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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 14:10

Commentaire déposé sur le Blog de Paul Jorion.


Stabiliser la liquidité des monnaies par le bancor

La Modern Monetary Theory (MMT) rassemble les réflexions économiques contemporaines sur la monnaie qui cherchent à dépasser la contradiction entre le monétarisme friedmanien et le keynesianisme. La MMT tente le compromis entre la monnaie objet qui sert d'étalon pour calculer des prix qui ne doivent pas dépendre d'elle et la monnaie active qui est un outil politique de la croissance économique. La crise actuelle montre que la théorisation de la monnaie est mise en échec par les faits. Les Etats souverains et les banques centrales ont perdu le contrôle des équilibres économiques par la politique monétaire et la politique budgétaire. Pire, la destruction des équilibres économiques, monétaires et budgétaires vient d'un système financier incontrôlable emporté dans sa spéculation sur sa propre destruction.

La MMT décrit la malignité des phénomènes en cours mais ne les explique pas ; pas plus que les théories économiques qui s’expriment jusqu’à présent. La crise que nous vivons est systémique : les systèmes par lesquels nous analysons les équilibres de la production de richesses n’expriment aucune causalité à l’effondrement de la croissance économique et à la paupérisation des pays développés. Dire que l’État est maître de la création monétaire par le budget et par la dette sur laquelle s’appuie l’émission monétaire n’apporte aucune solution à la perte de contrôle public du système financier. Les théories économiques analysent une insolvabilité du système financier mondial mais ne proposent aucune solution convaincante. Le système financier ne produit pas et ne produira pas la valeur réelle qu’il affiche comptablement ; on ne sait comment le formuler pour retrouver le prix de la réalité.

La valeur réelle du système financier est visiblement inférieure à la somme du prix des actifs nominaux inscrits dans les comptes financiers. Le système financier est en faillite mais il est impossible de le dire car il faut alors évaluer ses pertes et les répartir afin de rétablir la vérité des comptes et faire disparaître les institutions en valeur nette négative. La crise du système est l’absence d’efficience à produire des prix qui signifient quelque chose et l’absence d’efficience à imputer les pertes éventuelles aux acteurs qui en sont à l’origine. Le système financier est un TGV à pleine vitesse sur sa voie ferrée qui n’a plus de frein et dont le conducteur est évanoui incapable de signaler le problème dont il est affecté. Peut-être que des ingénieurs ont des solutions au problème ; mais il faudrait qu’ils en soient informés pour proposer des réponses pertinentes.

La crise des subprimes a déconnecté le système financier de l’économie réelle. En vertu des théories économiques en vigueur les banques centrales sont venues au secours des banques puis les Etats au secours de tout le système bancaire. La théorie économique, financière et monétaire ne sait pas distinguer une crise de solvabilité d’une crise de liquidité. Comme on sait traiter la liquidité du système mais pas sa solvabilité, on dissimule le problème de solvabilité par une inondation de liquidité. Les pompes à incendie fonctionnent à plein régime mais le foyer de l’incendie est invisible et reste quelque part de plus en plus actif. Le foyer de l’incendie, c’est la division du pouvoir politique en nationalités concurrentes sur un système financier mondial unique qui subvertit toute tentative des gouvernements et des banques centrales de réguler la finance par l’économie réelle.

Ce qu’aucune théorie économique ne semble capable d’analyser c’est l’absurdité politique et financière de monnaies nationales utilisées comme monnaies internationales. L’utilisation internationale du dollar et de l’euro, c’est le TGV sans frein par l’absence de conducteur : les banques centrales sont incapables de voir ce que les banques font en dehors de leur juridiction avec la monnaie qu’elles émettent. Elles ne peuvent pas contrôler la transformation de leurs liquidités en crédits à des débiteurs macro-économiquement solvables, qui soient collectivement capables de produire la richesse correspondant à la totalité de leurs emprunts. Les Etats sont réduits à la même cécité à devoir garantir des institutions dont ils ne contrôlent que la partie localisée sous leur juridiction.

Le quantitative easing est la seule politique que les banques centrales puissent adopter pour dissimuler l’insolvabilité croissante du système financier qu’elle ne peuvent pas contrôler ni encore moins résoudre. La liquidité absorbée par le système financier va alimenter les bulles spéculatives partout où il n’existe aucun principe d’évaluation réaliste des prix. Les bulles qui ont le plus de potentiel spéculatif sont maintenant les dettes publiques nécessaires à la production de liquidité centrale. Laquelle liquidité est nécessaire pour dissimuler les ravages de la spéculation contre les dettes publiques. Pour spéculer contre les dettes publiques étatsuniennes et européennes, il suffit de se placer en monnaie des pays émergents pour faire baisser le dollar et l’euro et accélérer mécaniquement une catastrophe de plus en plus certaine dans la suspension des paiements extérieurs de la zone dollar et de la zone euro.

L’utilisation libre des monnaies nationales dans les paiements internationaux permet au système financier d’acheter gratuitement des liquidités aux banques centrales pour dégager des plus-values sur l’accélération de l’effondrement du système. Le TGV fonce et personne ne pense à couper le courant. Couper le courant, ce serait convertir dans une monnaie internationale commune toutes les positions internationales en monnaie nationale. A partir du moment où l’euro et le dollar peuvent être dévalués en tant que monnaie domestique par rapport à une monnaie internationale, il devient dangereux d’exporter de la liquidité sans l’investir dans l’économie réelle car le mouvement même de liquidité entre deux monnaies provoque une variation de change qui renchérit un mouvement inverse sans cause réelle visible.

Avec une monnaie internationale, la conversion d'une monnaie nationale dans une autre traduit un besoin réel d'échange de biens et services, de crédit ou de capital entre les deux pays. Les taux de change traduisent des équilibres de long terme fondés sur la solvabilité. Vendre par exemple du dollar pour acheter du real provoque la dévaluation du dollar par rapport à l'étalon internationnal comme appréciation d'une moindre solvabilité de la zone dollar. Faire l'opération de change inverse sans le fonder sur une appréciation réelle d'une transformation réelle de la solvabilité de la zone réal nécessite de payer le prix de la dévaluation qu'on a initialement provoquée à partir d'une analyse fondamentale de la solvabilité relative des deux zones monétaires. La monnaie internationale rétablit la responsabilité des Etats et banques centrales sur leur monnaie et mutualise l’équilibre international de la liquidité et des changes. Aucune théorie économique n’a jusqu’à présent démontré l'absurdité d'un système monétaire international fondé sur un étalon monétaire rationnellement négocié comme sous-jacent d'un marché international transparent d'options.

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