Nouvel ordre mondial de vérité financière, suite
Réponses aux commentaires du billet paru le 26 juin sur le blog de Paul Jorion
Nous sommes apparemment d’accord sur le fait qu’une négociation de prix mobilise la subjectivité. Ce qui fait la différence entre une négociation financière et un troc, c’est l’introduction du futur dans l’échange. Dans un troc non financier, ’objectivité de l’échange vient de l’existence physique sous une forme ou une autre de ce qui s’échange. Cette objectivité associe les sujets par la matière physique. Dans un échange contenant de la monnaie ou n’importe quel actif financier, les objets physiques disparaissent. Un paiement en monnaie d’une baguette de pain implique le transfert au boulanger d’un titre de créance sur une banque. Si le tiers bancaire n’existe pas, la monnaie ne vaut rien car il n’y a pas de débiteur dans le titre de créance. Une transaction financiarisée implique nécessairement un tiers dans l’échange bilatéral.
C’est la nécessité logique du tiers non nécessairement présent qui introduit la possibilité de spéculation, c’est à dire la manipulation de la subjectivité. Le tiers peut certifier ou non le moyen de paiement, la réalité de l’objet échangé et l’égale compréhension que les échangistes en ont. Les limites que tout sujet connaît sont la réalité physique et la présence d’autres sujets exprimant des vues différentes. Un prix peut résulter d’un rapport de force en l’absence d’arbitre si les parties le conçoivent comme tel. Elles peuvent aussi choisir de se respecter même quand l’une des parties est faible par rapport à l’autre. L’arbitrage sert à garantir la volonté des parties à se respecter. Il crée de l’objectivité entre les parties qui ne perçoivent pas leurs limites réciproques surtout quand l’objet de négociation n’est pas physiquement matérialisé au présent.
Vous citez justement l’État comme tiers arbitre dont c’est la raison d’être. L’État est l’expression d’une société qui réglemente l’égalité de droit entre ses membres. La projection des États de droit nationaux dans une autorité multinationale commune de régulation est la seule possibilité d’un marché international réel qui mette les négociateurs à égalité de droit. Sinon la spéculation est libre sur la réalité de l’équilibre des prix.
Votre réponse à Crapaud Rouge m’éclaire sur votre position. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Le sens des réglementations exprimées en mots est fuyant ; sujet à une infinité d’interprétations. La proposition du bancor consiste à disposer d’une monnaie qui matérialise en soi une réglementation simple et fondamentale : toute mesure du crédit doit avoir une contre-réalité à l’échéance identique à sa négociation d’origine.
Au lieu de supposer objective et intangible a priori la définition réglementaire ou contractuelle de l’objet d’anticipation financière, on crée l’identité de valeur entre l’origine et l’échéance par un marché et un garant. Le marché fournit le prix de tout objet par confrontation de l’offre et de la demande. Et le garant achète la variation de prix entre l’origine et l’échéance. Le prix garanti est la preuve du crédit, valeur stable dans la durée entre le prêteur et l’emprunteur ; ainsi l’objectivité de la mesure du crédit naît-elle de l’acheteur de la prime de crédit. La prime de crédit est la variation potentielle réelle du prix de l’objet entre l’origine et l’échéance.
Pour que la règle de la couverture effective du crédit par la réalité soit effectivement appliquée, il est nécessaire que les crédits soient originés dans un marché où règne la concurrence entre les emprunteurs vendeurs de risque et les investisseurs acheteurs de risque indépendamment des épargnants monétaires qui veulent conserver leur capital à sa valeur nominale. La monnaie utilisée indique de l’origine à l’échéance la règle appliquée au crédit : à tout crédit en bancor se rattache un acheteur identifiable et solvable de son risque.
Si la garantie d’un crédit est introuvable dans le marché du bancor, cela signifie que l’emprunteur n’est pas couvert et que le crédit n’est pas adossé à un prêt en bancor mais tout au plus à un capital dont la valeur n’est pas garantie. Il n’y a pas en bancor de spéculation juridique du fait de l’objectivité du prix d’équilibre entre l’offre et la demande. La monnaie s’adosse au crédit qui n’est que crédit. Le crédit est crédit par l’achat systématique de son risque. Le risque est le risque par l’obligation de combler à l’échéance l’écart entre le prix négocié à l’origine et le prix de marché à l’échéance. L’obligation est réelle par un sujet engagé identifiable par le marché.