargnants (4% de leurs revenus sont épargnés sous forme d'épargne financière contre entre 8 à 18% en Europe continentale).

Comme socialement, le système américain ne peut pas se permettre de mettre la moitié de la population en prison pour dette, celui-ci-ci offre des régimes de faillite personnelle très généreux (le fameux << chapitre 7 >>), au détriment des banques anglo-saxonnes, qui s'en plaignent certes, mais qui bénéficient en contrepartie de règles comptables pour le moins bizarres ainsi que de régimes d'indemnisations et de renflouements très généreux aux frais de l'Etat, qui expliquent eux-mêmes une grande part du déficit budgétaire américain. En bout de chaine, on trouve la Chine premier exportateur mondial qui est payée en dollars placés pour partie en dette publique américaine, tout comme il y a deux siècles la Chine recevait l'or des Amériques que les banques génoises lui versaient en contrepartie de la soie, du papier et de la porcelaine.

3. Taux d'intérêt et homo economicus

Le troisième mérite de Graeber est d'apporter la pierre de l'anthropologue à la déconstruction de l'homo economicus, personnage égoïste inventé par Smith et Mandeville, auteur de la "fable des abeille", selon laquelle les vices de chacun contribuent à l'amélioration de l'intérêt général. Cette théorie, jadis limitée aux milieux philosophiques, est devenue le b-a-ba des cours d'éthique enseignés dans les écoles de commerce du monde entier et contribue fortement au délitement moral des sociétés développées.

Graeber montre qu'en réalité la part du vice et de l'intérêt est restée jusqu'à il y a peu très restreinte dans la vie économique quotidienne mais commence à devenir envahissante depuis que les législateurs ont décidé de multiplier des mécanismes incitatifs inspirés de l'intérêt et invitant les individus à fonder leurs relations, mêmes les plus intimes, sur des mécanismes de marché au nom de principes tels que l'égalité. Or, Graeber montre que jusqu'à présent, les individus ont trois manières de contracter des dettes, dont deux sont soit injustes, soit inégalitaire : des dettes "mutualistes", des dettes "hiérarchiques", et des dettes "échangistes".

Les dettes mutualistes sont abondamment contractées entre proches (familles, voisins) et entre pairs (collègues de travail, corporations, gens de même milieu social - ce qu'il appelle le «communisme des riches») : on donne spontanément sans exiger de retour immédiat à des proches avec lesquels on est socialement lié à vie. Les dettes hiérarchiques sont très proches des précédentes : elles apparaissent lorsqu'un supérieur rend à un subalterne un service trop important pour pouvoir jamais être remboursé, mais qui va placer ce dernier dans une situation de clientèle ou de féodalité à vie. Graeber a cette phrase : «nous sommes tous des communistes avec nos amis et des féodaux avec nos enfants». Ces types de dettes s'inscrivent dans le cadre de "relations de communauté", comme l'expliquent les sociologues.

Les dettes d'échange au contraire, sont celles qui correspondent au modèle d'Adam Smith et de Mandeville : elles ne sont contractées que sur des marchés, entre personnes éloignées, de préférence étrangères, dans des relations impersonnelles masquées sous la forme d'une politesse de façade. Si ces dettes commerciales obéissent à l'égoïsme le plus strict et autorisent la pratique de l'intérêt, elles ne participent traditionnellement pas aux grandes décisions économiques, telles que le choix des associés (qui passe par le «communisme des riches») ou des salariés (qui passe encore dans les petites entreprises par des relations féodales ou de clientèle). Pour Graeber, toute volonté d'étendre le champ des relations anonymes de marché à ces domaines, se traduira nécessairement par une baisse de la confiance, laquelle sera compensée par le recours à l'intérêt, à l'astreinte, à l'impôt ou à toute autre forme de menace systématisée comme moyen d'inciter les contreparties à respecter leurs engagements.

Graeber montre incidemment que la mondialisation ne passe pas par l'assimilation des étrangers à des compatriotes, mais à l'assimilation des compatriotes à des étrangers : et ce grâce à l'utilisation systématique du taux d'intérêt et d'autres mécanismes "incitatifs".

4. Taux d'intérêt et impôts, jusqu'où ?

Les conclusions de Graeber peuvent nourrir de nombreux débats, tant le recours à l'intérêt et à des incentives artificiels a envahi nos vies :

Débâts moraux : l'intérêt est-il toujours moral ? l'intérêt est il nécessairement obligatoire "par principe" ; par exemple les prêts d'amis ou entre époux ? Le coût d'opportunité et le préjudice moral doivent-ils nécessairement être rémunérés par un taux d'intérêt ?

Débats monétaires : la politique monétaire doit-elle être fondée sur les taux d'intérêts ? Oui, si on veut s'endetter à l'étranger. Non si on veut ajuster au mieux la quantité de monnaie aux besoins d'investissement. La croissance économique a-t -elle besoin du stimulus du taux d'intérêt ? Oui, si on pense aux Etats-Unis ; non, si on pense aux trente glorieuses ou à de nombreux modèles autofinancés ?

Débats financiers : le taux d'intérêt, gage du multiplicateur de crédit et des pyramides de Ponzi a fait de nombreux petits dans la finance moderne : les dérivés initialement utilisés comme contrats d'assurances et réutilisés à des fins spéculatives avec des effets multiplicateurs disproportionnés ; les activités de collatéralisation où des titres sont dupliqués avant d'être remis en garantie, la négociation à haute fréquence et la vente à découvert. Derrière toutes ces pratiques on trouve la même justification commune au taux d'intérêt et – je trouve un peu faiblarde – selon laquelle ces multiples transactions sans fondement réel contribuent à établir le meilleur prix (price finding) pour n'importe quel bien.

Débats de gestion : Les entreprises doivent elles systématiquement valoriser leurs actifs en mark to market  pour faciliter l'arbitrage entre un investissement industriel et un investissement financier ? Quelle différence entre les actions, rémunérées sur un pourcentage des bénéfices et les obligations et autres produits de dette rémunérés par l'intérêt ? Le développement de la "corporate governance" n'a-t-il pas perverti l'actionnariat en l'amenant à exiger des rendements minimums comparables à l'intérêt ?

Débats de société : la mise en place de systèmes de "notations" (professionnelle, consumériste, ludique, relationnelle) visant à mettre les individus en concurrence comme s'ils vivaient en permanence sur un marché ne rappelle-t-elle pas la pratique de l'intérêt, en incitant leurs victimes à mal noter les autres ?

Débat fiscal : Même l'Etat promeut des mécanismes à la fois aussi incitatifs et spoliateurs que l'intérêt ? Les taxes "Pigou" négociables sur des marchés sont-elles aussi vertueuses qu'on le prétend ? Il y a forcément quelqu'un qui paye au bout du compte. L'impôt n'a-t-il pas lui aussi une dimension usuraire ? N'incite-t-il pas les riches sur-taxés à se comporter plus durement avec les pauvres non taxés ?

IL y a beaucoup de questions contradictoires dans le livre de Graeber. D'un côté l'intérêt, de l'autre l'impôt. Pour Graeber, «Marché et Etat sont les deux flancs du même animal». Sans le suivre dans sa démarche anarchiste, il convient de noter que l'Histoire et la pratique montrent de nombreux exemples de remises de dettes : du jubilée biblique aux dévaluations forcées, du chapitre 7 américain à l'aléa moral anglo-saxon. Mais ce n'est pas la tendance toute récemment esquissée par le mécanisme de résolution unique (MSU) mis en place par la Commission qui cherche à tout prix à montrer au reste du monde que, suivant le précepte de Luther, l'Europe, ses épargnants, ses producteurs et ses contribuables, paieront leurs dettes jusqu'au dernier sou et ... au meilleur cours.

 

NOTES DE LECTURE

DAVID GRAEBER : DETTE, 5000 ANS D'HISTOIRE

Elles commencent à la page 79, car au début je n'arrivais pas à comprendre où Graeber veut en venir :

- Le crédit précède la monnaie. Le troc n'a été pratiqué qu'occasionnellement.

- la monnaie objet est une invention des libéraux comme Smith. L'école chartaliste allemande de Knapp a montré en 1907 que toute monnaie est à l'origine une dette et non un bien. Cette thèse a été reprise par Keynes et est d'ailleurs corroborée par l'étymologie commune de Geld et Gilt.

- A la fin des années 1990, théorie de la dette primordiale (Michel Aglietta, Bruno Théret) rattachent l'origine de la monnaie à une initiative publique (financement des armées) et plus généralement collective (dette de tout individu vis à vis de la société cf. p79). Cf. aussi p86 la dette primordiale nie l'individualisme. Très proche de la philosophie positiviste de Comte. Notion de dette à la société.

- toutefois, Graeber n'adhère pas à cette théorie de la dette primordiale tout en reconnaissant qu'elle est d'origine étatique.

Au chapitre 5, Graeber critique l'analyse classique selon laquelle toutes les interactions humaines sont des formes d'échange. Cette thèse classique est utilisée aussi bien par les néo-libéraux partisans de l'homo economicus que par les socialistes ou les structuralistes qui ramènent tout au contrat social. Pour Graeber, il existe trois formes d'interactions humaines:

(1) le communisme ou mutualisme où les interactions ne donnent lieu à aucune dette et qui s'exprime au quotidien entre individus partageant les mêmes règles d'éducation et projetant un avenir commun de longue durée (par exemple tenir une porte qui n'est au mieux payé que d'un merci)

(2) La hiérarchie où les interactions donnent lieu à des dettes non remboursables car non quantifiables : typique est le système féodal où les prêtres prient pour les guerriers qui protègent le tiers état qui produit

(3) l'échange où des individus qui de préférence ne se connaissent pas se rendent uniquement des services quantifiables par un prix et traçable au travers d'une comptabilité monétaire. Toutefois, dans le cas de l'échange, une dette qui n'est pas remboursée peut évoluer vers le régime hiérarchique.

- «Limiter la vie économique à l'échange, c'est effacer la grande majorité des êtres humains qui ne sont pas des adultes de sexe masculin» (Graeber démagogue).

- La monnaie primitive servait à tout sauf à régler des transactions économiques: prix du sang, dot de la mariée, sacrifice, funérailles

- p158 Certaines monnaies primitives avaient surtout une valeur symbolique, tout comme le franc symbolique qui indemnise le dommage moral. Il s'agit d'une dette impossible à payer (NB: est-il possible d'en dire de même des actions ? "dettes impossibles à payer?").

Chapitre 7 (lingots contre crédit)

- p202 et suivantes, développements sur les rapports entre honneur et argent. L'honneur ou "surplus de dignité" est rémunéré en échange du renoncement à la violence physique.

- P222s, lecture de l'histoire de Gilgamesh et d'Enkidu comme le renoncement de l'homme civilisé à l'immortalité. Graeber soutient que les sociétés patriarcales sémitiques n'ont nullement détruit les civilisations urbaines mais se sont constituées à partir de fuyards surendettés qui ont inventé le patriarcat comme une contre-culture. Le même phénomène de patriarcat populiste est apparu en réaction aux transformations commerciales des cités grecques au 6ème siècle.

- Graeber suggère que la monnaie a rendu les esclaves mobiles alors que jusqu' alors ils étaient inféodés dans le servage. La monnaie permet d'acheter n'importe quoi. Elle ne fait aucune différence.

- p245: la notion de propriété absolue sur une chose dérive de l'esclavage.

Chapitre 8 (l'age axial):

- Graeber montre que l'usage de la monnaie métallique tout d'abord sous forme de lingots, puis de pièces est le résultat de la professionnalisation des armées au premier millénaire av JC jusqu'à la moitié du 1er millénaire après JC. Armées d'Etats ou armées de mercenaires vivant en campagnes et à l'étranger inspirant peu de confiance au commerçants. Ainsi l'argent métallique ou fiduciaire n'est pas le propre des périodes de commerce et de calme, mais plutôt celui des guerres et des empires démocratiques nourrissant leurs citoyens au détriment des vaincus qui sont réduits en esclavage de manière massive.

- Peu avant la fin de l'âge axial, le déclin de l'Etat et de la monnaie métallique verra réapparaitre une multitude de mécanismes de crédit sous l'égide des commerçants. Néanmoins ces derniers hériteront de concepts nouveaux tels que le calcul systématique des intérêts et la recherche systématique du profit à court terme. Ainsi la violence de la guerre a engendré l'impersonnalité du marché monétaire (p292). L'âge axial a ainsi vu l'émergence des mathématiques à usage économique. P283 : Plutarque: «[les banquiers] doivent bien rire des physiciens, qui prétendent que rien ne nait du non être, car chez eux, ce qui n'a encore ni être ni existence donne naissance à l'intérêt» in oeuvres morales t XIi-1 in "il ne faut pas s'endettement".

Chapitre 10 sur le Moyen Age :

- Graeber analyse le moyen-âge comme un système pour partie féodal et pour partie mutualiste, constitué autour de monastères tant en Europe, qu'en Inde et en Chine. Ceux-ci allaient concentrer la monnaie métallique recueillie en échange ou en garantie de crédits scripturaux. P325 : plusieurs décrets d'annulations de dettes monacales en Chine motivées par la nécessité de reconstituer la masse monétaire ; l'économie chinoise se retrouvait à cours de métal. P331 : Entre le 11ème et le 17ème siècle, l'Etat chinois a imprimé son propre papier monnaie, garanti par des lingots.

- En terre d'islam, en revanche pas de monastère. L'age axial et la monnaie métallique se maintiennent grâce au maintien d'une armée de métier bien payée. En revanche fort développement du chèque et du commerce, mais sans recours à l'intérêt : mécanisme de la copartition. L'idéologie économique dominante était celle d'adam Smith sans la monnaie: «sur un marché les prix dépendent de la volonté de Dieu». L'exemple de la fabrique d'épingles d'Adam Smith apparait déjà chez Ghazalli qui décrit une fabrique d'aiguilles dans l'Ihya (1058-1111). Emprunts évidents de Smith à Ghazalli. P360 à 372 : Le moyen âge est un âge spirituel avec en Europe le concept de symbole développé par le mystique chrétien Denys l'Aéropagiste et en Chine avec le concept de Fu développé par les taoïstes. Dans les deux cas ils renvoient aux deux moitiés d'un contrat, une convention abstraite d'essence divine. La monnaie scripturale ou papier du moyen âge (comptes des monastères, billets chinois et chèques arabes) présente ce caractère abstrait quasi angélique de même que la notion de corporation, corps abstrait immortel d'où est né le droit des sociétés. A cette époque, même si l'intérêt et l'usure étaient interdits, s'étaient développés toutes sortes de mathématiques financières qui nous paraissent aujourd'hui abusives et fantaisistes. NB : n'en est-il pas de même de certaines théories très influentes comme le "price searching ?".

Chapitre 11 les grands empires (1450-1971) :

- Les grandes découvertes faites de conquêtes, de métal abondant, de matérialisme et d'esclavage pour dettes rétablissent les composantes de l'âge axial mais dans un agencement nouveau. P377 : Graeber soutient que l'or des Amériques, après avoir déclenché l'inflation dans toute l'Europe a fini par atterrir dans les temples d'Inde et chez les marchands chinois qui exportaient épices, coton, porcelaine et soieries. La chine des Ming a tout fait pour récupérer cet or en s'industrialisant à outrance et en augmentant considérablement sa population, alors qu'en Europe, sauf pour une minorité de marchands le niveau de vie s'est effondré, ainsi que l'a clairement expliqué l'économiste Jean Bodin. P386 : Graeber explique comment Cortès, en endettant ses soldats contre des soins et des armes a mis en place un système de cupidité implacable où ces derniers se sont comportés en saigneurs au Mexique. Ce système de dette était manipulé depuis Gênes et était entretenu par des parieurs à fort levier comme Cortès. Charles Quint était lui-même très endetté auprès des mêmes banques.

- L'endettement par l'argent multiplie la violence car il substitue sa morale (payer ses dettes) à toute autre morale. La mise en équation de cette morale au travers de la soit disant règle de maximisation du profit. P392: montre comment Luther puis surtout Calvin se sont laissés corrompre par les princes protestants associés aux banquiers en demandant à leurs ouailles de ne pas s'opposer, voire d'accepter une usure modérée. 420s : Graeber montre que le capitalisme financier précède le capitalisme industriel. Le système de l'intérêt fonctionne comme incitateur de la course aux rendements industriels (il en est de même aujourd'hui en Chine). 421s développements sur le caractère militaire de nombreuses banques comme la Compagnie des Indes. Les premières obligations ont servi à souscrire des emprunts de guerre ou de conquête. La guerre de l'opium a été lancée au XIXème siècle pour récupérer l'or accumulé par la Chine. P427 : Immanuel Wallerstein montre que le servage n'est pas un héritage du moyen âge mais a été introduit au XVIIIème siècle en Pologne et en Russie pour permettre d'approvisionner les villes industrielles occidentales. P431: Smith et Bentham sont des utopistes. Leur modèle concurrentiel de l'intérêt personnel fait très peu référence à la dette et à l'intérêt. P435: le capitalisme est un système qui exalte le parieur comme aucun autre système ne l'a fait. P436s : les bulles apparaissent chaque fois que tout le monde croit que le capitalisme sera éternel. La plupart des théoriciens du capitalisme imaginaient des utopies condition de la pérennité du modèle, mais les pensaient personnellement irréalisables.

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 13:50

Nouveaux doutes sur le fonctionnement du Mécanisme Européen de Stabilité

Johann Ewald Kraemer est l'auteur de "Dans les coulisses de l'euro" parues en 2002 aux éditions Des Syrtes.

Johann Ewald Kraemer (JEK) : interpréter le droit

D'après cet article du Financial Time, il ne resterait plus grand chose de l'accord franco belgo allemand sur le Système de Stabilité Monétaire du 29 juin 2012 aux termes duquel le SSM devait se substituer aux Etats membres dans le repéchage des banques. Bien au contraire, sous la pression des Allemands, la Commission préparerait un papier obligeant les Etats membres à renflouer au maximum les banques (bail-out), c'est à dire d'attendre que ceux-ci affrontent des difficultés de paiements, avant de permettre à l'ESM  (Mécanisme Européen de Stabilité) d'intervenir. La presse allemande déjà au courant de ces manoeuvres présente cette interprétation comme une condition essentielle de la réélection d'Angela Merkel.

Il convient d'ajouter que la décision de la Cour Constitutionnelle allemande du 5 septembre dernier n'a validé l'accord du 29 juin, qu'à la condition que le Parlement allemand soit consulté avant chaque collecte de recette et chaque ordonnancement de dépense par l'ESM. Autant dire que l'on est vraiment très très loin du projet français des eurobonds.

PSJ : la langue est le droit

Il y a quelque chose de révélateur dans cet article du FT, c'est que seuls les anglo-saxons étrangers à la zone euro sont capables d'expliquer ce qu'est l'euro et comment il fonctionne réellement. L'euro que nous connaissons est une rêverie technocratique déconnectée de la réalité économique et de la politique. Nous avons un vrai problème en France : le pouvoir politique n'existe pas face à la technocratie financière...

JEK : asymétrie cognitive

Bien vu. La raison de cette suprématie, n'est pas la compétence technique des anglo-saxons, mais leur maîtrise de la seule langue de travail des institutions européennes, l'anglais. Celle-ci leur permet de mettre en place une veille que les technocrates européens empêtrés dans leurs traductions ne sont eux-mêmes pas capable d'assurer pour leur propre système d'information. Il faut en moyenne trois fois plus de temps à un technocrate "fluent in english" pour comprendre un texte en anglais que pour un "native english". Il en résulte que quelque soit les précautions prises par nos institutions, les anglo-saxons y lisent à livre ouvert. La construction européenne ne pourra progresser dans le sens des intérêts des peuples et des États membres que lorsque on aura abandonné l'utopie du bilinguisme parfait. Cette utopie relève malheureusement d'un péché d'orgueil dont les technocrates européens ont du mal à se départir.

PSJ : le masque de l'euro dénationalisé

En creusant un tout petit peu la problématique de la création monétaire dans le non-système actuel, on découvre que la liquidité appartient à celui qui maîtrise la langue des contrats et des lois dans lesquels sont libellés les transactions. La liquidité de l'euro est gérée en dehors de la zone euro par les anglophones via les institutions pseudo-politiques bruxelloises.

Au point où je suis rendu de mes recherches sur la régulation du crédit et des monnaies, il apparaît ontologiquement impossible de reconstruire la finalité des monnaies au service du développement économique et social sans indexer l'émission monétaire sur la langue des différents acteurs économiques. Le dollar, l'euro et les autres monnaies de réserve internationale vont s'effondrer par l'instabilité du droit applicable sous les transactions "dénationalisées" par la "libre circulation du capital".

Pour parler positivement, les monnaies stables sont celles qui mesurent le droit dans la langue de l'acheteur ; donc les monnaies qui obligent le vendeur à convertir le droit de sa langue de travail en droit de la langue de ses clients ; donc les monnaies qui sont indexées par des systèmes juridiques nationaux ; donc des monnaies qui sont convertibles par des marchés de change public régulés par des traités monétaires internationaux gagés par des réserves de change nationale ; donc des réserves de change qui mesurent la responsabilité financière des pouvoirs politiques nationaux et des autorités monétaires multinationales d'arbitrage.

La technocratie monétaire européenne est bien le pécher d'orgueil des élites européennes contre les peuples européens qu'elles devraient servir.

JEK : Trahison européenne des élites

Je vous suis tout à fait sur le lien entre monnaie et langue. Je me permets de l'étayer ainsi: la monnaie reflète l'ensemble de l'économie d'un pays. La langue, en particulier la langue de travail, est un des outils de production essentiels d'un pays.

S'il fallait tenir un bilan de l'entreprise France, il conviendrait de mettre à l'actif la langue nationale comme actif incorporel, au même titre que les brevets. Si un pays n'utilise plus sa langue de travail, il est obligé de verser en permanence des droits au pays dont il utilise la langue: utiliser une langue étrangère ce n'est pas seulement dépenser plusieurs années d'instruction supplémentaire pour chacun de nos enfants, c'est aussi

modifier l'ensemble de notre documentation juridique, économique et comptable. Il faut pour cela embaucher des professeurs étrangers, recourir à l'expertise des cabinets d'avocats, de conseil et d'audit étrangers, probablement mettre au rebut une grande partie de la population active qui ne parvient pas à s'adapter au changement de langue, en premier lieu les universitaires français.

Autre idée: plus un pays est avancé, plus le coût du changement de sa langue de travail sera important. C'est la raison pour laquelle les ressortissants des anciennes colonies retiennent généralement un bilan positif de l'adoption de la langue de leurs colonisateurs. En revanche lorsqu'un pays avancé se résout à adopter la langue d'un pays concurrent, la perte est maximale. Un exemple: il suffit de se rendre dans une bibliothèque universitaire espagnole (Computense par ex) pour découvrir qu'aucun ouvrage d'économie ou de gestion n'est produit en espagnol depuis 1990. Tous sont des traductions d'auteurs anglais ou des productions de la toute dernière génération d'économistes espagnols formée outre atlantique. C'est également le cas à un moindre degré de l'Italie où l'université Boconni d'où sont sortis Monti et Draghi est devenue un fer de lance de la pensée globale.

PSJ : Langue et spéculation financière

J'approuve totalement votre analyse et en infère l'approfondissement suivant. Les langues latines sont plus riches que l'anglais et l'allemand pour exprimer toutes les positions de subjectivité dans le temps, l'espace et l'interrelation personnelle. Il en résulte que les transactions négociées en langues latines contiennent une sûreté assurantielle humaine que l'anglais et l'allemand ne fabriquent pas.

Ainsi la monnaie européenne unique crée une asymétrie morale au bénéfice des anglophones et germanophones contre les "latins". Les latins s'obligent à assumer un risque de crédit que les anglo-saxons sont incapables de percevoir et de mesurer. La spéculation financière y trouve un gisement infini de plus-values réglementaires et fiscales prélevées directement sur la production réelle de biens et de services.

Le système monétaire et financier actuel est fondé sur l'usure. Sans un contrôle juridique des flux de capitaux entre zones linguistiques distinguées à l'intérieur des zones de coopération monétaire, l'économie financière va broyer l'économie réelle par dissolution morale de toute raison du vivre ensemble. C'est la possibilité-même d'un monde civilisé qui est actuellement en jeu. Et çà se joue au cœur de l'Europe développée entre la Belgique, l'Italie, l'Espagne et la France.

JEK : Art anglo-saxon de la position rhétorique

Plus que dans le vocabulaire et la syntaxe anglaise, je pense qu'il faut rechercher la supériorité actuelle des anglophones dans l'éducation rhétorique. L'éducation rhétorique, véritable arme de guerre, nécessite tout d'abord de bien savoir identifier l'ennemi. Or chez les anglophones, le langage économique, qui est un langage de décision interne est un langage volontairement clair, tandis que le langage juridique, qui est un langage de négociation, est un langage volontairement abscons.

Le langage économique est un langage destiné à la prise de décision interne : De ce fait aux EU, au RU, on enseigne à la fac d'économie et de gestion le culte des phrases courtes, commençant à la forme nominative avec des structures "sujet-verbe-complément" où le verbe joue le rôle prépondérant et est utilisé de manière intransitive. La narration doit toujours être présentée de façon historique afin que même si les conclusions déplaisent au lecteur, celui-ci puisse s'emparer de l'essentiel du texte à ses propres fins. Cela permet en interne d'instituer un dialogue constructif dans lequel les causes et les conséquences sont bien distinguées.

Verticalisme roman

En France, en Italie, le plan à la science po est enseigné à l'establishment afin de bluffer les subalternes, avec son culte du "balancement circonspect" et la "substantivisation" des verbes qui permet au "supérieur" de toujours retomber sur ses pieds et de piéger son collaborateur dans un raisonnement imparable dans lequel il ne distingue plus les causes et les conséquences. Le culte de la clarté laconique à l'intérieur des entreprises anglo-saxones est à mon avis leur principal avantage car il permet de transmettre l'information rapidement à l'intérieur d'un même camp.

En revanche, lorsqu'ils utilisent leur langue dans des négociations externes, les anglo-saxons se font accompagner systémtiquement de juristes. Or la propension anglaise à la casuistique plutôt qu'à la conceptualisation présente l'avantage de faire trainer les négociations au détriment de la partie adverse, ce qui est précisément le but de toute négociation financière de contrat : transférer le risque de crédit ou autre à la partie adverse sans qu'elle s'en rende compte : «If you cannot convince them, then confuse them».

Ainsi, les textes juridiques anglais se distinguent par leur longueur excessive où chaque cas de figure est détaillé et réglementé, décourageant les négociateurs romans habitués à se fonder sur des principes généraux compilés dans des codes et non à suivre des négociations marathon de 48 heures le week end. Dans ce domaine les anglo-saxons sont très forts, répondant aux solutions toutes faites et bien éprouvées des interlocuteurs romans par des questions de détail recalibrées à l'aune de quelque principe général du type "respect de la concurrence" ou "réduction de l'aléa moral".

L'anglais vainqueur de la guerre d'usure

Dans la guerilla d'usure, les anglo-saxons sont passés maîtres, et il n'est pas rare de les retrouver gagnants sur des dossiers où ils se retrouvaient seul contre tous. La recherche de la confusion chez l'adversaire extérieur s'est poursuivie au travers de la permanente reconstruction du vocabulaire anglais qui s'effectue à Londres et New-York. Une mode des années 80 consiste à remplacer le vocabulaire d'origine romane par des postpositions (verbe + on, off, out, in, over, etc) qui donne à la novlangue anglaise un caractère à la fois figuré pour des natives speakers et intraduisible pour des romans.

Il suffit de comparer un film anglo-saxon des années 60 avec un film anglo-saxon des années 90 pour se rendre compte qu'il s'agit de deux langues différentes. En Angleterre, la génération de Tony Blear a ajouté le "glotal stop", respiration très courte au milieu de chaque mot à deux syllabes, qui transforme l'anglais britannique en une musique techno inaudible pour des locuteurs romans.

En conséquence, au delà des zones linguistico-économiques, que j'apprécie spontanément, je pense qu'il convient d'y superposer des cultures d'entreprise différentes. Chez les romans, la culture d'entreprise est institutionnelle, l'entreprise est une micro-société qui reproduit la société nationale avec sa diversité et ses tensions.

Il faut donc composer avec l'ennemi de l'intérieur en le bluffant, ce qui pose des problèmes de transmission de l'information. Chez les anglo-saxons, la culture d'entreprise est fonctionnelle. L'entreprise n'a qu'un seul but commun à ses employés : défaire l'ennemi de l'extérieur. L'enseignement rhétorique est dans les deux cas adapté à ces deux perceptions de l'entreprise. J'ignore, si cela est directement le fait de la langue. Mais une chose est sûre c'est que la langue est beaucoup plus qu'un vocabulaire et une syntaxe, c'est également une bibliothèque composée de millions d'ouvrages rédigés dans les siècles passés et il est donc impossible de réformer une économie sans prendre en compte les représentations nées d'un tel héritage.

PSJ : La solution de la compensation keynésienne

Cette analyse fine est remarquablement pertinente pour éclairer le contexte de la "guerre" en cours.

S'agissant d'une guerre, elle reproduit l'impasse de la première guerre mondiale en France où les belligérants se connaissent tellement bien qu'ils s'anéantissent réciproquement sans moyen de faire réellement la différence pour abréger les souffrances communes.

La rhétorique est nécessaire mais pas suffisante pour faire la différence. Le problème de la rhétorique est son auto-référencement : elle n'a aucune prise sur les réalités inconnues ou méconnues, objectives et subjectives, qui échappent à l'emprise de ses praticiens. Les anglo-saxons contrôlent si bien les représentations discursives du monde que la discussion est désertée par les contradicteurs qui en nourrissent pourtant les contenus. Ils ont vaincu tous leurs adversaires dans la règle du jeu qu'ils ont imposée ; donc le jeu disparaît faute de joueurs et d'enjeu partageable.

Le triomphe de la rhétorique élimine sa propre matière : les sociétés se désintègrent, les ressources naturelles se perdent et les raisons humaines du vivre ensemble deviennent impensables. La mise en opposition rhétorique des cultures et des intérêts n'a plus d'efficacité autre que de supprimer la possibilité d'entreprendre réellement. L'armistice rhétorique est obligatoire pour négocier une paix dans la réalité du monde inconnu où nous allons.

Vous avez compris que je vois la fin de la guerre idéologique qui nous interdit d'accéder à la réalité par la monnaie et la régulation financière. Les maîtres anglo-saxons de la rhétorique ne peuvent poursuivre leur jeu qu'avec les entrepreneurs romans de la réalité humanisée. Il faut donc que l'euro ne soit plus un artifice rhétorique du dollar, de la livre et du franc suisse ; que l'euro devienne la monnaie du réel face aux monnaies spéculatives en train de tomber dans le vide ontologique.

États réels de juridiction

Dans la maquette numérique de compensation keynésienne des monnaies nationales, il apparaît clairement que la monnaie n'a de réalité qu'appuyée sur des "états réels de juridiction". Un état réel de juridiction est n'importe quelle collectivité humaine formellement constituée sur une même diction du droit de ce qu'elle produit pour elle-même en inter-échange avec d'autres collectivités dans un espace marchand. Un état réel de juridiction est donc concrètement une place financière de marché où la même régulation s'applique à toutes les transactions de sorte que le crédit est assuré entre tous les acteurs enregistrés par l'autorité de compensation.

Dans le système de la compensation totale du prix, de la chose, du droit et de l'autorité, toute personne morale publiquement enregistrée, de l'association locale à l'organisation multinationale, est une autorité de compensation pour les personnes physiques qui y adhèrent formellement. Adhérer par un marché de compensation à une personne morale signifie s'engager à servir les finalités qui sont l'objet de la personne morale dans la garantie de la société de compensation qui l'englobe. Ainsi l'euro peut être instauré dans la réalité par la restauration des monnaies nationales. Lesquelles soient gagées par les monnaies locales compensées dans les marchés autorisés par toutes les sociétés intermédiaires qui font l'économie de la société politique. L'Europe a-t-elle jamais appliqué son principe de subsidiarité ?

 JEK : refonder la BCE

Oui, je vous suis tout à fait. Une zone économique optimale est une zone dans laquelle la compensation est optimale : monnaie, production, circulation des travailleurs, etc. Or tout cela suppose un échange réel des idées dans une langue unique et non un échange formel et rhétorique dans une fausse langue commune. Bien entendu, comme la langue unique ne peut être atteinte sans la disparition des autres langues de l'Union, c'est le concept même de monnaie unique qui est en cause. Une monnaie commune, même imparfaite, est le seul moyen d'ajustement à l'usage institutionnel et commercial de ce sabir imprécis qu'est devenu l'anglais.

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 18:57

Amour et monnaie, debout face aux maîtres du monde

Le désastre de la rhétorique scientiste

Comme tu l'auras constaté dans notre dernière conversation téléphonique, nous ne pouvons plus nous comprendre. Nous ne parvenons plus à partager le sens des paroles que nous échangeons. Même si nous savons en nous-mêmes ce que nous éprouvons l'un pour l'autre de ce que nous sommes frères, il nous est impossible de nous exprimer d'une façon qui ne soit pas scandaleuse pour l'autre. Pour ma part, il m'est impossible d'entendre de ta bouche que je doive travailler comme si ce n'était pas ce que je fais déjà. Nos paroles personnelles nous renvoient à des réalités personnelles incompatibles entre elles du seul fait que nous n'avons pas un sens à partager par une façon commune de parler.

Comme tu me l'as dit, tu perçois que je rejette profondément la réalité du monde dans lequel nous vivons. Ce monde ne me convient absolument pas et pour le moment je me prépare à mourir pour ne pas m'y soumettre. Tu as bien compris que je ne me soumets pas et tu interprètes que je me laisse mourir. Dans ma vision à moi, je suis au contraire en plein combat et je propose à ma façon personnelle comme beaucoup d'autres, des solutions viables, positives et réalistes ; des possibilités de solutions qui permettent véritablement à ceux qui le veulent de ne pas se laisser emporter dans l'euthanasie du genre humain.

L'incompréhension qui se manifeste entre nous est l'expression du suicide où notre civilisation intellectualiste agnostique incroyante nous entraîne. L'intellectualisme religieux, politique et scientifique a construit un écran de complexité théorique sur la réalité humainement sensible. En rédigeant le livre que j'ai publié, puis en m'expliquant sur des blogs dans un langage qui exprime ce que je crois et enfin en le traduisant dans un moteur informatique de calcul des prix des biens humains, j'ai découvert les ressorts génocidaires du matérialisme financier sans esprit. L'intelligence humaine du bien réel vérifiable est délibérément étouffée. Une religion de l'individu tout puissant a été mis en scène par le détournement rhétorique politico-marchand de l'abstraction scientifique.

Le sens du travail vrai

La finalité de l'abstraction à donner du sens à la vie réelle des hommes a été annihilée. Cette religion du mal détruit notre capacité-même à connaître la réalité qui soit à la fois objective, personnelle et collective. Nous sommes dans une réalité fausse. Nous ne pouvons plus accéder à la réalité objective à cause de la subjectivité dissimulée du discours mathématico-juridique abstrait de toute réalité vérifiable par nos sens. L'individu moderne est réduit à un atome de matière sans esprit exilé de toute communion spirituelle dans la subjectivité de l'autre.

La première manifestation de la réalité absorbée dans le discours négatif pseudo-réaliste concerne justement le travail. Le substantif « travail » désigne réellement l'effort humain de transformation de la nature par la conformation de la réalité physique aux biens que nous y recherchons. La spécificité de l'humain est de travailler la réalité par l'intelligence de la liberté en société ; la finalité de la société humaine donne aux individus la capacité de choisir ce qui leur fait du bien dans la vie réelle concrète. Dans notre monde moderne, le travail n'est plus nommé comme acte social spirituel de création réciproque mais comme un fait matériel de simple transformation physique.

Est travail ce qui est verbalement étiqueté tel par les intérêts particuliers qui s'arrogent le pouvoir individuel de s'attribuer les produits du travail. Dans la négation de l'universellement humain par l'abrogation des sociétés politiques, Il n'y a plus de réalité objective du travail. Le travail est réduit au service d'intérêts particuliers qui ne sont pas nécessairement bons pour tout le monde. Le travail n'est que ce que certains ont le droit d'en dire dans la liberté des échanges sans loi ; le travail n'a plus d'existence selon ce que tous ses sujets humains conviennent d'en exprimer. Le travail défini dans le discours des puissants et non dans la réalité humaine universelle supprime la finalité morale du travail ; la réalité du travail n'est plus dans le service de toute humanité.

Mort de l'économie du vrai

Ainsi est-il « naturel » que la volonté de travail d'une partie de l'humanité soit ignorée, que l'offre de travail ne soit pas entièrement rémunérée par les sociétés soit disant de droit et qu'une partie de l'humanité soit exclue de la société des échanges qui donne accès à la réalité commune des biens travaillés. La « crise » que nous voyons est celle du discours qui ne produit plus le travail de la réalité : les dettes sont accumulées dans le discours pendant que ce même discours exclut rationnellement du travail les hommes qui auraient dû s'engager dans ce qu'ils s'étaient promis à eux-mêmes.

L'explicitation du mal qui nous assaille est limpide, pour qui veut comprendre, dans l'allégorie biblique de la tentation de l'homme au paradis. D'abord émerveillé de la création dans laquelle il se trouve, l'homme se met à réfléchir sur son rôle et sa responsabilité. Au lieu de suivre l'invitation du Créateur qui réside en lui à croître et à transformer le monde dans le sens donné de la création, c'est à dire dans la reconnaissance volontaire de la gratuité du don librement reçu, l'homme s'enferme dans son intellection spéculative de ses sensations physiques et se met à nommer les choses tout seul pour se placer individuellement comme cause toute puissante de tout ce qui existe en bien.

La conséquence immédiate de l'intelligence centrée sur l'égo est l'extermination de l'autre. Les autres ne sont plus radicalement autres dans le bien et il faut nier le bien hors de ce qui n'est pas pris dans le raisonnement égoïste sur soi-même. Pourquoi l’égoïsme qui a toujours été devient si destructeur ? Parce que tous les freins naturels au mal ont été supprimés par l'intellectualisme politique, scientifique et technique. L'analyse financière de ce qui advient, c'est à dire l'identification par les prix des finalités concrètement poursuivies dans des faits, montre que la réalité est dissimulée dans le discours politico-marchand afin de distribuer des richesses qui ne sont pas réellement produites.

La raison mortelle

La première étape a été franchie au début de l'ère moderne pour libérer la rationalité de la morale. La philosophie et la science ont déclaré à la fin du Moyen Age que le sens humain de la vie terrestre n'était pas une vraie question. Tout pouvait être exploré et théorisé sans qu'il soit nécessaire d'interroger la finalité humaine des sociétés, des sciences et des techniques. La deuxième étape a été franchie dans la révolution industrielle où certains hommes soit disant plus éclairés que les autres ont été civilement autorisés à transformer leurs concitoyens en automates d'un bien qui ne leur appartenait plus.

La troisième étape a été franchie à la fin du XXème siècle avec la dissolution des sociétés politiques sous couvert de la globalisation et de la numérisation des connaissances. Tout individu est désormais connecté à tous les autres de manière à ce que les plus « malins » soient sûrs d'imposer leur intelligence des choses à la masse inculte. Les sociétés en tant qu'espace concret de mise en commun d'un bien collectif universellement reconnaissable sont méticuleusement broyées par les maîtres de l'intelligence mathématisante. La mathématisation du réel ignore par essence le sujet et la réalité objective.

Hors de tout contexte d'intelligibilité du réel, il n'est plus de science qu'au service d'intérêts spéculatifs ; toute réalité est définie pour les seuls élus de la « sélection naturelle » informatisée. La politique n'est plus que la vocalisation des programmes écrits dans les ordinateurs. Ceux qui s'attardent encore dans le néant de leur réalité personnelle voient bien comment le monde est conduit au suicide. Il suffit simplement d'interdire par la matière physique, de penser le devenir personnel des personnes ; la relation inter-subjective dans les différences de nature est figée dans l'égo de l'individu prétendument savant.

La troisième guerre mondiale

Cette interdiction est parfaitement réalisée dans notre monde globalisé par l'argent, par l'informatique et par la mono-culture de l'anglais. L'argent permet aux bandes mafieuses d'imposer leur hiérarchie des prix à leurs esclaves. L'informatique automatise le raisonnement afin de dissimuler ce à quoi il faut croire pour maîtriser les conclusions. Enfin l'anglais oblige à penser en dehors des liens d'affection qui unissent les hommes dans leur propre langue. Pour posséder les autres, il suffit d'inverser le développement de la personne que l'histoire des hommes avait inventée.

La personne est cette faculté surnaturelle de l'homme à être une société à l'intérieur du moi individuel, à exister par ce qui n'est pas soi et à être toujours plus que ce que la nature donne d'être à l'origine. La personne est le siège de l'Amour qui conduit l'individu à donner la vie au-delà de son corps physique individuel et au-delà de l'intelligence qui l'anime. Notre réalité personnelle nous a été rendue insupportable par la liberté qu'elle nous donne à porter, à comprendre et à diriger le réel. Nous ne désirons plus la condition de notre liberté qui est de nous donner nous-mêmes dans notre réalité.

Ce dont les maîtres du monde veulent aujourd'hui prendre possession, c'est de la finalité du langage humain à produire du sens entre les personnes en relation physique d'échange. Le verbe, celui qui se fait chair, est l'intelligence que la personne a d'elle-même par ses relations avec les autres. Le verbe exprimé dans le langage donne le sens personnel de la vie ; de la vie donnée par les autres différents de soi dans les choses mises en communauté d'intelligence. Le verbe est dans la personne comme la personne est dans le verbe. De cette foi dans la réalité physique commune, la personne et le verbe engendrent la société qui est possibilité de l'Amour créateur entre les Personnes réunies dans la communion du Verbe.

Le Verbe qui anime la chair

Comme tu me l'as toi-même dit, la matière est la réalité palpable de l'Esprit. Sans esprit, le discours de l'intelligence ne voit pas la réalité ; le discours s'échappe de toute réalité intelligible. Or l'Esprit est l'intelligence produite par le Verbe entre les personnes. Pour capter dans leur intelligence « supérieure » le sens de toute réalité objective concrète, les maîtres du monde ont commencé par nier l'esprit dans la matière. De la matière sans esprit, ils ont imposé la notion de l'autre comme individu impersonnel. Entre les individus impersonnels, le verbe est devenu une raison sans amour. Puis la raison a été programmée dans les machines. Ainsi la rationalité impersonnelle peut forcer l'individu inconscient de lui-même à s'autodétruire pour laisser place nette aux maîtres du monde.

Le genre humain ne peut plus exister face aux individus. Le système de l'intelligence sans personne est parfait. Il conduit avec une certitude absolue à sa conclusion mortifère cachée. En toute bonne foi, tu as énoncé cette conclusion sans penser ce qu'elle signifie : il faudrait dis-tu revenir à l'économie de subsistance ; donc il faut éliminer au moins 6 milliards d'humains qui n'ont plus leur place dans le monde régi par une raison non financièrement partageable. L'économie moderne du mal retourne parfaitement l'homme contre lui-même. Les maîtres de la raison du monde mènent la guerre civile mondiale à l'intérieur des consciences pour éliminer toute humanité qui les obligerait à penser la répartition humainement vraie de la matière.

La perfection du système est de contenir toute la rationalité qui le justifie. Tout sujet se plaçant dans le référentiel de la réalité autonome du discours de la responsabilité personnelle passe logiquement pour fou. Tout ce que je viens de dire est, dans l'hypothèse d'immuabilité imposée du système, pure folie d'un marginal qui n'a pas la force de s'inscrire dans la réalité parce qu'il se croit intelligent hors de la raison purement matérielle. Je crois en effet comme toi, hors de toute raison objective et par sympathie pour les vivants qui désirent partager du sens avec moi, que le prix de notre existence est spirituel donc inter-personnel avant de pouvoir être physique.

La raison responsable

Les intellectualistes matérialistes dissimulent leur cupidité dans l'intelligence d'un esprit qui n'a rien à donner. L'invisible est utile à cacher le néant spirituel des intentions. Or la réduction de la réalité au néant se fait par la réalité intellectuelle de la monnaie. Paradoxalement, la crise de la négation du réel révèle que la numérisation monétaire du monde est efficace au-delà de la cupidité ; l’idolâtrie matérialiste ré-introduit l'esprit dans la connaissance du monde. Elle ré-ouvre l'espace de l'esprit dans les matières que le système en effondrement sur lui-même ne peut plus produire.

Le nombre est malgré les maîtres du monde la présence de l'esprit des personnes dans la matière physique. Le fabuleux bénéfice encore invisible de la connaissance humaine globale informatisée est la représentation universalisable de toute réalité. Le discours et l'image numérisés dans une banque de données non physiquement localisées est invulnérable à l'usure du temps et à la falsification du mensonge. Toute société peut s'organiser pour conserver toutes les réalités qu'elle juge bonne à développer. Toute intelligence méprisée par les maîtres du monde peut s'exprimer à la condition qu'une société quelconque l'accueille. La morale peut retrouver la réalité.

Les sociétés interconnectées se retrouvent solidaires à conserver l'expression des personnes sans jugement a priori de la bonté ou de la malignité de leurs productions. Il ne manque plus actuellement qu'une seule étape pour assurer le bien possible des personnes par la réalité numérique : que les personnes physiques se portent garantes de la transformation du matériel universel en biens particuliers pour chaque personne. Le moteur informatique de prix que j'ai développé réalise la virtualité de l'assurance des objets numériques par le travail des personnes.

Intelligence morale numérique

Tout travail est nommé par du texte courant. Tout objet numérisé est relié à la codification de la personne physique qui « vend » le bien en le travaillant ; le même objet est numériquement attribué aux personnes qui « achètent » le bien en promettant d'en payer solidairement tout le prix. Le principe ancien de la compensation financière est réhabilité dans la transparence des paroles et des actes engagés. Le prix complet d'un bien est numériquement garanti par la décomposition de tout objet en autant d'objets vendus et achetés que la société de marché juge nécessaire de promettre pour assurer le bien.

L'assurance de tout bien moral implique que tout objet matériel produise un bien délibérément positif sur ce que tout vendeur produit et sur ce que tout acheteur cède par le paiement du prix. Le bien est réellement calculé par l'équilibre marchand du prix rendu transparent de l'offre et de la demande. Le marché totalement numérique rend l'objectivité infalsifiable. Les échanges sont réels par le dépôt en texte et en nombre de toutes les causes de bien dans la loi. Les objets réels de la loi sont vendus et achetés dans le travail réel vérifiable des personnes physiques. La vérité du bien produit par le travail des personnes n'est plus alors une hypothèse intellectuelle disjointe de la réalité visible mais une hypothèse morale transformable dans le paiement public du prix.

Le paiement du prix éteint la dette en droit. Le paiement est transformé par le travail moral de tout acheteur qui doit dire le bien objectif de ce qu'il achète avant de pouvoir être livré de la réalité matérielle en nature ou en monnaie. Avant de pouvoir exister physiquement, l'objet du bien passe par une définition financière numérique publique. Cette définition est librement achetée par ceux qui croient aux biens qu'elle produira ; elle est achetée à ceux qui vendent leur travail de production mais aussi à ceux qui vendent le prix qu'ils jugent moralement trop élevé par rapport à la réalité future vraiment possible du bien anticipé.

Comptabilité d'Amour

La finance et la monnaie peuvent exister dans la vérité. Le marché numérique sépare le discours de la réalité par la personne qui travaille et par le prix qui paie la discussion effective des biens. En intégrant la réalité dans la parole humaine effectivement pensée, le moteur de compensation numérique des prix installe les personnes dans le travail réel des biens. La relation de prix instaure l'économie de l'Amour dans le don réciproque du travail des personnes. Quand quelqu'un achète dans la compensation numérique, il paie en monnaie de parole l'assurance du prix en bien de toutes les personnes qui produisent.

Par le nombre monétaire moralement neutre dans la physique mais bénéfique dans la morale du vrai, l'objet du bien est acheté par trois chemins réciproquement complémentaires :

1 l'acheteur doit promettre son propre travail en paiement du prix du marché ;

2 il doit acheter l'intelligibilité du travail nécessaire à la réalité du prix ;

3 il doit répondre par la vente réelle d'un quelconque bien propre à la demande du marché.

Le bien n'est plus le produit d'un jugement individuel subjectif mais le fruit d'un partage collectif des conditions matérielles d'existence de la personne physique. L'auteur de la réalité du bien est une intelligence personnelle vivante. La compensation numérique remet à l'endroit la réalité inversée dans la cupidité financière et l'angélisme scientifique. Le prix réel redevient une obligation de société vraie avec celui qui s'oblige à prouver par son travail le bien qu'il propose.

Le moteur de marché n'est pas un concept spéculatif mais une réalité visible sur l'écran d'un ordinateur programmé par un algorithme simple. L'effet visible de la fonction numérique de calcul des prix est de limiter les dettes comptabilisées en monnaie au crédit des vendeurs et au débit des acheteurs. La limite se matérialise par la loi numérisée décrite en objets réalisables et garantis par des personnes numériquement identifiées. Le moteur numérique de marché indexe le crédit de la monnaie sur les prix objectivement engagés dans la réalité de l'Amour.

Sommes-nous vraiment bêtes ?

Ceux qui sont enfermés dans la contemplation de leur intellect, dans la certitude de ce qu'ils croient sans faire ou dans la spéculation par les nombres se condamnent à éradiquer la vie de l'Esprit pour posséder le monde. Mais ceux qui vivent de l'Esprit sont obligés de choisir : se soumettre au catéchisme mortifère du rationalisme individuel ou prendre le risque du travail au prix du service d'autrui. Pour les uns comme pour les autres, la guerre fait et fera beaucoup de morts : les premiers se suicident en négation rationnelle d'eux-mêmes et les seconds mourront d'indécision entre le rêve facile et la réalité incroyable.

J'espère que nous survivrons tous les deux mais je ne peux pas en être sûr ; les humains restent libres de faire les bêtes pour ne pas être des personnes. Être dans la réalité revient à admettre qu'on dépend des autres. Je peux penser, dire et faire ce que je crois bien ; si les autres me disent le contraire, alors je suis objectivement dans le mal. En vérité, je suis ce que les autres disent que je suis. J'ai donc un long chemin à parcourir pour revenir dans la vie ; un chemin qu'on peut me raccourcir ou me rallonger...

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 16:39

De l'empire de la valeur aux conditions monétaires de la démocratie

Dans l'introduction de son ouvrage l'Empire de la valeur, André Orléan questionne le paradigme de la science économique : la rationalité des acteurs du prix et le cadre du marché effectuant cette rationalité est-elle l'efficience des théories économiques ? L'actuelle crise de rationalité de l'économie marque la déconfiture de l'hypothèse de la valeur qui soutend, depuis l'origine de l'étude réputée scientifique de l'économie, la rationalité du prix et du calcul du prix. Que la valeur cause du prix soit expliquée par le travail ou par un rapport d'échange établi par le marché, la rationalité par la valeur est mise en défaut dans l'actuelle crise du système économique. La théorie économique de la détermination des prix par le coût du travail ou par la valeur fondamentale des biens échangés se révèle impuissante à expliquer les fortes variations de prix et la baisse de valeur des échanges.

Ni le prix du travail, que la globalisation a rendu concurrentiel et ajustable, ni la valeur fondamentale des actifs, biens et services échangés, variables sur la longue durée mais pas dans l'instantanéité des marchés, ne peuvent être invoqués comme cause de la variabilité des prix financiers et de l'instabilité financière. André Orléan pose donc que le cadre de négociation des prix et les objets définis des prix ne sont pas les seules causes du prix. La négociation-même du prix entre les acteurs de la négociation indépendamment du cadre et de l'objet doit être analysée pour exhumer une rationalité des variations constatées.

Le postulat de la valeur dont la qualité et les variations ne sont pas mesurables en relation avec les variations de prix entre les acteurs économiques est objectivement inefficace. André Orléan propose par conséquent d'inspecter la substance du prix au-delà du travail et de l'utilité des biens : il voit la monnaie. La monnaie n'est pas seulement la rémunération du travail dans la valeur ou la mesure de l'utilité sous-jacente à la valeur échangée. La monnaie est recherchée pour elle-même davantage que comme contrepartie du travail ou de l'utilité. Cette affirmation induit une vision totalement renouvelée de l'économie qui ne peut plus être réelle sans être financière. Mais la finance est-elle alors toute la finalité ou toute l'origine de l'économie ?

La monnaie est bien une substance marchande sui generis a soi seule capable d'expliquer la variation des prix indépendamment de l'utilité et de la valeur "fondamentale". Orléan affirme que « les interactions marchandes peuvent produire d’elles-mêmes leurs propres médiations, sans qu’il soit nécessaire de mobiliser un principe qui leur soit extérieur ». Je souscris à cette thèse et propose sur le Blog de Paul Jorion l'analyse axiomatique de la médiation marchande qui conduit à une théorie de la monnaie "méta-stable".

Si la monnaie suffit à faire varier le prix indépendamment du travail nécessaire à l'objet du prix et indépendamment du besoin de l'objet produit et négocié, alors la théorie du prix par la monnaie a une valeur explicative complète si la monnaie rationalise également la relation entre le travail et le besoin-utilité ainsi que la relation entre le travail et le prix et la relation entre l'utilité et le prix. La monnaie est facteur de stabilité de l'économie des prix si la monnaie est méta-stabilité de la science économique. Si la méta-stabilité monétaire de l'économie est vérifiée, alors la monnaie est l'explication des prix, de la variation des prix par le travail et par l'utilité marchande mais aussi de la variabilité de l'équilibre économique des prix par la rationalité monétaire.

J'appuie la méta-stabilité monétaire du marché sur la théorème aristotélicien de la démocratie qui fournit une relation d'équilibre virtuellement stable de coopération des individus dans la collectivité par une délibération de la loi. La virtualité de la loi démocratique est de former les prix de la matière dans des finalités possibles négociables. La loi de la démocratie est une rationalité active que la monnaie enforce dans les limites de la matérialité physique.

La démocratie aristotélicienne fournit une armature au marché par laquelle toute transaction est une option libre entre un acheteur, un vendeur, un garant et un État de légalité ; les matières de l'option sont les choix subjectifs, la loi commune, le prix et le crédit entre les sujets du prix. Le principe "limite" de la démocratie introduit en économie l'extériorité du sujet dans l'objet prix que matérialise la monnaie. La monnaie se pose alors comme l'objectivité politique de l'économie qui n'a donc rien d'une science physique mais constitue la texture mathématique des sciences morales.

La monnaie définie par le marché ET par la démocratie me conduit à la proposition d'une systémique monétaire synthétisant l'économie marginaliste classique, l'économie dirigée keynésienne et l'économie physiocratique du travail et de la production réelle. Cette systémique produit par elle-même la définition de la monnaie comme prime de toutes les options négociables à l'intérieur d'un marché dédié à la satisfaction en acte de tous ses acteurs subjectifs.

Si la monnaie méta-stable est un moteur de rationalité économique et non l'élément manquant de la téléologie économique, alors il est possible que le paradigme alternatif de la science économique étudié par Orléan dans l'empire de la valeur existe bien. Si la critique scientifique ne parvient pas à invalider la logique de méta-stabilité monétaire de la démocratie, il faudra que la dictature des marchés consente à son expérimentation opérationnelle. Le seul risque que la démocratie monétaire comporte est la remise en cause des privilèges d'opacité financière dont le coût est devenu tellement exorbitant qu'il détruit la matière des privilèges avec l'ensemble de l'activité économique.

« Le désir de monnaie, et non la quête de biens utiles, est la force qui donne vie à toute la mécanique marchande ; il en constitue l’énergie originelle. Il découle de cette analyse un cadre d’intelligibilité qui pense l’activité marchande dans sa radicale autonomie, sans l’assujettir dès l’origine à l’utilité ou à toute autre finalité. L’échange suit une logique sui generis.. ». En introduisant par la monnaie le désir en économie, Orléan nous offre un cadre de théorisation tout à fait novateur des phénomènes économiques déformés par la cupidité, c'est à dire par le désir sans finalité. L'empire de la valeur est-il une recherche de la démocratie monétaire ?

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 12:49

Le signe monétaire marqué par le temps

Principe de l'intérêt négatif sur la liquidité monétaire

Johannes Finckh est l'auteur de travaux de recherche sur le « signe monétaire marqué par le temps (SMT ou MMT dans la suite de ce billet pour monnaie marquée par le temps) ». Le concept de SMT est tiré de l'oeuvre de Silvio Gesell qui inspirera la théorie keynésienne de la monnaie. Gesell avait préconisé dès 1916 de forcer la liquidité des encaisses monétaires par un intérêt négatif sur les dépôts bancaires et la monnaie fiduciaire, pièces et billets en circulation. L'intérêt négatif crée une incitation économique à l'utilisation rapide des encaisses afin qu'une même masse monétaire produise davantage de transactions et de croissance de la valeur ajoutée.

Keynes reprendra le principe de l'intérêt négatif sur les créanciers de l'économie par la préconisation d'une intervention de l'État dans les mécanismes bancaires d'émission de la monnaie. Dans la théorie keynésienne, la politique monétaire publique produit un intérêt négatif sur les détenteurs d'avoirs liquides par trois canaux d'efficience :

  1. le déficit du budget public oblige les banques et les épargnants à financer l'augmentation des dépenses publiques stimulant l'investissement et la production

  2. la masse des crédits en cours inscrits dans les comptes bancaires augmente les anticipations de production économique par une demande publique indépendante de la demande privée

  3. une encaisse publique se constitue en concurrence avec les avoirs monétaires privés pour stimuler la dépense globale au-dessus de la dépense privée bridée par une épargne monétaire excessive («euthanasie des rentiers» par augmentation forcée de la masse monétaire)

L'intérêt négatif du SMT s'applique à toutes les liquidités monétaires scripturales ou fiduciaires ; il est proportionnel au temps comme l'intérêt positif sur les dettes mais indépendant de l'origine des fonds, salaires, marges sur vente ou rémunération d'investissements. Dans la réalité économique actuelle où les politiques monétaires recherchent la stabilité du pouvoir d'achat du signe monétaire unitaire, les frais bancaires et la fiscalité font office d'intérêt négatif sur l'épargne monétaire. Mais cet intérêt n'est pas au sens strict proportionnel au temps ; il est déterminé par l'origine des fonds et par la situation économique et le niveau de revenu du déposant.

Abolir la rente spéculative

La finalité actuelle de l'intérêt négatif prélevé par la fiscalité n'est donc pas la vitesse de circulation de la monnaie mais la redistribution des revenus et le financement de la consommation et de l'investissement public. Dans la proposition de Johannes Finckh, l'intérêt négatif revient à une taxation de la liquidité du capital financier ; c'est à dire du capital conservé en monnaie qui n'est ni prêté, ni investi mais conservé liquide à des fins de spéculation sur la variabilité des prix indépendante de l'offre et de la demande réellement exprimées des biens et services produits ou à produire.

Dans la crise financière et monétaire actuelle, le SMT est une solution potentielle à trois ruptures systémiques :

  1. l'effacement des États de droit par l'évasion fiscale non maîtrisable issue de la libre circulation monétaire du capital

  2. la fuite de la liquidité de l'économie réelle dans l'économie financière spéculative métaphysique

  3. l'explosion des pertes systémiques de liquidité empruntée disproportionnée à la liquidité réellement prêtée issue des engagements effectifs de production réelle

La convertibilité des monnaies d'une zone monétaire à l'autre est totalement prise en charge par des opérateurs privés ; ces opérateurs pratiquent le secret face à la puissance publique susceptible de réclamer des taxes en vérifiant la destination légale des mouvements de fonds. Les États financés par les crédits directs ou indirects des banques centrales sont donc asphyxiés par des taux d'intérêt réels réclamés par les épargnants défiant des débiteurs. Les dettes publiques apparaissent radicalement disproportionnées aux ressources fiscales limitées qui rembourseront des crédits en croissance illimitée.

L'intérêt négatif du SMT est donc le moyen :

  1. de rééquilibrer les comptes publics par une ressource prélevée sur le capital monétaire spéculatif

  2. de faire exister le prix de la stabilité systémique sur les acteurs économiques accumulant des avoirs monétaires

  3. de racheter par le système monétaire les déséquilibres que les acteurs économiques peuvent ignorer entre leurs investissements et leur épargne réelle

Une monnaie express sans sortie de l'euro (Johannes Finckh)

La mise en oeuvre du SMT impose pratiquement la délimitation d'un espace numérique par un espace physique en dehors duquel le SMT n'a aucune valeur. L'espace physique d'échange définit l'espace virtuel de la loi appliquée par les acteurs économiques pour attribuer une valeur positive à ce qu'ils s'autorisent légalement à négocier. L'utilisation du SMT requiert un espace juridique numérisé où la libre circulation du capital est concrètement subordonnée à la légalité vérifiable de son emploi ; donc au prélèvement de l'intérêt par la collectivité publique de marché chargée de vérifier la légalité des paiements en SMT. L'intérêt négatif finance la régulation financière par le fonctionnement-même du marché. La régulation financière devient un élément de la politique économique de régulation de la croissance par l'autorité publique.

Johannes Finckh illustre la mise en oeuvre du SMT en solution de la crise de liquidité de la zone euro à partir de l'expérience du Chiemgauer initiée en Bavière. Dans « une monnaie express sans sortie de l'euro », le SMT est proposé aux pays membres de la zone euro soumis à des restrictions d'emprunt auprès du marché financier et de la BCE. La proposition revient à restaurer des monnaies nationales ou locales exclusivement convertibles en euro. Le prélèvement d'un intérêt sur les détenteur des nouvelles monnaies est complété d'une prime de change réglée par les importateurs de liquidité en euro dans les systèmes de paiement locaux.

La prime de change de conversion de l'euro en SMT est versée dans la réserve collective du système de paiement. L'autorité publique de régulation du marché SMT qui peut être une filiale de la banque centrale nationale constitue une réserve de change en SMT pour assurer la convertibilité en euro. La liquidité et la solvabilité extérieures des nouveaux systèmes de paiement SMT sont donc explicitement garantis par un capital systémique alimenté par la collectivité des exportateurs en SMT dont la production est financée par des échanges en SMT.

Discussion du fonctionnement économique et technique du SMT en résolution de la crise de la zone euro

PSJ

Nos amis bavarois expérimentent donc avec succès un SMT. Je suis personnellement arrivé à la conclusion que l’intérêt négatif est nécessaire et pertinent comme prix collectif de l’asservissement de la monnaie à sa finalité d’échange et de liquidité du temps. Je constate que l’intérêt négatif est bien prélevé dans le système actuel mais pas par la puissance publique. L’intérêt négatif est prélevé par les banques et inscrit comme créances sur les États détenues à partir des paradis fiscaux pour les obliger à forcer un partage de la valeur ajoutée en faveur des rentiers et des spéculateurs. Pour que l’intérêt négatif soit efficace, il doit être prélevé par les États et les collectivités locales qui soient effectivement contrôlés par la démocratie comme cela peut être le cas dans les expériences de Sociétés d'Echange Local (SEL). Et l’intérêt négatif doit opérer une redistribution des revenus au bénéfice des plus faibles et des salariés en rapport d’asymétrie avec leurs employeurs sur le marché du travail.

JF

En effet, l'"intérêt négatif", comme vous l'écrivez, est destiné à neutraliser la dite rente du capital. Cela part du constat que fait Gesell et qui est repris par Keynes (il a copié sur Gesell et Wicksell notamment, sans vraiment le reconnaître) sur la prime de (renonciation à la) liquidité.

Pour Gesell, la monnaie telle qu'elle est, est le capital originel comme tel, et tout le régime capitaliste en découle nécessairement. En suivant son analyse, il n'est pas tenable que la monnaie puisse ainsi devenir d'emblé un système rentier du temps comme tel.

En langage "lacanien", je dirais que la monnaie "ex-siste" au temps, et l'exclusion (ou la forclusion) du temps, s'ajoute donc à la monnaie comme venant de l'extérieur sous forme d'intérêt monétaire net qui impose sa marque à la totalité de ce qui se présente alors comme "capital".

Tous les biens, services et biens d'équipement (sauf, sans doute les terres et le richesses du sous-sol), tout ce qui s'échange contre de la monnaie se fait en devant prendre en compte le temps qui passe et qui dégrade ces choses, alors que la monnaie, le billet tel qu'il est fait, ne comporte pas cette dégradation temporelle. Il en découle donc nécessairement que ceux qui disposent de capital sous forme de liquidités se font payer cet avantage parfaitement rentier.

La monnaie dite fondante (que j'ai rebaptisée signe monétaire marqué par le temps) corrige cette anomalie, ce péché originel de l'ordre monétaire tel que nous le subissons depuis l'invention de la monnaie or et qui n'est pas modifié par le régime de monnaie en papier tel qu'il est.

L'effondrement systémique et les faillites liées aux surendettements sont dès lors inéluctables et interviennent à peu près tous les 50 ans depuis la nuit des temps, avec les destructions massives (crises et guerres) qui vont avec.

La croissance du capital monétaire suit toujours une courbe de croissance exponentielle, le capital monétaire double en moyenne tous les sept à dix ans, quelles que soient les choix politiques, fiscales et budgétaires. Même sans déficit public, cette loi s'applique, et même en cas d'excédents !

Dans ce cas, ce seraient les dettes privées qui augmenteraient davantage. Car qui dit accumulation ou doublement de l'avoir monétaire d'un coté dit aussi, nécessairement, que la dette en face (avec les intérêts dus) augmente d'autant, l'addition des deux (au niveau mondial) est toujours nulle.

Encore une chose : l'intérêt négatif exposé dans la "monnaie express" n'agit pas, selon mon analyse, par la petite recette supplémentaire qu'il engendrerait en tant que "taxe sur la monnaie" ; cet effet est marginal selon mon analyse, car la masse de monnaie dite fondante nécessaire serait assez faible pour opérer les transactions, et 8% d'une masse faible ne serait pas beaucoup. L'effet principal obtenu serait la neutralisation de la rente du capital (les revenus du capital représentent, selon l'analyse de Piketty et de l'INSEE, au moins 25% du revenu national, soit 400 milliards d'euros annuels en France), et cette rente réapparaîtrait au niveau des revenus redistribués dans le travail productif.

La monnaie ainsi "accélérée" obtiendrait, de par les transactions plus nombreuses, des revenus plus élevés pour tous ceux qui travaillent, et les recettes fiscales qui s'attachent à ces revenus du travail équilibreraient rapidement les finances publiques qui pourraient alors se désendetter sans problème.

PSJ

Je constate que nos convergences d’analyse sont très fortes. Je voudrais éclaircir avec vous des points techniques en suspens qui rendraient les MMT irréprochables sur le plan logique de la stabilité :

  1. Comment l’intérêt négatif sur les dépôts de monnaie liquide et sur l’épargne non investie par le système est-il ajusté et dépensé pour favoriser et soutenir la production réelle qui fasse monter le niveau de vie de la population ?

  2. Comment l’accroissement des recettes fiscales procuré par le prélèvement de la prime de liquidité systémique de la monnaie est-il réparti dans le temps entre le financement de la croissance et le désendettement extérieur en euro ?

  3. Subsidiairement à la question 2, comment la parité de conversion de la MMT en monnaie non-MMT est-elle fixée pour que les acteurs du système MMT puissent échanger en dehors du système MMT ?

  4. Comment calculer la quote-part de la prime de liquidité du système MMT qui doit être capitalisée par la banque centrale gestionnaire du système afin de préserver la confiance et l’efficacité du système MMT par rapport au système non-MMT ?

J’ai commencé à aborder ces questions avec Bernard Lietaer (A new money for a new world) qui les met de coté en disant que la MMT doit être inconvertible en monnaie non-MMT. Il me semble que cette position a pour conséquence de différer l’avènement des MMT par la perte trop élevée qu’elle fait subir aux rentiers de l’actuel système. Les rentiers de l’euro qui sont encore très nombreux refuseront les MMT s’ils ne peuvent pas convertir leurs avoirs non-MMT en MMT. A mon avis, le principe MMT est tout à fait compatible avec une indexation des parités MMT-non-MMT sur l’équilibre des échanges financiers à long terme.

Outre que dans le système MMT le passif créditeur est nécessairement égal à tout instant à l’actif débiteur, rien n’empêche d’introduire dans cet équilibre structurel une anticipation des transactions à terme par laquelle on fixe au présent le prix comptabilisé entre une promesse de livraison réelle créditrice et une promesse de paiement débitrice. Il suffit pour cela qu’un tiers à l’acheteur et au vendeur à terme achète la différence de prix entre le terme et le comptant quoiqu’il arrive. Cette différence de prix réelle venant de l’écart toujours possible entre une anticipation juridiquement engagée et sa réalisation effective devient la définition du capital dans le système MMT.

Je crois qu’en introduisant le financement du capital MMT par l’intérêt négatif de la prime de liquidité systémique, on a un système économique totalement efficace progressivement substituable au système non-MMT au fur et à mesure de son effondrement. Pouvons-nous discuter ce point ?

JF

J'essaye de vous répondre:

1. Comment l’intérêt négatif sur les dépôts de monnaie liquide et sur l’épargne non investie par le système est-il ajusté et dépensé pour favoriser et soutenir la production réelle qui fasse monter le niveau de vie de la population ?

Je vais essayer de répondre comme je peux à ces points en tenant compte de notre conversation téléphonique et de l'article de Gelleri & Mayer sur la "monnaie d'État régionale" ou "Régio": l'échange avec Gelleri m'apprenait que la participation des entreprises à l'expérience du "Chiemgauer" nécessitait l'instauration de comptes bancaires en "Régio" (ou appelé "Chiemgauer" dans leur expérience fonctionnant bien depuis 2004 au moins).

Les banques locales acceptaient donc l'ouverture de comptes courants en Chiemgauer donc les dépôts des billets timbrés. Ce faisant, la banque prenait le risque de perdre 2% sur ses encaisses aux quatre dates de timbrage d'actualisation : 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre. Cela l'obligeait logiquement et nécessairement d'appliquer un taux négatif de 8% annuels sur tous les dépôts sur ces comptes, histoire de fonctionner au moins sans perte ! Ce taux annuel négatif est donc appliqué aux montants positifs des comptes courants au jour le jour et débité mensuellement sur ces mêmes comptes.

En conséquence, les entreprises et les particuliers disposant de ce compte doivent donc accepter le principe de "perdre" quelques "chiemgauers" tous les mois comme frais de tenue de compte. Il n'est pas sûr, du reste, que cela soit plus que ce que l'on paye en euros pour un compte courant pour les frais bancaires classiques. mais il est certain que cette perspective n'est pas spécialement excitante.

La banque a, par ailleurs, intérêt et envie de remettre en circulation le plus vite possible les billets chiemgauer en dépôt, histoire de filer le "mistigri" aux usagers de la monnaie liquide... L'usager, aussi bien la banque que le particulier ou l'entreprise, a intérêt à réduire autant que possible ses dépôts courants et ses encaisses liquides. Pour cela, il y a en fait deux solutions :

1) l'usager dépense le plus possible ses liquidités ainsi définies en achetant tous les biens et services et biens d'équipement préférentiellement avec du chiemgauer, et l'observation a prouvé que le chiemgauer opérait près de douze transactions par unité pendant que l'euro n'en opérait que quatre. Cette vitesse de circulation accélérée soutient puissamment la production réelle et favorise, par le biais de davantage de salaires distribués, l'élévation du niveau de vie des usagers du chiemgauer. Cet État de fait compense largement l'impact de l'intérêt négatif. De plus, l'intérêt négatif appliqué à l'unité liquide (sur le CC ou le billet) est d'autant plus faible que la vitesse de circulation est plus élevée, car la quantité circulante en chiemgauer est très modeste, compte tenu de l'intensité de sa circulation et de son fréquent changement de détenteur : 8% d'un volume faible est peu...

2) N'ayant pas forcément l'usage immédiat de ses revenus, la possibilité d'épargne longue d'au moins un an est offerte par la banque. Et la banque n'applique pas d'intérêt négatif sur les comptes d'épargne d'un an et plus. Il faut en convenir, la préservation du montant épargné sans perte constitue une rémunération acceptable dans ce contexte. On peut même imaginer une rémunération positive dans certaines conditions. En effet, cette épargne des uns ne fait sens que parce qu'elle permet à la banque d'allouer des crédits en chiemgauers aux entreprises ou aux particuliers souhaitant faire un achat important sans en avoir les ressources. Il se passe ainsi ce qui se passe toujours : l'argent épargné est dépensé par les emprunteurs, histoire de maintenir la demande effective de biens, services et biens d'équipement au niveau de ce qui est effectivement produit à tout moment. La totalité du marché est ainsi (en théorie) constamment écoulée, et il n'y aura ni invendus ni chômage, tout simplement parce que l'argent ne peut plus dormir sous forme de liquidités thésaurisées.

2. Comment l’accroissement des recettes fiscales procuré par le prélèvement de la prime de liquidité systémique de la monnaie est-il réparti dans le temps entre le financement de la croissance et le désendettement extérieur en euro ?

Une remarque : l'accroissement des "recettes fiscales" lié au prélèvement de la "prime de liquidité systémique" est probablement assez faible et devrait, pour l'essentiel, être utilisé pour financer les frais de gestion bancaire et les frais de fabrication de ces billets. Les éventuels excédents devront être utilisés pour des financements sociaux et culturels, histoire de maintenir constante la quantité de chiemgauers circulants (sinon, elle diminuerait de 8% par an !) L'émetteur du chiemgauer (ou du Régio) qui a déposé la contrevaleur en euros à la banque veillera à ce que la quantité reste identique à ce dépôt.

L'essentiel des recettes fiscales supplémentaires proviennent évidemment, pas de mystère sur ce point pour moi, du fait que les transactions sont plus nombreuses, ce qui génère des recettes de TVA et des recettes liées aux impôts sur le revenu en augmentation, etc..., et ces recettes supplémentaires pourront être affectées au désendettement de deux façons :

1) les recettes accrues en Régios assumeront toujours davantage les dépenses courantes, et les recettes en euros restants pourront être alloués aux remboursement des dettes extérieures en euros.

2) Si les recettes en Régios sont très élevées (c'est une possibilité), le débiteur (en euros) (l'État ou le particulier) qui en reçoit pour son travail ou comme recette fiscale etc. pourra toujours procéder à l'échange de ses Régios en excès contre des euros à la banque pour rembourser sa dette (en acceptant le paiement du frein anti-évasion sous forme de prime de change payée à ses créanciers en euro) : et la banque pourra alors, pour se refinancer, retourner ces Régios à l'État ou aux particuliers contre des euros en payant ce même frein.

L'euro servira donc de plus en plus et d'une façon privilégiée au paiement des dettes extérieures et des "importations" venant du dehors de la zone Régio, par contre, son usage interne reculera. Mais est-ce un problème, dans la mesure où cela favorisera la production locale (les importations se trouveraient "taxées" de 10% : taux de la prime de change de l'euro en régio). Pour ma part, il me semble que ces 10% sont élevés, et il me semble évident que cette mesure ne se justifie qu'au démarrage et devra être ramenée peu à peu à 0%, car le redressement de l'économie locale avec le Régio sera rapide et spectaculaire et ne justifiera plus, après un ou deux ans, ce traitement de faveur. Passons.

Plus avant, les rentrées en euros dans la zone Régio augmenteront néanmoins par le biais de la production locale redressée quand ces producteurs (favorisés) réalisent des recettes d'exportation conséquentes et encaissent des euros, histoire de se désendetter ainsi via les recettes d'exportation. En ayant des recettes en euros, ces ressources s'ajouteront aux recettes en Régios (intérieures) , et l'État pourra alors les reprendre contre des Régios provenant de ses recettes accrues et s'en servir pour se désendetter ! Cela pourra générer des recettes pour les entreprises via le frein anti-évasion que l'État leur versera dans ce cas (en achetant ces euros contre des Régios, il doit ce frein !).

Fondamentalement, le désendettement d'un pays ne peut venir que d'un travail supplémentaire et d'une balance commerciale excédentaire, comme l'article le rappelle aussi.

3. Subsidiairement à la question 2, comment la parité de conversion de la MMT en monnaie non MMT est-elle fixée pour que les acteurs du système MMT puissent échanger en dehors du système MMT ?

La réponse me semble simple : de par la loi, 1 Régio = 1 Euro s'agissant de son pouvoir d'achat ; et le commerçant est tenu d'accepter indifféremment le Régio ou l'euro. Cela n'est pas gênant au quotidien et pour la totalité des transactions internes au pays.

Le frein anti-évasion proposé implique que l'euro vaut 10% de plus que le Régio (9 euros déposés pour 10 Régios émis) pour les échanges extérieurs à la zone. Et un tel taux de conversion fixé officiellement est sans doute le meilleur moyen de limiter la naissance d'un marché noir. Quand des tensions apparaîtront, on pourra toujours charger la banque centrale du pays émettant des Régios d'État de varier à la baisse (ou à la hausse?) ce taux officiel. Là, je pense qu'à terme, cette mesure devra disparaître ; le Régio tiendra rapidement son "rang" sans problèmes" vis-à-vis de l'euro, simplement parce son pouvoir d'achat intérieur dans une zone devenue prospère lui confèrera une vigeur insoupçonnée. Son usage peut se réveler si avantageux que les exportateurs des pays voisins pourraient l'accepter tel quel pour échapper à l'inconvénient de la conversion, car cela leur permet de vendre au même prix que les producteurs de la zone Régio. Et je suis convaincu qu'il envahira peu à peu toute l'Europe et marginalisera l'usage de l'euro ! Mais, c'est encore futuriste...

4. Comment calculer la quote-part de la prime de liquidité du système MMT qui doit être capitalisée par la banque centrale gestionnaire du système afin de préserver la confiance et l’efficacité du système MMT par rapport au système non-MMT ?

J'y ai répondu d'une certaine façon. Brièvement, disons que la faible quantité de MMT nécessaire du fait de la grande disponibilité et de la grande vitesse de circulation de cette monnaie implique que 8% de peu reste très peu. Et ces 8% de recettes (du fait de "fonte") serviront aux frais de gestion pour une bonne partie, et s'il y a des excédents, ceux-ci doivent sans contestation possible être versés en recettes au budget de l'État, car la monnaie existe parce qu'elle génère et organise l'économie sous l'autorité de l'État. Il n'y a aucun besoin de "capitaliser" pour la MMT pour déployer son efficacité.

Il n'est pas possible, du reste de la "capitaliser", du fait de l'impulsion à circuler ! La "capitalisation" (à distinguer ici de l'épargne!) n'est que nocive, déjà maintenant ! La confiance et l'efficacité du système MMT résulte de sa présence permanente ! Les dits "capitalistes" ne voudront pas l'accumuler, c'est évident, mais libre à eux de s'en tenir aux euros et d'obtenir encore des intérêts, s'il trouvent des "clients" pour ça !

Comme nous disions au téléphone, l'Argentine a bien pu se passer du FMI pour s'en sortir !

Pour finir, j'ajoute, qu'à terme, l'impulsion à circuler de 8% me semble sans doute trop forte, et ce taux trop fort pourrait trop "chauffer" la conjoncture, il me semble que 5% pourraient suffire, mais ce sera à la banque centrale de mener au mieux sa politique monétaire, sans doute.

Ai-je répondu?

PSJ

Dans toutes les réponses que vous me faites, vous supposez une adhésion du pouvoir politique au système MMT et une connaissance du bon fonctionnement de la MMT par le pouvoir politique. Or je crois que les pouvoirs politiques de la zone euro communautaire, nationaux et régionaux sont majoritairement indifférents ou opposés à la MMT. Il faut expliquer quel est le rôle de la puissance publique dans le système MMT et quelles sont les politiques qui peuvent être menées par la MMT.

JF

Vous avez malheureusement raison, sans conviction d'une partie au moins des politiques et des économistes influents, les chances de voir un tel projet se réaliser n'existent guère. Si vous pouvez de votre côté obtenir des prises de position et des adhésions à ces idées, j'en serais bien sûr très content ! J'ai beaucoup essayé. Jérôme Blanc connaît bien ces questions, ainsi que Bernard Liétaer que je connais à travers ses publications et qui m'a écrit un mot encourageant il y a quelque temps.

PSJ

La MMT est un système d’échange et de paiement qui doit être géré par un pouvoir bancaire spécifique, lequel doit être gouverné par des lois et des décisions politiques qui règlent l’équilibre juridique des échanges et préservent la stabilité du système ainsi qu’une croissance économique saine et véritable. Si les MMT se développent dans la zone euro, il faudra préciser comment les lois en vigueur par l’euro s’appliquent par les MMT. Comme vous le signalez, l’intérêt négatif sur la liquidité sera modulable : pas trop fort pour éviter une surchauffe des prix ni trop faible pour inciter à l’emploi rapide des liquidités. De plus, si l’intérêt négatif n’est pas une destruction de monnaie réduisant « magiquement » les soldes débiteurs des emprunteurs de monnaie qui dépensent avant d’avoir produit, il faut comme vous le soulignez capitaliser l’intérêt négatif dans une réserve systémique collective. Cette réserve systémique a pour contrepartie, dans la comptabilité des échanges, les débiteurs monétaires du système de qui la collectivité attend des ventes concrètes de bien et services.

JF

Je répète ce que j'ai déjà indiqué dans ma réponse précédente : quand on maintient l'euro comme "couverture" de la MMT (et pourquoi pas, puisqu'il s'agit de respecter le traité !), il suffira aux pouvoir publics de rendre son usage légal et de dépenser toujours prioritairement toute la MMT qui rentre dans ses caisses pour que le système fonctionne très efficacement. Je ne comprend pas l'usage du mot "capitaliser" que vous employez. La MMT n'est jamais "capitalisable", tout au plus pourra être obtenu que les épargnants en Régio pour plus d'un an échappent à l'intérêt négatif, car la MMT ainsi placée servira à générer des crédits bon marché.

Pour ce qui est de la "modulation" de l'intérêt négatif, il faudra charger l'autorité monétaire de s'en occuper, car, effectivement, cet "intérêt négatif" devra être suffisant pour être efficace et sensible, mais pas trop fort pour ne pas provoquer une surchauffe ou une inflation. Les "débiteurs" du système, expliquez-moi mieux cela ! Il me semble que les détenteurs de MMT se présentent comme des demandeurs de biens, services et biens d'équipement sans avoir la possibilité d'obtenir l'avantage lié à l'intérêt monétaire net attaché à l'euro. Cela aura pour effet de ne plus produire la rente du capital en utilisant la MMT.

PSJ

J'emploie le mot "capitaliser" dans le sens de constitution et calcul financier de ce que vous nommez "couverture". La capitalisation est la constitution d'une réserve de couverture. En l'occurrence, dans le système SMT, le capital liquide ainsi constitué n'est pas distribué en propriété à des capitalistes mais conservé comme propriété collective du système sous la responsabilité du régulateur public du marché. Juridiquement, la réserve de capitalisation du système se comptabilise comme les provisions techniques que les assureurs doivent constituer en prévision des sinistres qu'ils auront à dédommager.

Pour stimuler la croissance des échanges, la collectivité systémique qui est donc la puissance publique interne à la MMT doit orienter le réemploi de la réserve systémique dans des investissements, des dépenses et des assurances bénéfiques à l’ensemble de la collectivité. Si la puissance publique MMT est la même que la puissance publique euro, il faut que les actions politiques soient différentiables et convertibles de la MMT à l’euro et réciproquement. Du taux de change MMT-euro dépend par exemple la fiscalité effective pesant sur les transactions, sur la liquidité, sur les crédits et sur le capital garantissant les crédits en MMT.

Le taux de change MMT-euro détermine l’équilibre du marché MMT puisque les biens et services moins chers en euro qu’en MMT seront importés et inversement pour les biens et services moins chers en MMT. Si le taux de change est mal fixé ou si le coût de conversion lié à la « taxe de convertibilité » est trop élevé, il s’instaure un marché noir avec des primes de change cachées non fiscalisables pour les importateurs-exportateurs qui deviennent des spéculateurs.

JF

Vous voyez des choses compliquées, j'ai du mal à suivre. Le mode même d'émission de la MMT fixe la valeur de l'unité du régio comme 1 Régio=1 euro ! Dès lors,tous les détenteurs de régio n'ont qu'une seule chose à faire avec les régios, et ce qu'ils feront, n'en doutons pas ! Acheter ! Il en résulte avant tout un usage moindre de l'euro, ce qui est souhaitable, car l'intérêt à payer et attaché à l'euro diminuera aussi dans ce cas. Je ne me suis pas prononcé (Gelleri non plus!) sur la fiscalité, TVA ou impôts sur le revenu. Il suffit de dire et de rappeler que les impôts sont payables indifféremment en régios ou en euros dans les conditions prévues par les lois.

Quant au "taux de change", à savoir le "frein anti-évasion" proposé par Gelleri et Mayer, il s'agit d'une aide à la production dans la zone (le pays) où le régio sera mis en place. Ce frein favorisera la production nationale et renchérira les importations. Comme le disent les auteurs, ce taux pourrait sans doute varier et baisser, et le taux est à fixer par l'autorité monétaire sans doute. Si ce taux est trop faible, les acteurs convertiront trop, et s'il est trop fort, pas assez. Tant qu'un tel taux officiel existe, je ne vois pas, cependant, la possibilité d'un marché noir. A mon goût, de toute façon, ce taux devrait totalement disparaître dès que les échanges commerciaux retrouvent un équilibre.

PSJ

La parité du régio en euro n'est qu'un aspect du mode d'émission du SMT. En toute logique, si l'euro n'est pas nominalement SMT alors que le régio l'est, il faut que la parité régio-euro varie. La parité de 1 régio pour 1 euro est une parité de lancement de la nouvelle monnaie. Dès le lancement de la nouvelle monnaie, la politique d'émission SMT implique que les parités à terme du régio soient dépréciées par exemple à raison de 1,08 régios pour 1 euro à 1 an si la "fonte" du régio est fixée à 8% l'an. La politique de dévaluation programmée du régio se traduit nécessairement dans la politique de change du régio en euro.

Comme vous le dites, les détenteurs de régio ont un intérêt matériel à acheter et à anticiper leurs achats. Si la parité euro-régio n'est pas dépréciée à terme du coût de la liquidité en régio, alors les détenteurs de régio utilisent la parité à terme officielle de 1 pour 1 pour acheter en euro et pas en régio ce qui à terme leur coûtera moins cher avec un régio qui aura été dévalué par le taux d'intérêt négatif de la liquidité. Concrètement, l'imposition artificielle par la loi d'une parité à terme du régio non dépréciée par rapport au comptant provoque des emprunts massifs de régio par des gens qui n'achètent pas comptant en régio mais convertissent en euro afin d'acheter la dévaluation programmée du régio. C'est ce processus de spéculation financière qui est actuellement à l'oeuvre contre le dollar et l'euro aux dépens de l'économie réelle des États-Unis de la zone euro (carry trade).

Pour que les prix soient transparents et justifient un véritable équilibre entre l’offre et la demande en MMT, il faut un marché des changes à l’intérieur de la MMT. Les importateurs et exportateurs doivent négocier séparément le prix des biens et services et le prix de la liquidité de la MMT en euro. Et il faut des opérateurs de change achetant à l’intérieur du marché MMT les primes de change qui garantissent la parité MMT-euro aux différentes échéances du temps. Un marché des changes public en MMT permet une égalité des droits entre acheteurs et vendeurs, importateurs et exportateurs ; cette égalité devant le risque de liquidité est surveillée par l’autorité financière du marché MMT refinancée par une quote part sur l’intérêt négatif. Le pouvoir politique interne à la MMT doit pouvoir allouer sa quote-part de l’intérêt négatif à l’achat ou à la vente de primes de change pour orienter la parité MMT-euro dans le sens le plus propice à la croissance économique en MMT.

JF

Je rappelle que vous compliquez les choses inutilement ! Il n'y aura qu'un prix, car, pour tous les biens, services et biens d'équipement, il est établi : 1 régio = 1euro ! Il ne faut pas sortir de cela, cela compliquerait le système et reviendrait à une sortie de la zone euro avec un taux de change Régio/euro qui n'a pas lieu d'être. Le régio, dans le système proposé, n'est pas convertible ! C'est en faisant le détour par les biens, services et biens d'équipement que l'acheteur pourra, ensuite, revendre ce qu'il a acheté contre des euros, dollar ou tout ce qu'il veut et s'il trouve quelqu'un qui lui en propose. Sinon, il se contentera des régios avec lesquels il achetera à nouveau et payera ses impôts. Donc : pas de "prix séparés" ! Si un vendeur négocie une vente pour moins d'euros que s'il demande des régios, il prendra le risque de payer moins de choses ensuite et d'y perdre, car, dans tous les cas, l'État prendra un euro ou un régio indifféremment ! L'opérateur de change (la banque) exigera le frein à l'évasion, car il ne peut faire autrement bien sûr, car pour donner des euros, il faudra bien qu'il s'en procure à la banque centrale ou sur le marché financier par exemple !

Le pouvoir politique interne, comme vous l'indiquez, n'a qu'une chose à faire (et le fera bien sûr) : réaffecter la MMT dans ses dépenses courantes.

Il me semble que vous surestimez très largement le volume et l'apport constitués par l'intérêt négatif et le frein à l'évasion : ces deux recettes seront très très faibles et suffiront sans doute juste pour les frais de gestion générés par la MMT et la fabrication de billets spécifiques. Une recette excédentaire éventuelle est, comme je l'avais déjà dit, à affecter en recette (marginale) au budget de l'État et à dépenser en dépenses courantes. La "croissance économique en MMT" viendra essentiellement des recettes fiscales générés (tva, impôts sur les revenus, charges sociale, etc.), car la rente du capital aura disparu et la rapide circulation de la MMT générera des emplois nouveaux !

Je me dois, cependant, de rappeler ici que les échanges en euros diminueront très largement au fur et à mesure que les régios les supplanteront, et les recettes fiscales en euros vont substantiellement baisser, et elles ne remonteront que si le commerce extérieur se rééquilibre, car il y aura alors des entrées d'euros nouveaux qui pourront arriver dans les caisses de l'État si les exportateurs les utilisent pour payer les impôts et les taxes dus.

PSJ

Si la puissance publique de la MMT est l’expression d’un État de droit dédié à la justice, elle ne peut pas se passer de « marchandiser » la liquidité, c'est-à-dire de favoriser l’expression libre d’une offre et d’une demande de liquidité selon la loi collective publique. Le taux d’intérêt négatif sur les dépôts en MMT doit être le prix d’équilibre entre l’offre et la demande de liquidité. L’élection du gouvernement de la MMT détermine une politique de liquidité dont les deux volets principaux sont le change MMT-euro et la fiscalité qui finance les investissements, les services publics et la solidarité en MMT. La politique publique de change est confrontée aux anticipations de marché sur la balance commerciale et la balance des capitaux en MMT. La politique publique de change contient une taxation des entrées de capitaux qui finance la sûreté juridique des investissements et une taxation des sorties qui assure la sécurité juridique de l’exportateur financier MMT.

JF

Je ne vous suis pas!

L'entrée des euros ne sera aucunement taxée, car l'euro reste la monnaie légale ! Tous l'accepteront ! L'euro pourra et sera utilisé directement par tous ceux qui en ont, pour acheter ce qu'ils veulent. Si une banque veut les échanger contre des régios, elle aura un régio pour un euro ! Ce serait la loi !

C'est seulement le contraire qui serait couteux : l'importateur qui devra payer son fournisseur extérieur devra donner 10% de régios en plus (frein à l'évasion), histoire de favoriser (temporairement selon ma perception) le marché intérieur et la production intérieure.

Le gouvernement légitime (comme toujours) fixe ses programmes d'investissements, bien sûr, et il les financera indifféremment en euros ou en régios, toujours selon la règle 1 régio = 1 euro.

Les anticipations, je ne sais pas trop ce que c'est dans ce système! Si on constate que le commerce extérieur s'équilibre plus ou moins vite, il me semble nécessaire, voir urgent, de diminuer le frein à l'évasion, ou même le supprimer totalement.

PSJ

Johannes, la loi n'est pas seulement un fait établi une fois pour toutes. C'est aussi une décision renouvelée à chaque instant des acteurs économiques. Et le sens des décisions économiques va toujours vers le moindre coût et la plus grosse marge entre l'achat et la vente de tout objet. La décision économique intègre à chaque instant le prix des dépenses publiques nécessaires pour que chaque acteur applique la loi conformément à son intérêt rationnel. La rationalité économique de l'échange dans l'espace ouvert de la zone euro admettant des régios nationaux ou locaux ne peut pas ne pas inscrire le calcul des prix dans le temps en incluant :

  1. les anticipations de prix d'achat et de vente de toute production

  2. les anticipations de rentabilité des prix en régio et en euro

  3. les anticipations de l'incertitude d'application des lois en régio, en euro ou dans toute autre monnaie

Un troisième rôle de la liquidité en MMT participe au prix de l’intérêt négatif en plus de la puissance publique et des opérateurs de change : c’est l’assureur. L’assureur garantit les personnes, les services, les biens et les normes professionnelles de production des biens et services. Il calcule des primes prélevées sur les soldes créditeurs à terme des acteurs économiques. Ces primes sont réglées par prélèvement sur l’intérêt négatif puisqu’elles financent la confiance des acheteurs et vendeurs en MMT garantis sur leur personne et sur leurs biens. L’assureur privé calcule les primes de garantie du prix à terme d’objets définis par la loi et par les acteurs du marché MMT. L’assureur privé est contraint à l’objectivité des risques par une réglementation qu’il ne contrôle en aucune manière ; il est encadré par l’assureur public en dernier ressort propriétaire de la réserve de liquidité systémique de la MMT.

Ces propositions s’articulent-elles logiquement et réellement avec votre vision de la MMT ? Vous semblent-elles de nature à favoriser la transition de l’euro à la MMT voire la mutation de l’euro en MMT multinationale européenne ?

JF

Je ne comprends rien du rôle des assureurs ici. Les assureurs, comme les autres, doivent accepter la MMT pour les paiements des primes, tout au plus faudra-t-il qu'ils proposent des rémunérations (d'intérêts) à la baisse ou suppriment toute rémunération d'intérêts, car la MMT n'en produit pas ! pour le reste, l'assureur vit des primes encaissées pour payer les risques qui se présentent et pour faire des profits comme toute entreprise. Il se pourrait que les assureurs baisseront dès lors les intérêts aussi pour les primes versés en euros, car, comme déjà dit, les régios auront valeur légale de par la volonté du gouvernement ! Tous devront s'y faire !

S'agissant en général d'épargne longue, il n'y aura pas, a priori, d'intérêts négatif pour les assurés, bien sûr, tout comme pour les placements longs en banque.

Je ne comprends pas bien ce que vous entendez par "réserve de liquidité sytémique de la MMT"! Il n'en a aucune, jamais! La couverture est en euros, comme défini dès le départ, et l'assureur obtiendra, tout comme l'assuré, neuf euros pour dix régios, conformément à la loi ! Si un assuré veut être payé en euros, il perdra 10% (en pouvoir d'achat intérieur).

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 15:16
L'homme épuisé par le consumérisme

« Les Français comme la plupart des habitants de la Terre attendent qu'on s'adresse à leur intelligence » (Bernard Stiegler, Philosophie Magazine, septembre 2011). Cette proposition affirme la condition de possibilité de la démocratie dans notre pays. Pour le moment nous sommes dans la république platonicienne analysée par Bernard Stiegler où des élites repliées sur leurs techniques nous offrent le spectacle d'une politique étrangère à la vie réelle des citoyens. Les croyances ne peuvent plus se former ; la confiance est sans matière ; le crédit est spéculatif donc sans effet.

La financiarisation de l'économie humaine a rompu tout lien entre le crédit et la politique. C'est bien la cause profonde de la crise des dettes publiques que la finance de marché exacerbe avec la complicité d'une certaine politique en exigeant le retrait de la puissance publique de l'économie. La continuité du réel est rompue entre le court terme et le long terme ; où l'on détruit à court terme l'existence de la société politique nécessaire à l'investissement humain du long terme.

Le consumérisme est cette consommation addictive du présent par l'emprunt d'un futur qu'on ne pense pas, qu'on ne prépare pas et qu'on ne produit pas. L'illusion destructrice du consumérisme est directement issue de la finance spéculative consistant à monétiser au présent le prix de la possibilité d'un investissement que personne n'engage dans la réalité. La finance simule une continuité idéelle de la réalité du futur avec le présent que personne n'investit ; elle construit une rupture masquée dans le calcul entre le présent et le futur.

Le rôle des politiques devrait être de rompre cette mystification par la parole proposée aux électeurs. Si la parole politique dessine les vrais avenirs possibles (sortir de la caverne platonicienne), alors elle peut réguler la finance en décidant la séparation les activités d'investissement et de crédit : afin que l'investissement soit bien la garantie du crédit qui soit bien le prix certain de l'existence d'un futur réellement investi.

Réaliser la monnaie de la contribution

Le concept d'économie de la contribution défendu par Ars Industrialis dit beaucoup de la restauration à accomplir dans le réel de la continuité entre le présent et le futur. Cette continuité repose sur l'existence d'une société solidarisant les individus dans le temps et dans l'espace. Elle repose sur une formulation vivante des lois du vivre ensemble dans un espace humain constitué en politie. Et elle repose sur la répartition économique des contributions dans des projets négociables. L'économie de la contribution est une économie monétaire au sens aristotélicien du terme. Une monnaie qui ne peut pas rester post platonicienne comme celle d'aujourd'hui captée par des oligarchies.

Pour réaliser l'économie de la contribution, la monnaie doit mesurer l'économie réelle de toute connaissance humaine utile au bien commun. La monnaie ne doit plus pouvoir représenter la numération spéculative de la richesse qui n'est pas produite. Les agoras virtuelles qui sont nées du marché numérisé de la connaissance issue de l'Internet offrent par des adaptations marginales le cadre pratique d'une finance non spéculative. Paradoxalement, la finance a inauguré ces agoras depuis trente ans par l'informatique mais se fait dépasser par les places de marché virtuelles à finalité commerciale, scientifique, industrielle ou culturelle.

Pour que ces agoras virtuelles ne soient pas détournées par la spéculation mais deviennent des espaces de contribution réelle, il faut re-territorialiser la monnaie sur des communautés humaines politiquement constituées. La numérisation du marché autorise la matérialisation des adhésions des sujets de la contribution à des lois d'échange formellement identifiées et garanties par la république (puissance publique commune de l'agora). Le principe de fonctionnement de l'agora contributive est connu et éprouvé : c'est la compensation de marché. Mais pour que la loi politique soit compensée à l'intérieur de l'agora, il faut que lui soit associée une seule monnaie d'identification et de matérialisation de la loi appliquée.

Compenser la loi signifie mesurer le prix de son efficience contributive par rapport à d'autres lois appliquées dans d'autres agoras. La territorialisation de la monnaie consiste donc à séparer les agoras par des monnaies différentes relatives aux lois différentes qui s'y appliquent. Le prix relatif de chaque territorialité se mesure par la cotation comme marchandise des monnaies dans les agoras où elles sont étrangères. Ainsi les puissances publiques responsables de l'efficience de la contribution dans l'agora du réel sont-elles mesurables et convertibles à l'intérieur de leur périmètre de souveraineté.

Système politique d'information de la contribution

La monnaie de la contribution crée l'économie de la contribution à condition d'une triple séparation des espaces, des lois et des autorités publiques d'arbitrage de la contribution. Les agoras sont ouvertes les unes sur les autres par leur séparation-même réalisée dans des monnaies différentiables mais convertibles selon la loi de chaque cité. La monétisation de la contribution différentiable par les lois rend toutes les contributions intelligibles, mesurables et échangeables par la concurrence politique à dire par le langage la valeur possible des activités humaines.

L'enclosure numérique de la contribution garantit la société constituée par un capital de lois. L'agora toute entière finance l'application de la loi et non des intérêts particuliers libres d'obligations de solidarité. L'agora numérique contient par nature un capital non exportable parce que sans règlement hors de l'agora. Concrètement, les contributeurs d'une agora sachant la valeur que donne à leur contribution la loi qu'ils appliquent adhèrent à la collectivisation fiscale partielle de la richesse produite. Contre l'impossibilité d'exporter discrètement leur contribution sans la faire mesurer par l'agora, les citoyens discutent l'impôt et son calcul dans les lois qui instituent leur solidarité.

Dans l'économie de la contribution monétisée par des agoras différentiables, l'impôt est une contribution libre et obligatoire à la loi politique de contribution. L'impôt dû à une société politique ne peut pas fuir car le prix des contributions est transparent et réglé par le fonctionnement-même de l'agora numérisée. La « libre circulation du capital » n'est plus une spéculation libre sur le prix des lois mais le libre choix des agoras où l'on produit et vend ses contributions dans des lois communes.

Il existe bien un discours de rupture réaliste avec le consumérisme et la spéculation financière. L'économie de la contribution réunit dès à présent toutes les conditions possibles de sa mise en œuvre. L'effondrement réel de la finance spéculative crée même une obligation de passage à l'économie de la contribution qui prolonge la possibilité de la vie civilisée. Il suffit que le pouvoir politique aiguillonné par les citoyens suspende la convertibilité privée des monnaies et l'allocation gratuite illimitée de monnaie aux banques.

E pluribus unum : une devise pour l'Europe

L'inconvertibilité des monnaies et la nationalisation des systèmes bancaires est de toute façon une conséquence inéluctable de la disparition de la liquidité bancaire internationale. Si cette mutation n'est pas explicitement assumée par le pouvoir politique, elle sera rampante ; donc illisible pour les peuples et accomplie par la corruption financière du politique. Elle débouchera sur des guerres civiles. La raison et la prudence politiques dictent d'accomplir cette mutation par le choix transparent et partagé d'une solidarité financière assumée et assurée par les gouvernements de la zone euro.

La mise en faillite réelle de la spéculation financière dans la zone euro implique la territorialisation virtuelle de la monnaie : maintien de l'euro comme monnaie de la communauté politique européenne des 17 mais dévaluation par les monnaies nationales des dettes qui compromettent la confiance internationale dans la stabilité de l'euro et dans la société politique qui la soutient. Une telle réforme restaure un prix de la responsabilité politique à l'intérieur des États nationaux et définit une responsabilité politique euro-européenne lisible, critiquable et vérifiable par les citoyens européens.

Ars Industrialis

Groupe économie de la contribution, séance du 17 décembre 2011, partie 02 :

Monnaie/dette : paix monétaire et financière au sein de la zone Euro

 

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 20:19

Le cercle des Echos : Main invisible, fin de la mystification, avènement de la vraie monnaie

Par le mythe de la main invisible, la monnaie a été dissociée de la démocratie. Le fait est évident en zone euro où les élus de la démocratie n'ont plus aucune autorité monétaire. Les électeurs français ne peuvent plus douter que les candidats à la présidence refusant ou omettant de mettre l'euro sous le contrôle du Parlement européen n'ont plus la volonté de servir le bien commun des citoyens.

La monnaie selon Aristote

La définition de la monnaie livrée par Aristote il y a 23 siècles a été délaissée par la théorie idéaliste de l'économie fondée sur Adam Smith. La monnaie neutre qui ne reflète pas la loi morale active des échanges s'effondre 240 ans après la Richesse des Nations. La monnaie est réellement depuis l'origine instrument de compte, de règlement et d'épargne. La monnaie idéelle d'aujourd'hui est instrument de spéculation politique et financière hors de toute loi du réel.

Dès qu'une société établit un système commun de numération de tous les objets qu'elle y échange, elle a une unité de compte qui fait monnaie. L'existence d'une société politique dans une loi commune de délibération de la valeur des choses s'exprime par un même système de prix. Les nombres attribués aux biens échangés exprimés dans la même unité de compte font la valeur numéraire de la monnaie. Une société est constituée en politie par une loi commune de comptage de la valeur collective ; dès lors, la monnaie règle les échanges pour signifier la valeur de la politie dans la politie.

Un achat réglé par une certaine quantité de monnaie signifie que la transaction, le prix et l'objet échangés sont conformes à la loi de la politie ; conforme à ce que les citoyens ont décidé de considérer comme réellement droit et juste. Le compte et le règlement introduisent alors la comptabilité du temps commun de la politie. Une même façon de compter à l'intérieur d'une société synchronise la valeur du temps dans le crédit.

L'existence politique d'une unité de compte signifiant le règlement des prix produit l'épargne monétaire. L'épargne en monnaie représente la mesure des biens investis par la politie dans son futur collectif. Le règlement d'un prix en monnaie offre à tout vendeur de conserver le signe pour acheter quelque chose dans le futur. Si la politie est stable dans sa constitution, dans son principe de légalité et dans sa loi de production économique, un épargnant ne peut pas douter de la conservation de son pouvoir d'achat par la monnaie de la politie. Le commerce du temps devient possible.

Éthique de la monnaie

La monnaie de compte, de règlement et d'épargne est la condition de la loi d'économie. Par la monnaie, la politie aristotélicienne règle le calcul économique. La monnaie est l'institution du travail d'intelligence humaine vérifiant que tout échange dans le temps et dans l'espace crée plus de valeur qu'il n'en détruit. La valeur économique est en logique aristotélicienne le surplus de matière produit par l'éthique des échanges dans la démocratie. La valeur est prisée par la monnaie du fait d'une éthique de l'échange dans la politie.

La politie de la démocratie alloue à tout individu citoyen la liberté de discussion du prix de tout ce qui s'échange. Cette liberté est le fait de la loi adoptée par la société. La loi politique de la démocratie économique repose sur l'interdiction de la moins-value. Un échange est illégal en éthique de la démocratie si pour l'une des parties à un échange, le prix de ce qui est cédé est supérieur au prix de ce qui est acquis. Le prix est une information de la matière : la plus-value résulte de l'information par la loi et non d'une soustraction de matière à quelqu'un.

La loi fondamentale de la démocratie donne à tout individu d'être le sujet de ses décisions économiques. Comme sujet économique de la démocratie, le citoyen a une capacité personnelle de jugement où il compare ce qu'il veut à ce que ses contreparties potentielles lui proposent. Comme la raison commande de refuser l'acquisition d'un objet de moindre prix que l'objet cédé en paiement, l'éthique d'égalité des droits commande en sens inverse de refuser la cession d'un objet de moindre prix que l'objet acquis.

Économie de falsification

Dans la loi démocratique de l'économie, vendre sciemment une moins-value est un jeu de parole contre la réalité. Acheter une plus-value certaine par un prix de légalité dissimulée à l'intelligence du vendeur est une falsification du réel. Spéculer par le discours contre la volonté individuelle objectivement exprimée dans le prix est un crime contre la démocratie. Le calcul du prix par l'intérêt individuel exclusif est interdit : la seule cause du prix admise par la démocratie est l'équilibre transparent des intérêts déposés dans le marché au vu de tous.

L'économie de la démocratie définie par Aristote contient deux plans de raisonnement et de jugement : la réalité objective et la réalité subjective. La confusion des deux plans dissimule la subjectivité dans l'objectivité. La réalité objective est commune et partagée dans la mesure où elle est régie par la loi ; la loi discutable dans l'ordre métaphysique au-dessus des contraintes imposées par la réalité physique. La réalité objective est d'autant moins discutable que la société des sujets individuels construit la loi du réel dans la discussion politique.

La démocratie aristotélicienne est la discussion de la loi qui permette la philia (civilité) ; la subjectivité s'affranchit des déterminations de la physique par la métaphysique négociable dans la politie. La séparation transparente du physique et du métaphysique est la condition de la vérité démocratique. Au Siècle des Lumières, la métaphysique est absorbée dans la physique particulièrement dans le monde anglo-saxon. La vérité disparaît dans la réalité. La science économique se détache de la politique. Ainsi, la finance d'aujourd'hui s'est affranchie de la loi.

Sans distinction par la monnaie du prix de la chose physique et du prix métaphysique du crédit, l'intelligence humaine n'a plus la liberté de chercher ce que veut l'individu dans la société ; l'économie du réel objectif détermine alors des équations sociales d'échange et non des équilibres négociables de subjectivité. Adam Smith fonde l'économie libérale par un ordre transcendant d'une réalité qui n'est plus vraiment négociable par n'importe quel citoyen.

La main invisible du mal

En fondant une économie objectiviste sans responsabilité politique du sujet, Adam Smith permet l'abolition de la démocratie. Le théoricien involontaire de la main invisible pose l'éthique sans loi. La confrontation naturiste des intérêts particuliers suffit à dégager une stabilité des prix selon une optimalité qui ne serait pas discutable. Selon Adam Smith, l'homme n'a pas besoin de comprendre ce qu'il est pour vivre et produire la richesse. La discussion économique de la loi est inutile et la démocratie sans rapport avec l'économie.

La science économique fondée sur Adam Smith est la loi même au lieu d'être la logique de discussion de la loi. Par la main invisible, l'économie n'est plus la transformation de la réalité par la loi de démocratie. Le libéralisme économique est la théorie de la loi soustraite à la démocratie ; donc l'économie humaine livrée à des oligarques omniscients. La transformation opérée par Adam Smith du libéralisme politique en libéralisme économique a pour conséquence de réduire la démocratie au bavardage. L'empire de la monnaie s'est librement érigé au-dessus de la loi.

L'effet du moralisme smithien est manifeste dans la crise actuelle : la loi est inutile. La loi n'est plus délibérée dans des budgets ; les vraies décisions politiques ne sont plus que l'émission de la monnaie. Toute l'économie humaine appartient à ceux qui décident des prix par la causalité de la monnaie dans le crédit. Le crédit est dicté par le pouvoir de financer la politique ; il n'est plus réalisable en biens par les sujets de l'économie.

Le crédit est dans la démocratie l'application réelle de la loi entre le prêteur et l'emprunteur du prix ; du prix de l'objet librement échangé à la condition de la loi appliquée. Mais une fois que le libéralisme économique abolit l'existence concrète de la loi politique, le crédit n'est plus qu'une écriture légale dans les comptes d'une banque. La loi ne peut plus justifier le prix qui n'est plus un crédit réel ; lequel n'est plus la justification véritable des comptes en monnaie.

Globalisme impérial

Au temps de Smith, le crédit est possiblement matière de la monnaie par l'interdiction sociale du paiement sans éthique. Dans le monde globalisé d'aujourd'hui, la loi sous-jacente à la monnaie est impensable. L'éthique des échanges est pure fiction en l'absence de formulation mondiale d'une loi minimale ; d'une loi qui protège la liberté du sujet, appelle la responsabilité du vendeur et exige la réalité de l'objet. La loi humaine n'est plus la question des prix internationaux.

Les héritiers de Smith ont bien vu comment la liberté internationale des échanges sans loi politique du prix leur livrait tout le réel. Le dollar n'est pas émis sur la discussion des prix en dollar ; l'application à tout emprunteur de la loi des États-Unis n'est pas vérifiable dans les comptes en dollar. L'euro n'est pas émis sur le crédit d'une loi commune appliquée aux échanges entre Européens. Les monnaies internationales en circulation libre créent une réalité libre de toute loi. Les prédateurs sont des bienfaiteurs par détermination de l'économie.

Il n'existe aucune solidarité politique entre les utilisateurs libres du dollar, de l'euro et des autres monnaies de réserve internationales. Tout le système monétaire international est construit sur la finance exemptée de loi politique. Le prix ne renvoie pas à la loi ; le crédit est réputé exister par le seul prix annoncé par une banque. Les banques centrales et commerciales sont libres de faire enfler les dettes internationales et nationales au-delà de toute limite réelle ; au-delà de toute appréciation légale de l'économie du réel.

En 2007, la dette mondiale a débordé la réalité : les plus-values financières d'émission libre du crédit sont devenues inférieures aux moins-values infligées à l'économie réelle. Techniquement, les primes de crédit comptabilisées ne couvrent plus les moins-values latentes. Le pouvoir financier ne peut plus préserver son empire monétaire sans mettre les polities en faillite ; sans détruire les réalités sociales par de fausses créances . Les institutions politiques internationales sont lancées contre les démocraties nationales écrasées par des dettes imposées aux plus faibles.

La raison financière sans démocratie est une bombe logique. L'oligarchie ne trouve plus aucune limite au pillage des réalités humaines par la monnaie. Le cœur de l'apocalypse monétaire (vision de révélation de la fin d'un temps) est la zone euro. La spéculation financière enferme la politique européenne dans son propre suicide par la fausse alternative de la monnaie unique ou de l'abandon de l'euro. Or la monnaie unique détruit la démocratie et l'abandon de l'euro détruirait l'économie de l'Union européenne (UE).

Économie européenne de la démocratie

L'euro dissocié de toute loi efficiente détruit l'économie réelle des sociétés. La restauration démocratique de l'Europe implique simplement la ré-indexation légale de la monnaie sur le réel. L'UE a institué pour la première fois dans l'histoire de l'humanité l'exercice de la démocratie à double niveau : national et confédéral. Pour que les deux niveaux de pouvoir servent la démocratie, il suffit de décomposer le système de l'euro en figures monétaires nationales et confédérales ; et de doter la confédération européenne d'une politie démocratique.

L'UE est de fait une confédération de démocraties nationales : deux régimes de délibération de la loi cohabitent. Les droits des sujets sont définis et appliqués par les États-nations pendant que l'économie des objets marchands est régie par la loi communautaire. En différenciant les monnaies nationales de la monnaie commune, l'UE rend les démocraties nationales négociables et mesurables les unes par rapport aux autres. L'équité financière entre les démocraties nationales est l'objet de la démocratie confédérale.

L'alignement des monnaies sur la nationalité des lois appréciables dans le double exercice national et multinational de la démocratie produira une configuration politique miraculeuse. La subjectivité de la discussion politique reprend la maîtrise de l'objectivité économique. Toute loi devient négociable non seulement par ce qu'elle dit, mais par ce qu'elle produit. Le prix des monnaies devient rationnellement variable selon le jugement du bien humain et selon le constat du réel.

Pour que l'équilibre monétaire des comptes réglés en épargne se réalise en conformité nationale et confédérale, il faut une loi monétaire confédérale interdisant la conversion des monnaies nationales hors de l'euro confédéral. Et il faut une responsabilité de cette loi monétaire devant le Parlement Européen ; donc une détention du capital de la BCE par le pouvoir exécutif financier communautaire devant le législatif confédéral.

Alors la responsabilité politique des nations européennes se mesure exclusivement en économie commune de la démocratie confédérale ; et la responsabilité politique commune est librement appréciée par les monnaies nationales en économie commune. La compensation en euro des lois, des crédits, des réalités économiques et des autorités politiques prise les figures nationales de la démocratie par des monnaies distinctes négociées en transparence légale.

L'euro confédéral restaure la stabilité du discours sur la réalité sensible. Toute vérité scientifique est appréciable par la prime de crédit de l'auteur identifiable d'un énoncé ; par la prime d'investissement du producteur réel de l'objet ; et par la prime de change de la démocratie dépositaire d'une loi de vérité. La réalité économique européenne confédérale est discutable dans la pluralité nationale de la démocratie.

Le crédit de la démocratie

À son apogée virtuelle, l'empire de la monnaie est en ruine. Cette dichotomie radicale entre l'objectif et le subjectif offre au jugement des peuples une réalité limpide. Les oligarques se réclament de la raison technique contre toute délibération de la loi de rationalité économique. La loi non discutable ne produit plus aucun crédit ; la révolte des peuples contre le faux crédit déguisé en loi sera invoquée pour justifier le terrorisme d’État.

Pour donner sa chance à la démocratie, il suffit de constater que le dollar et l'euro monnaie unique ruinent l'économie. Et il faut pousser au pouvoir des gouvernements engagés à rendre leur responsabilité mesurable par la monnaie nationale. L'euro monnaie de crédit commun étalonne les démocraties nationales. Alors les États surendettés seront dévalués en euro. La démocratie retrouve le prix de la vérité des richesses qu'elle produit.

Les lois économiques non mesurables par la démocratie sont toxiques ; elles détruisent toute possibilité de confiance rationnelle dans l'économie de l'échange. La démocratie est la raison réelle de l'échange humain. Si l'Europe n'est pas capable de restaurer la démocratie, elle entraînera le monde dans le trou noir de la finance sans loi. Le monde attend que les Européens se soulèvent contre la corruption financière. Les Français éliront-ils le président d'une démocratie ?

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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 23:55

La crise de la zone euro est l'épiphénomène d'un défaut systémique mondial : la masse mondiale des crédits construite sur la liquidité non régulable du dollar internationalisé ne peut plus être ré-indexée sur la croissance de l'économie réelle. Le système bancaire international prend ses dernières plus-values sur la zone euro qui est le seul système monétaire à extérioriser le risque de crédit entre des économies nationales différentes à l'intérieur d'une même politique monétaire.

En l'occurrence, l'Allemagne est attentive au surendettement de ses partenaires qu'elle finance directement par la monnaie unique. La menace d'une sortie de l'Allemagne de l'euro rend crédible la faillite possible des autres États de la zone. Cette possibilité est achetée en dollar avec les CDS grâce aux liquidités empruntées à la BCE ; lesquelles doivent être réemployées dans des placements sans risque ; c'est à dire couverts par des CDS contre le risque de défaut des États Européens.

La principale utilisation de la liquidité quasiment gratuite en dollar et en euro est désormais l'accumulation de créances off shore sur des États qui ne peuvent plus ne pas tomber formellement en faillite à cause de leurs engagements hors-bilan. Les emprunts illimités des banques à la BCE sont garantis par les États qui détiennent le capital de la BCE. Plus les banques spéculent avec les liquidités de la BCE plus elles gagnent sur la couverture de leur risque public ; lequel croît indéfiniment avec l'exposition des États au risque systémique de la BCE.

Spéculer contre les États et la BCE est une obligation systémique à l'intérieur de la zone euro à cause de la réglementation prudentielle. A l'extérieur de la zone euro, la spéculation contre la BCE est une source de plus-value à saisir impérativement pour ne pas tout laisser à la concurrence. La zone euro est donc déjà morte dans le système actuel de la spéculation libre entre monnaies. Les eurobonds n'y changeront rien : il est clair que l'Allemagne en portera l'essentiel du risque ce qui attirera contre elle toute la spéculation au fur et à mesure que les autres pays européens tomberont sous assistanat financier permanent les uns derrière les autres.

Absorbé par l'obsession de rester liquide, le système financier international ne voit pas que l'éclatement de la zone euro précipitera tout le système dans l'abime. Les créances off shore accumulées contre l'euro bloqueront instantanément toute liquidité des capitaux en dollar. Les paiements internationaux seront interrompus et toute l'économie mondiale s'effondrera dans la disparition totale de toute confiance.

Les gouvernements n'ont plus aucune influence sur le système bancaire international tant qu'ils ne reprennent pas le contrôle nominal de la liquidité des banques centrales. Si le système bancaire mondial ne se remet pas de lui-même sous le contrôle juridique des États, l'opération se fera dans la violence : soit par des coups d’État, soit par des émeutes, soit par des guerres.

La libre circulation des capitaux apparaît clairement comme mystification financière. La liberté en vigueur est simple alibi d'opacité pour prélever en toute impunité des plus-values fictives sur l'économie réelle. La zone euro a tout les moyens de mettre fin à la prédation financière par un marché interne de capitaux qui soit dissocié des intérêts de crédit, d'investissement, d'assurance et de change.

Un marché transparent en euro sous contrôle des institutions financières publiques de la zone euro produirait bien un équilibre des prix, des échanges et du droit. Une compensation en euro des pertes de crédit bancaire par les pertes de crédit public peut être réalisée par la restauration des monnaies nationales exclusivement convertibles en euro. La dévaluation des euro-monnaies des membres trop endettés de la zone rétablirait la liquidité par la dépréciation des dettes, la resolvabilisation des emprunteurs par la compétitivité du travail et la réévaluation du capital réel.

La consolidation du crédit et des monnaies dans la zone euro doit être opérée avant l'effondrement général politique et financier. La majorité des professionnels de la finance sait le régime actuel de la dérégulation incompatible avec la croissance humaine. Il ne faut pas attendre la catastrophe pour construire la crédibilité de l'alternative.

Le schéma de la compensation européenne en euro transformé en étalon de crédit est la solution économique la plus crédible. Compte tenu de la neutralisation du pouvoir politique par les divergences culturelles et doctrinales internationales, les banques et les banques centrales doivent engager la discussion des réformes monétaires qui leur évitent le défaut général.

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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 18:38

Le Cercle des Echos : république ploutocratique et démocratie financière

La république de l'argent

L'actuelle crise financière est une crise de la république qui ne sait pas être une démocratie. La république des citoyens et la république des marchands est une seule et même réalité publique. Le citoyen est libre dans la république d’échanger par lui-même à la condition d’agir publiquement ; à la condition de se soumettre au jugement public.

Dès que l’échange est libre, la république différencie par la monnaie les échanges qu’elle accepte des échanges qu’elle n’accepte pas. Un échange acceptable a un prix public en monnaie tandis qu’un échange inacceptable reste privé et sans prix en monnaie. Échanger en public sous le contrôle de la république, c’est se mettre sur le marché pour former des prix par la loi. Le citoyen de la république est nécessairement un marchand qui offre et demande librement en s’exposant au jugement public matérialisé par la monnaie.

Inévitablement la république discrimine les citoyens par l’argent car le jugement public distribue l’argent par le marchandage. Le marchandage est la liberté de proposer différents critères de la valeur : le plus convaincant capte le plus d’argent. Si la république ne pose pas de critère de valeur supérieur à la libre confrontation des idées sur le marché, la rhétorique détermine le prix des échanges. La rhétorique est aujourd'hui la spéculation financière.

Finance et monnaie de la démocratie

La seule manière de soustraire la république à la ploutocratie, est la démocratie. La démocratie n'est pas le pouvoir du nombre mais le pouvoir de la délibération. La délibération est la confrontation des discours qui libèrent ; c'est à dire des discours qui laissent toujours le choix de la réalité derrière les mots. La délibération démocratique laisse à chaque personne la liberté de son jugement sur ce qu'elle choisit comme son bien. La démocratie est la délibération des limites de la liberté qui permettent la liberté de chacun.

La démocratie s'est opacifiée depuis trois siècles à cause de la libre monétisation républicaine des échanges. La fondation de la démocratie par la distinction radicale du sujet et de l’objet a disparu dans l'opacité des marchés non régulés par la loi. Dans la démocratie, tout sujet a un statut dont Aristote explique qu’il est le déterminant premier du prix. Un statut signifie que la place du sujet dans la démocratie est indépendante des objets qu’il manipule et échange.

Le statut du citoyen crée une valeur de l’individu dans la démocratie absolument indépendante de ce qu’il peut vendre ou acheter. C’est la raison par laquelle les états nationaux se sont constitués. Les nations démocratiques se sont forgées par une conception partagée et commune du statut du citoyen. La citoyenneté a impliqué des systèmes de solidarité économique indépendante d'une valeur marchande des individus.

Les monnaies nationales sont apparues variables les unes par rapport aux autres à cause de l’efficacité différente des systèmes nationaux de solidarité entre citoyens. Un même objet issu de deux marchés nationaux distincts a le même prix sur le marché mondial mais s'exprime en monnaies distinctes selon les droits effectivement reconnus à la personne qui produit et qui vend.

Chute de la ploutocratie républicaine

La république mondiale du libre échange a à partir du XVIIIème siècle détruit les démocraties nationales. La destruction s’est opérée par l’idéologie libertaire et par la monnaie. Les libertaires ont proclamé que la liberté ne souffrait aucune loi. La monnaie est devenue une matière de même valeur pour tout pays indépendamment du droit positif. Le crédit public de l’État de droit a été remplacé par la spéculation privée sur l’étalonnage physique de la valeur.

Jusqu'à la Révolution Française, l'émission monétaire est un monopole régalien. Il est nécessaire que la monnaie à l'effigie du souverain témoigne de l'existence d'une comptabilité de la valeur fondée sur une responsabilité humaine de la loi du vivre ensemble. L'avènement de la république comme souveraineté de la loi détachable de ses interprétations humaines change la nature de la monnaie et la source de l’émission monétaire.

La décision privée du monarque républicain ou des représentants de la république devient moralement suffisante pour émettre la monnaie. La monnaie ne réprésente plus la loi vivante d'un bien commun effectif mais la nomination abstraite d'un bien théorique non nécessairement vérifié. L'étalonnage de la monnaie se fait sur la seule matérialité physique, par exemple l'or, et non sur la vérification de la justice des échanges par le souverain.

Dans le régime de la souveraineté exclusivement populaire ou nationale, il n'y a plus d'interprétation humaine de la loi dans l'émission de la monnaie. L'étalonnage physique de la monnaie introduit un critère apparemment objectif de valeur de la monnaie. En réalité l'émission monétaire est le fait d'un jugement bancaire de la valeur attribuée à des créances privées. Le critère de la valeur n'est plus délibéré en public.

Après l’abandon de l’étalon or, c’est la spéculation des États les uns contre les autres puis la spéculation privée qui sont devenus les seules causes de représentation de la valeur par la monnaie. Dans le libre échange marchand mondialisé d’aujourd’hui, le citoyen n’a plus aucun statut. La valeur du citoyen de la république mondiale est strictement proportionnelle au capital monétaire qu’il est capable de capter. Le résultat est la guerre économique de tous contre tous qui engloutit les États dans la confrontation généralisée des intérêts ploutocratiques.

Restauration financière de la démocratie

La seule et unique façon d’en sortir est l’instauration de la démocratie au-dessus des républiques nationales. Si la monnaie est redéfinie comme unité de compte de l’option mondiale de démocratie, alors toute évaluation de prix peut se subordonner à l’achat marchand d’une prime de garantie du droit de l’acheteur d’un objet. Tout vendeur de quoi que ce soit ne gagne de l’argent sur le marché mondialisé qu’à la condition de servir la citoyenneté d’un acheteur quelle que soit sa nationalité.

Concrètement, le système de la monnaie limitée par les choix effectifs de la démocratie est celui qu'avait proposé Keynes en lieu et place de l'actuelle république mondiale du dollar. L'unité de compte internationale représente l'égalité entre les démocraties. Elle mesure le crédit des souverainetés à délibérer et appliquer la loi des citoyens.

La monnaie sous-jacente à l’option rétablit la primauté du sujet citoyen qui ne peut plus vendre sans être garanti par l’acheteur de sa prime lui-même soumis à la loi nationale d'une démocratie. Le bancor de Keynes sous-jacent au marché financier transnational est émis à proportion des garanties internationales souscrites sur des emprunteurs internationaux impérativement tenus par la loi de la monnaie empruntée.

Le bancor est une prime de crédit sur le prix du réel. Il transforme les démocraties nationales en acteurs de la démocratie universelle. Il suffit de domicilier les transactions financières internationales dans les pays où la démocratie est vivante par l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les engagements internationaux sont contrôlables par la démocratie s'ils sont déposés sous le regard d'un juge indépendant exclusivement tenu par la loi de la démocratie.

L’Union Européenne se revendique société multinationale de démocraties. Elle s'est justement dotée d'organes communs du bien de ses citoyens dans leur république. Elle dispose de pouvoirs judiciaires constitutionnellement indépendants. Les citoyens européens peuvent fonder la démocratie s'ils libèrent leurs républiques de l’argent. Si les citoyens retirent aux banques le pouvoir d'émettre le prix de leurs droits. Si les citoyens redonnent au pouvoir politique la responsabilité de la valeur de leurs droits. Aux armes les citoyens !

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Pierre Sarton du Jonchay
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Le Blog de Paul Jorion

 

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