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30 juillet 2011 6 30 /07 /juillet /2011 16:52

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Finance contre démocratie

La démocratie étatsunienne est en train de piéger la finance dans ses contradictions. Contradictions qui sont celles du système monétaire conçu sur l’utilisation du dollar comme étalon monétaire international et du dollar gagé par une dette supposée absolument sûre, celle de l’État fédéral étatsunien. Contradictions :

1) si le dollar étatsunien est l’expression monétaire des engagements de droit entre Étatsuniens, comment la démocratie étatsunienne vérifie-t-elle que le droit est respecté selon ses normes entre non-Étatsuniens ?

2) si le dollar étatsunien est le signe matériel de la solidarité juridique et économique de la nation étatsunienne, pourquoi l’État fédéral étatsunien se finance-t-il auprès des étrangers déposants en dollar ?

3) si le dollar étatsunien permet de régler n’importe quel achat dans le monde, pourquoi les États émetteur de cette monnaie sont-ils seulement unis en Amérique ?

La démocratie étatsunienne piège la finance dans ses contradictions par le dollar. La démocratie politique est un système de gestion de la contradiction ; spécialement aux États-Unis où la représentation parlementaire consulte l’électorat tous les deux ans, où tout se débat en permanence et où le consensus ne peut être forcé par le pouvoir dictatorial de quelques-uns. La démocratie étatsunienne transforme la réalité présente en réalité future par la discussion. La réalité future ne peut pas être certaine tant qu’elle n’est pas devenue présente après que le temps du débat toujours possible se soit écoulé.

La finance de crédit aux Etats-Unis comme dans le reste du monde dollarisé, fait l’hypothèse d’une neutralité du débat sur le futur. Pour gagner de l’argent avec du crédit, il faut transformer la plus grosse masse possible de dépôts et d’épargne en prêts. Il faut donc supposer que tout ce qui se produit au présent se reproduira à l’identique voire plus dans le futur. Il faut supposer que le débat n’a pas de conséquence ; qu’il est sans risque.

La finance mondialisée en dollar a leurré la démocratie étatsunienne avec la dette publique. Pendant 70 ans, elle a transformé l’épargne mondiale pour acheter la dette fédérale étatsunienne. Le financement de l’État fédéral par une fraction des réserves de change international a fait de la mondialisation financière un miracle pour le contribuable étatsunien. Les finances publiques fédérales sont sorties du débat de la démocratie. Brutalement la dette publique des États-Unis, devient trop lourde pour le monde. La démocratie étatsunienne reprend le débat de l’État fédéral ; le miracle devient un mirage.

Le piège démocratique se referme sur la finance mondialisée. En Europe, le piège est déjoué par le démantèlement de la démocratie. Le contribuable paie les erreurs d’anticipation de la finance et des pouvoirs publics. Aux États-Unis, ce n’est pas possible. L’Etat ne peut ni augmenter les impôts ni dépenser sans l’autorisation des citoyens. Trois positions politiques transversales aux partis s’affrontent :

1) l’impossibilité de mettre la finance en faillite par l’arrêt de production de liquidité sur la dette fédérale

2) la négociabilité du format de l’Etat fédéral pour rééquilibrer son budget

3) l’impossibilité de supprimer les dépenses fédérales de solidarité nationale inter-individuelles et inter-étatiques.

Les républicains sont plutôt sur la position 2 tandis que les démocrates sont plutôt sur les positions 1 et 3. Les 3 positions ne sont conciliables que par le « bas financier », c’est à dire par la réalité concrètement concevable : ralentissement drastique de la croissance de la dette, rééquilibrage du budget surtout par la baisse des dépenses et abaissement des normes publiques de solidarité fédérale. La tentation impérialiste pour réunifier les Étatsuniens n’a pas de véritable ennemi extérieur pour se déployer.

La finance est donc piégée par la fermeture du robinet à liquidité de l’endettement public. Pas seulement la finance étatsunienne : la liquidité n’a pas de nationalité dans le régime de la finance auto-régulée. Les taux d’intérêt vont flamber dans le monde entier. Les actifs financiers, crédits prêtés et contrats à terme, vont s’effondrer du fait de la faillite des intermédiaires financiers tandis que les actifs réels vont flamber : immobilier, terres, matières premières. Les emprunteurs trop faibles en droit par rapport à leur prêteur vont être jetés à la rue afin de restituer les biens réels qu’ils ne peuvent plus acheter par leur travail.

La finance mondiale piégée par la démocratie étatsunienne, c’est la réalité piégée par le verbe de la démocratie formelle non universelle : la démocratie qui n’oblige pas le verbe à transformer la réalité, qui ne met pas tout le monde devant la même exigence de responsabilité et qui ne reconnaît pas l’égalité universelle des droits et devoirs humains. La chute du dollar est l’échec financier de la démocratie étatsunienne qui n’a pas cru bon de partager ses aspirations avec le reste du monde. Le monde présente désormais la facture des achats impayés des Étatsuniens.

Si la démocratie étatsunienne doit maintenant faire ses comptes, cela suppose qu’elle se dote d’un système financier conçu à cette fin. Et si l’Union Européenne veut restaurer la liquidité de son système financier, il faut qu’elle se dote d’une démocratie. La régulation du crédit des citoyens à l’État, de l’État aux banques et des banques aux citoyens ne peut pas se faire sans démocratie et sans égalité devant la monnaie. Ni les États-Unis, ni l’Europe n’ont de vraie démocratie qui impose aux banques et aux collectivités publiques d’emprunter dans les mêmes conditions et dans la même position de négociation que le citoyen de base.

Tant que le bien commun universel n’est pas matérialisé par un marché international du crédit régulé par le juge judiciaire de l’égalité des droits, les banques emprunteront des privilèges aux États contre des créances sur les contribuables. Le seul équilibre d’un tel système est la disparition du droit, l’enrichissement de la minorité sur l’appauvrissement de la majorité et finalement la déshumanisation du réel. Quelles limites le verbe va-t-il imposer à son pouvoir de privatiser la réalité universelle ?

 

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Pierre Sarton du Jonchay
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